Montréal, 30 mars 2002  /  No 101  
 
<< page précédente 
  
  
 
 
Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme. Il est également éditeur adjoint du QL pour la section européenne.
 
CHRONIQUE DE RÉSISTANCE
 
CHIRAC: L'HOMME DE L'ÉTAT MONDIAL
 
par Marc Grunert
  
  
          La posture mondialiste de l'opportuniste président de la République française, Jacques Chirac, avait déjà été illustrée par le mémorable discours d'Orléans portant aux nues l'écolo-mondialisme. Henri Lepage, le délégué général de l'Institut Euro92, avait mis en évidence les erreurs de faits, les mensonges, à la base de cette déclaration qui faisait la promotion d'une sorte de gouvernement écologique mondial (voir: Écologie: d'abord rétablir les faits). Voilà qu'à l'approche des élections présidentielles, Chirac remet ça en profitant de la tribune offerte par le sommet « sur le financement du développement » organisé dans la semaine du 18 mars à Monterrey, au Mexique, sous l'égide de l'ONU.
 
Un impôt mondial 
  
          Dans un article publié par le quotidien Libération, Jacques Chirac expose sa vision collectiviste de l'aide au développement en inventant ce petit bijou de rhétorique démagogique: « Il est temps de prendre conscience que la mondialisation de l'économie exige la mondialisation de la solidarité(1). » Il s'agit bien entendu de la solidarité obligatoire, celle qu'administrent les hommes de l'État et qui est fondée sur l'extorsion légalisée de fonds privés, les impôts. D'ailleurs, Chirac, l'homme dangereux de l'État mondial, ne s'en cache pas: pour défendre « l'intérêt général de la planète » il recommande d'étudier les « possibilités de taxation internationale ». 
  
          L'impôt mondial serait le début d'un déclin irrémédiable de la liberté et, de manière concomitante, celui d'une politisation inouïe de la vie des hommes à l'échelle mondiale. Politisation dont on sait qu'elle est la cause première du frein au développement, en raison de l'hyper-réglementation de la vie économique qu'elle engendre. Les individus seraient broyés sans merci par les luttes intestines pour un pouvoir donnant accès aux ressources redistribuées. 
  
          Le résultat d'un tel impôt ne serait pas la disparition du Tiers Monde et son accession au premier monde, mais le contraire. En effet, comme Lord Bauer l'a bien montré, « le Tiers Monde est la création de l'aide officielle [...] L'idée d'un monde sous-développé, qui devait finalement devenir Tiers Monde, a été inventée après la seconde guerre mondiale. [...] dès qu'elle fut formulée, la caractéristique unificatrice fut que le Tiers Monde est, en pratique, l'agrégat des pays dont le gouvernement demande et reçoit l'aide occidentale. Sous tous autres rapports, l'unité ou l'uniformité est pure fiction(2). » L'impôt mondial signerait l'entrée du monde dans un collectivisme sans retour et le pillage de l'Occident. 
  
          Que propose Chirac pour favoriser le développement des pays pauvres? « L'aide publique surtout. Elle est irremplaçable. Pour éradiquer la misère, vaincre le sida, assurer à tous les conditions d'une alimentation saine et d'une éducation de base, la Banque mondiale estime nécessaire de mobiliser cinquante milliards de dollars de plus chaque année, c'est-à-dire le double du montant actuel. » 
  
          Ainsi, l'aide aux gouvernements reste l'alpha et l'oméga de la politique de développement des pays du Tiers Monde. Mais que sont devenues les aides depuis quarante ans? N'ont-elles donc produit aucune richesse supplémentaire permettant aux pays bénéficiaires d'accroître le capital et le remboursement des dettes? Il faut croire que non. Et la raison est simple: au pire, les aides ont servi à enrichir les dirigeants corrompus de ces pays, et, au mieux, elles ont servi à une politique de redistribution et d'assistance, qui n'a en rien favorisé les facteurs personnels et sociaux du développement économique. 
  
          Au lieu de cela, libérer les mécanismes du marché peut permettre aux individus les plus dynamiques de créer des activités qui profitent à tous (voir AIDE AUX PAUVRES: LE MARCHÉ INVENTE LE MICROCRÉDIT, le QL, no 98). Mais de ces solutions libérales, les chefs d'États n'ont pas parlé car ils ne peuvent pas concevoir un monde où ils seraient inutiles. Ils n'y ont pas intérêt. Et Chirac enfonce le clou: « Je crois aussi nécessaire de créer un "Conseil de sécurité" économique et social du monde. » Ainsi, les structures d'un État mondial ont trouvé en Chirac leur meilleur avocat et la prospérité mondiale son pire ennemi, du moins dans les mots. 
  
          La réglementation de l'économie mondiale et une politique sociale à l'échelle mondiale ne pourront que contrarier la multitude des échanges volontaires qui seuls peuvent créer de la richesse pour le plus grand nombre. 
  
Sauver la planète: la supériorité du capitalisme 
  
          Le candidat à sa succession expose ensuite son plan pour sauver la planète des activités irresponsables des hommes. Il assène des contre-vérités utiles. « Les prélèvements sur la nature dépassent ses capacités de reconstitution. Les pays du Nord sont, de loin, les principaux responsables d'une situation qui, du réchauffement climatique aux pollutions, dégrade notre planète. » Tout cela est faux mais pour les politiciens, l'utilité politique est le seul critère de vérité. On s'en convaincra en relisant l'article UNE BRÈCHE DANS LE DISCOURS ÉCOLO ALARMISTE, paru dans le QL no 87. 
  
     « Le président français veut, semble-t-il, engager la France dans la voie de la démocratie mondiale représentative, le G8 se transformant en une sorte d'assemblée des représentants dont la mission sera d'assurer "une meilleure maîtrise politique de la mondialisation". »
 
          Pour finir, Jacques Chirac, en bon apparatchik de l'État, nous assène son triste bréviaire étatiste. « Ce n'est qu'en unissant nos efforts, dit-il, que nous pourrons gérer solidairement ces biens publics mondiaux que sont le climat, les forêts, l'eau, l'air, patrimoine commun de l'humanité. Il existe un intérêt général de la planète, comme il existe un intérêt général national. » L'équation est vite résolue en identifiant « l'intérêt général » à l'intérêt de l'État, national ou mondial. Un minimum de sens critique permet de le vérifier, alors que c'est de la pure fiction d'évoquer un « intérêt général » qui serait incarné dans des « biens publics » tout aussi fictifs. 
  
          Outre le fait que Chirac identifie abusivement « bien public » et « monopole géré par l'État », on peut rappeler que seule l'institution de la propriété privée peut protéger l'environnement. Pour réfuter Chirac au moins sur un point, à titre d'exemple pédagogique, souvenons-nous que « quand on regarde une carte de l'évolution des forêts au cours des décennies récentes, il est frappant de constater que leur superficie a augmenté de manière significative dans certaines zones du monde et diminué fortement dans d'autres. Or cette évolution est fortement corrélée au régime juridique: la forêt a progressé là où elle est majoritairement privée, par exemple en Europe; elle a diminué là où elle fait l'objet d'une propriété étatique, par exemple en Afrique et en Asie. » (Pascal Salin, Libéralisme, p. 387.) 
  
          La raison de la supériorité de la propriété privée dans la protection de l'environnement tient au fait que la valeur des terrains forestiers dépendrait de la valeur des arbres susceptibles d'être coupés dans le futur, ce qui oblige le propriétaire à gérer sa forêt sur le long terme, sans déboiser en laissant un terrain en friche. « Le droit de propriété permet de capitaliser les actions futures, de transporter les valeurs dans le temps. » (Salin, p.386)(3) 
  
          Au contraire, la politique chiraquienne des « conservatoires » et des « patrimoines de l'humanité » conduirait à créer des sanctuaires fermés à toute activité humaine. Outre que cela revient à une appropriation abusive d'une grande partie de la planète par les hommes de l'État, une telle politique de sanctuarisation ira d'échec en échec, justifiant ainsi toujours plus d'interventions. Une police de l'environnement sera créée, une bureaucratie mondiale aura trouvé une nouvelle raison de vivre. 
  
Démocratie mondiale 
  
          Le président français veut, semble-t-il, engager la France dans la voie de la démocratie mondiale représentative, le G8 se transformant en une sorte d'assemblée des représentants dont la mission sera d'assurer « une meilleure maîtrise politique de la mondialisation ». Les décisions et les normes sécrétées par les instances internationales sous l'égide de l'ONU sont depuis longtemps hors de toute discussion démocratique (la démocratie locale n'est pas un régime de liberté mais elle permet dans une certaine mesure de contrôler les dirigeants; rien de tel à l'échelle mondiale). 
  
          Jacques Chirac propose d'étendre encore la gestion de la vie des gens par le haut. « Nous avons besoin, dit-il, de mieux associer les pays du Sud aux décisions qui engagent notre avenir commun. C'est pourquoi j'ai proposé que la France réunisse en 2003, année pendant laquelle elle présidera le G8, les responsables d'une vingtaine de pays développés, émergents et pauvres. Ensemble, nous donnerons, en partenaires, les impulsions nécessaires pour que l'action des organisations internationales soit plus cohérente et plus forte. » 
  
          C'est clair, les hommes de l'État ont ouvert un marché politique d'avenir: la gouvernance mondiale. Combien de parasites vont pouvoir se nicher dans les structures de l'État mondial? Quelle sera l'ampleur de l'exploitation dont seront victimes les individus productifs? Voilà les questions auxquelles Jacques Chirac ne répondra jamais. Ni, d'ailleurs, son clone politique, Lionel Jospin. 
 
 
1. Jacques Chirac, « Pour un monde solidaire », Libération, 22 mars 2002.  >>
2. Peter T. Bauer, Mirage égalitaire et Tiers Monde, PUF, libre échange, 1984. Voir aussi sur internet: « Qui a causé la pauvreté? »>>
3. Voir aussi le dossier d'Henri Lepage, Les fondements économiques d'une approche libérale de l'écologie, Institut Euro92.  >>
 
 
Articles précédents de Marc Grunert
 
 
<< retour au sommaire
PRÉSENT NUMÉRO