Montréal, 11 mai 2002  /  No 104  
 
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Christian Michel est propriétaire du site Liberalia.
 
PHILOSOPHIE LIBERTARIENNE
 
DU DROIT DE PORTER
DES ARMES
 
par Christian Michel
  
  
          Personnellement, je ne suis pas un partisan du port d'armes, je ne souhaite pas en avoir, et je me sentirais plus à l'aise dans une société où elles seraient totalement bannies. Mais tant que le désir d'en posséder existe, nous ne pourrons pas les faire disparaître.
 
          Les prohibitions ne sont jamais intégralement respectées, et ceux qui les violent sont ceux qui ont une forte motivation d'acquérir un avantage sur ceux qui les respectent. Cette intention est flagrante chez nos dirigeants: loin d'interdire la détention d'armes, ils s'en réservent carrément le monopole. Doit-on rappeler qu'ils sont loin d'en avoir fait un usage modéré? Ouvrons nos quotidiens à la page « Afrique », « Israël », ou même « France ». Considérons les statistiques. Les tueurs à redouter ne sont pas tant nos voisins au pitbull et au jardin piégé; ce sont plutôt ceux qui patrouillent en uniforme, qui sont salariés pour faire usage de leurs armes, et qui ne s'en privent pas. 
  
Comment civiliser le port d'armes 
  
          L'abolition de ce monopole n'augmentera donc pas beaucoup la dangerosité de nos villes. Mais il subsiste bel et bien le risque « de faire de chaque citoyen légalement armé un justicier ». Comment le gérer? Remarquez que nous confions déjà à un grand nombre de gens des instruments dangereux: des produits chimiques mortels, des automobiles, des bonbonnes de gaz, des centrales nucléaires... Pour limiter le danger, nous responsabilisons les opérateurs. D'abord en les informant et en s'assurant par un contrôle qu'ils savent ce qu'ils font. Dans une société de liberté, j'imagine qu'une compagnie d'assurances rejettera ceux qui ne prouvent pas leur aptitude à conduire, avec un examen plus poussé pour les voitures plus puissantes, et les propriétaires de routes refuseront l'accès aux conducteurs non assurés.  
  
          Ensuite, ceux qui n'ont pas respecté les consignes d'utilisation subissent une sanction. L'illégalité interdit cette responsabilisation. L'opérateur ne passe pas par l'apprentissage rigoureux que la dangerosité réclame, et sa clandestinité ne rend pas facile son appréhension en cas de faute. Le marché de la drogue comme celui des armes sont des exemples frappants de ces effets pervers de toute prohibition.  
  
          Les « vengeurs de bar-tabac » seront donc rendus conscients des conséquences de leurs actes. La sanction d'une faute sera différente d'aujourd'hui, mais aussi sévère, sauf que par une meilleure information, cette faute sera plus rare, et par les règlements de voisinage, les exigences des assurances, etc., qui identifieront les porteurs d'armes, cette sanction sera plus certaine.  
  
     « Le danger n'est pas le port d'armes, mais le port d'armes irresponsable. Et les plus irresponsables des porteurs d'armes sont ceux qui en détiennent aujourd'hui le monopole. »
 
          En effet, si un industriel déversait ses saloperies chimiques dans mon lac, ou un chirurgien m'ôtait le rein sain pour laisser le malade, me contenterais-je d'une aimable lettre d'excuses? Que nenni! Je réclamerais et obtiendrais des indemnités pleines et entières, et si ces gens n'étaient pas seulement responsables mais coupables (le chirurgien fumait un joint avant d'opérer, par ex.), leur assurance ne jouerait pas et ils devraient s'acquitter personnellement de leur dette, quitte à passer le restant de leurs jours à travailler pour moi, ou pour la Croix-Rouge, si tel était mon souhait.  
  
          Toujours dans cette société de liberté, mon association de quartier ou de copropriétaires tolérerait-elle qu'un voisin entrepose des explosifs dans sa cuisine, ou qu'il y élève des bêtes féroces? Accepterait-elle qu'il soit armé? Pas automatiquement, si j'ai mon mot à dire. J'exigerais auparavant de comprendre le caractère de ce voisin, ses motivations, évaluer les garanties qu'il nous donne... Il aura à me convaincre. Et s'il fait un mauvais usage de son arme, il aura à en répondre. Imaginez que ma gamine reçoive une balle perdue parce qu'il faisait un carton sur un voleur d'autoradio; vais-je excuser un « regrettable accident »? Si nous considérons que l'industriel, le chirurgien et le dresseur de piranhas sont responsables, combien plus encore doit l'être celui qui use d'une arme (et je ne louperai pas le beauf qui la pointe sur un voleur d'autoradio). Notre société est fondée sur la confiance, et ceux qui veulent avoir entre les mains le pouvoir de tuer doive la mériter plus que d'autres.  
  
Le port d'armes irresponsable 
  
          Mais si une société de liberté engage la responsabilité de tous les acteurs, tel n'est pas le cas de la nôtre. Le jeune qui gifle un policier ira en prison; le policier qui tire dans le dos d'un jeune désarmé n'ira pas en prison. Jamais. Ni en France, ni en Suisse. C'est comme ça, c'est l'État. Les gazettes rapportent de temps à autre une « bavure » policière(1). Elles narrent en pleine page le procès de meurtriers. Quand, dites-moi, avez-vous lu le procès d'un policier meurtrier? Pourtant, de même qu'un éducateur est plus coupable qu'un étranger de violenter les enfants dont il a la charge, il est bien plus grave pour un représentant des forces de l'ordre que pour un voyou d'agresser un innocent. L'homme en uniforme a vocation d'exemple, et ses manquements à l'ordre devraient être sanctionnés exemplairement. Or ce soir, après avoir tué bêtement, il dormira chez lui.  
  
          Le flic Lambda se prend pour Rambo. C'est, d'une part, que sa formation est insuffisante (mais peut-être que le QI de Lambda ne permet pas mieux); d'autre part, que l'impunité lui est garantie. Alors, ne nous trompons pas d'adversaire. Le danger n'est pas le port d'armes, mais le port d'armes irresponsable. Et les plus irresponsables des porteurs d'armes sont ceux qui en détiennent aujourd'hui le monopole(2). 
  
  
1. Le camarade qui tenait le score policiers tués/policiers tueurs (Société de criminologie expérimentale) faisait preuve de mauvais goût, mais ses statistiques étaient éclairantes. Son site a donc été interdit.  >>
2. Voir « On n'a pas besoin de ces gens-là », dans les Chroniques de la chiennerie ordinaire, sur www.liberalia.com>>
 
 
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