Montréal, 8 juin 2002  /  No 105  
 
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Clément Leroy est étudiant à l'École Supérieure de Commerce de Pau (France), où il fait la promotion des idées libérales en organisant notamment des débats.
 
OPINION
 
2002, DE GEORGE ORWELL JR
 
par Clément Leroy
  
   La guerre c'est la paix.
   La liberté c'est l'esclavage. 
   L'ignorance c'est la force.
 
– George Orwell, 1984
 
 
          George Orwell, qui avait de manière visionnaire si bien su décrire ce que l'humanité allait découvrir concernant les méfaits du communisme dans le monde, se retournerait dans sa tombe en apprenant que le monde totalitaire qu'il avait dépeint ressemble de plus en plus à notre monde occidental actuel. 1984 sonnait comme un avertissement visant à décrier la négation grandissante des libertés individuelles.
 
Troublantes similitudes 
 
          La situation politique en France, même si elle n'est pas comparable à celle de l'ex-URSS, devient inquiétante. Et on remarque des similitudes avec le célèbre roman d'Orwell. Big Brother n'a jamais été aussi présent dans les esprits. Le plus dramatique et inquiétant est que la pensée unique habite – presque – tous ces esprits, celle-ci étant véhiculée par tous les organes de socialisation (école, milieu associatif, etc.) mais aussi au travers des médias. Car l'État ne se limite plus à assurer ce que Max Weber appelait « le monopole de la contrainte physique légitime »; il fait en sorte de lobotomiser les cerveaux humains afin d'annihiler toute forme d'individualisme. 
  
          Les médias prônent la tolérance, l'acceptation de la différence, mais rejettent tout ce qui leur semblent contraires à cette pensée unique, qui notons-le au passage est basée sur des idées toutes faites, soigneusement mijotées par nos hommes politiques de quelque parti que ce soit. Ils jouent le rôle du Ministère de la Vérité. 
  
          La Novlangue a ainsi été instituée en France, réduisant ainsi le domaine de la pensée. Dans la société totalitaire décrite par Orwell, quand la Novlangue sera réellement utilisée par tous, les gens n'auront pas de mauvais raisonnements puisqu'ils n'auront pas les mots pour les penser. Ainsi, le mot « libéralisme » n'existe pas dans ce langage chez nous, ce qui explique son absence lors de cette élection présidentielle. Non pas que l'on ait bâillonné les leaders politiques libéraux comme Alain Madelin. Le problème est que l'emploi de ce mot est banni. 
  
     « Redonnons aux mots leur sens premier aux yeux de l'opinion publique. N'hésitons pas à condamner l'héritage des partis d'extrême gauche. Assumons nos idées. Proclamons haut et fort les vertus du libéralisme. »
 
          Tout ce qui fait penser de près ou de loin aux thèses libérales est forcement rejeté, ou reformulé. Par exemple, pour parler des fonds de pension étatisés, Chirac employait le terme de fonds de pension « à la française » et Jospin celui de « fonds salariaux d'épargne retraite ». Ce dernier va même jusqu'à reconnaître qu'il s'agit d'une « formule poétique ». Qu'est-ce que la poésie a à voir là-dedans? 
  
          La seule différence avec le roman d'Orwell concerne le télécran. Aujourd'hui celui-ci n'est pas imposé mais choisi délibérément: 94% des foyers français sont équipés d'une télévision déblatérant en cette période électorale ce qui est conforme ou non à l'idéal démocratique, à l'intérêt général. Big Brother a gagné. 
 
Assumons le mot libéralisme 
  
          Le score du candidat Madelin aux présidentielles n'est guère réjouissant. Certes, il a fait légèrement mieux que le Parti communiste, désormais relégué au fin fond des abysses électorales, mais beaucoup moins bien que les leaders d'extrême gauche, Arlette Laguiller et Olivier Besancenot. Ces personnages apparaissent quant à eux très sympathiques, avec d'un côté une jeune retraitée du Crédit Lyonnais aux idées révolutionnaires kitch, et de l'autre un gentil facteur reprenant le flambeau d'une Ligue Communiste Révolutionnaire vieillissante (sic). 
  
          Le danger est là: il s'agit d'un danger sémantique. Redonnons aux mots leur sens premier aux yeux de l'opinion publique. N'hésitons pas à condamner l'héritage des partis d'extrême gauche. Assumons nos idées. Proclamons haut et fort les vertus du libéralisme. De cette manière, les gens auront une idée plus claire du débat qui s'offre à eux. Et ils reprendront goût à la contestation des excès du pouvoir politique qui a si bien caractérisé les Français par le passé. 
  
          Ce n'est qu'à ce prix que les libéraux français pourront se faire entendre. Car nous ne souffrons d'aucune contradiction, contrairement à ce que beaucoup prétendent. Nous souffrons d'un complexe lié à notre image de méchants individualistes. Mettons en oeuvre tous les moyens pour que le 1984 décrié par Orwell ne se superpose pas à la réalité. Pour ce faire n'hésitons pas à proclamer haut et fort les valeurs et les principes qui sont les nôtres.  
   
 
 
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