Évidemment ce que la « volonté
du peuple » a fait, la même « volonté
» peut le défaire, n’en déplaise à Castro.
C’est la mascarade constitutionnelle. Elle marque l’échec de la
stratégie constitutionnelle des opposants du régime et du
projet Valéra « pour lequel, selon la Constitution
cubaine, 11 000 citoyens ont demandé que soient soumises
à référendum des propositions légalisant le
droit d'association et d'expression, l'amnistie des prisonniers politiques,
la liberté d'entreprendre et l'organisation d'élections libres(2).
»
L'échec
de la solution constitutionnelle
Le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek
avait ardemment combattu le socialisme et la démocratie illimitée.
Il voyait, avec raison, dans l’idéologie socialiste une «
présomption fatale »(3),
c’est-à-dire la prétention du pouvoir politique, primo, de
posséder assez d’informations centralisées pour transformer
rationnellement la société, et secundo, d’incarner un indéfinissable
« intérêt général »
ou « public » afin d’obliger les individus, irrésistiblement
mus par des intérêts égoïstes, de poursuivre non
pas leurs propres objectifs mais ceux des « clairvoyants »
hommes de l’État.
La critique de Hayek s’est avérée
fondée depuis le début(4)
même s’il a longtemps prêché dans le désert (voir
« La
vie et l’oeuvre de Friedrich Hayek »). Pourtant, ce grand
penseur n’a pas su imaginer la réponse adéquate. Au lieu
de constater que les pères fondateurs de la Constitution américaine
s’étaient trompés en acceptant de donner corps à un
État – fût-il conçu pour être un chien de garde
enchaîné et à la niche –, Hayek est resté attaché
à la solution constitutionnelle. Pourtant l’histoire a plus que
démontré que l’État brise toujours sa chaîne
et devient une bête enragée, agressant finalement toutes les
libertés individuelles au nom du mythique « intérêt
général » ou de la « démocratie
».
L'État,
le mal absolu
Les démocraties sociales, censées
être le paradis des libertés, sont le résultat d’une
évolution historique irrésistible vers plus de sécurité
et moins de liberté. Ce mouvement est inexorable en raison de la
nature même du pouvoir politique. C’est lui qui engendre l’insécurité
qu’il est appelé ensuite à résoudre. Guerre, chômage,
inflation, incertitude juridique, autant de produits inévitables
des États, sources d’insécurité et de malheur public.
Il est assez cocasse, donc, que ce soit justement à l’État
que l’on songe pour résoudre des problèmes que lui seul engendre
par nature.
Il n’y a pas de solution constitutionnelle à
la croissance du pouvoir politique et à l’évaporation concomitante
de la liberté. D’une part une constitution est indéfiniment
révisable. Le nombre de « Républiques »
françaises est là pour en témoigner, et les révisions
internes de la Constitution de la Ve République aussi. Il y a, de
plus, l’interprétation indéfiniment élastique des
textes qui a fait qu’en l’espace de 200 ans l’esprit de la Constitution
américaine a été lamentablement bafoué pour
donner à l’État fédéral un pouvoir quasi-illimité.
D’autre part, il doit être bien évident pour tous que le pouvoir
politique est un mal absolu. On ne peut pas choisir le mal absolu.
« L'État est enrobé de mythologies. À commencer
par lui-même car l'État n'existe pas en soi, seuls les hommes
de l'État existent. Or ils ne peuvent ni exister, ni agir, sans
agresser les droits de propriété et les libertés des
individus. » |
|
Alors que dans une société sans
État, où tous les services désirés pourraient
être fournis par des entreprises privées, les individus font
face à la responsabilité de choisir entre le mal (l’agression
de la propriété d’autrui) et le bien (la non-agression),
dans une société où l’État existe le mal est
une institution.
La
solution anarchiste
Une constitution est censée être
la solution libérale au problème de l’extension du pouvoir
politique et de la préservation des libertés individuelles.
Mais, à moins de constitutionnaliser quasiment tout ce qui relève
de la politique ordinaire, ainsi que le souhaitait Hayek, et de verrouiller
le tout on ne sait comment (Hayek proposait un système: la démarchie(5)),
les démocraties constitutionnelles dites « libérales
» sont désespérément vouées à
sombrer dans le totalitarisme sécuritaire et liberticide, avec à
l’horizon de l’utopie « le meilleur des mondes
», un monde où un trait de la société
sécuritaire et étatisée actuelle aura atteint son
plus haut degré, l’amour de la servitude(6).
La solution anarcho-capitaliste consiste tout
simplement à être cohérent et à ne pas se laisser
impressionner par les préjugés de l’histoire. Tous les gens
raisonnables conviennent que le pouvoir politique n’est pas capable de
rivaliser avec le marché dans la production des services et des
biens. Les services de sécurité et de justice seraient donc
a priori fournis en qualité et en quantité optimales
par le marché. Il n’y aucune raison logique de prétendre
le contraire(7).
Il y a même nombre d’arguments critiques
qui devraient nous inciter à supprimer les monopoles d’État
dans la production de ces services: en raison de la contrainte de budget
et des préférences des hommes de l’État pour les politiques
« sociales » (achat de clientèles), les
services de police et de justice sont fournis à l’aveugle, sans
savoir où sont les besoins et en quelle quantité; de manière
symptomatique, c’est la légion des hommes de l’État qui est
la mieux protégée; les zones d’insécurité prolifèrent
car le droit de porter des armes est refusé aux citoyens honnêtes
et l’industrie privée de la sécurité est très
limitée; le système judiciaire est de très mauvaise
qualité: trop de lenteur, des lois excessivement compliquées
et sans principes inamovibles (les droits de propriété sont
de plus en plus relatifs et piétinés).
L'État est enrobé de mythologies.
À commencer par lui-même car l'État n'existe pas en
soi, seuls les hommes de l'État existent. Or ils ne peuvent ni exister,
ni agir, sans agresser les droits de propriété et les libertés
des individus. En conséquence, une société de liberté
cohérente et non violente ne peut admettre qu’une seule «
constitution »: «
Chacun fait ce qu’il veut avec ce qui lui appartient et rien qu’avec
ce qui lui appartient(8).
»
Exit les hommes de l'État!
1. AFP, «
Le
Parlement cubain vote à l'unanimité pour un socialisme "irrévocable"
», Lemonde.fr, 27 juin 2002. >> |
2. Alain Abellard,
« Fidel castro affirme le caractère "immuable"
du socialisme cubain », Le Monde, 18 juin 2002.
>> |
3. F.A. Hayek,
La présomption fatale, PUF, libre échange, Paris,
1993. >> |
4. F.A. Hayek,
La route de la servitude, PUF, quadrige, Paris, 1993 (1ere edition:
Librairie de Medicis, 1946). >> |
5. F.A. Hayek,
Droit, législation et liberté, PUF, libre-échange,
tome III: L'ordre politique d'un peuple libre, Paris, 1995. >> |
6. « Un
État totalitaire vraiment "efficient" serait celui dans lequel le
tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et de
leur armée de directeurs auraient la haute main sur une population
d’esclaves qu’il serait inutile de contraindre, parce qu’ils auraient l’amour
de la servitude », Aldous Huxley, Brave new world,
1932. >> |
7. Voir l'anarcho-capitalisme,
Pierre Lemieux, PUF, Que-sais-je?, chapitre III en
page 11 du présent numéro (l'édition est épuisée,
mais on peut encore en trouver d'occasion sur www.chapitre.com).
On trouvera un extrait du livre relatif à Gustave de Molinari sur
le site catallaxia.org.
Dans Les Soirées de la rue Saint-Lazarre, Molinari développe
l'idée d'une industrie (privée) de la sécurité.
Voir le site d'Hervé
de Quengo. >> |
8. Christian
Michel, message N° 1873, Forum
du Cercle Hayek. >> |
|