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Montréal, 3 août 2002 / No 107 |
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par
Frank Shostak
Le dévoilement périodique, par le gouvernement, des indices économiques tels le PIB, l'indice des prix à la consommation (IPC) et le taux de chômage reçoit une importante couverture dans les médias populaires tels la télévision et les quotidiens. Viennent ensuite les commentaires d'économistes et autres experts sur la santé économique, exprimés sur un ton d'autorité. Ainsi, une augmentation du produit intérieur brut est interprétée comme une bonne nouvelle, alors qu'une diminution est vue comme signalant des problèmes à venir. |
Les opinions d'experts ne se limitent pas à la santé économique,
ceux-ci offrent aussi leurs conseils en matière d'investissement.
Certains économistes semblent capables d'offrir des analyses tant
qualitatives que quantitatives. Ils diront, par exemple, que l'économie
devrait croître de 0,6% au prochain trimestre et de 1,2% par la suite,
ou encore, qu'une faible inflation aidera la Banque centrale à diminuer
le taux directeur afin de revigorer l'économie.
Ce type de commentaires donne vraiment l'impression à celui qui l'entend que les économistes maîtrisent tout à fait leurs domaines d'expertise. Mais quels sont donc les outils utilisés par ces experts? Quelle est leur méthodologie? Faire parler les données Dans le but de faire Toutefois, les choses ne sont pas aussi simples. Par exemple, il a été observé qu'une baisse du taux de chômage est associée à une hausse des prix des biens et services. Devrions-nous en conclure qu'une baisse du taux de chômage provoque l'inflation des prix? Comme si cela ne suffisait pas, il a également été observé qu'une inflation des prix est hautement corrélée avec une augmentation dans l'offre de monnaie. Et il a été établi que les augmentations de salaires suivent de près l'inflation des prix. Que conclure? Nous sommes confrontés ici non pas à une, mais à trois théories de l'inflation. Quelle est la bonne? Selon la pensée populaire, le critère de sélection d'une théorie devrait être sa capacité prédictive. Sur ce, Milton Friedman écrit: Tout est-il incertain? Aussi longtemps que le modèle théorique La nature approximative des théories implique que notre connaissance du monde nous échappe et que les économistes ne peuvent même pas être certains de la loi de l'offre et de la demande. Tout est constamment en train d'évoluer. Par exemple, bien que l'on accepte qu'une augmentation de l'offre d'un bien pour une demande donnée diminue son prix, il n'en sera pas toujours ainsi. En effet, on peut aussi bien imaginer une situation où le prix d'un bien augmentera. Il en découle que nous sommes condamnés à l'incertitude totale en ce qui a trait au monde réel. Puisqu'il est impossible d'établir comment les choses
Ce point de vue selon lequel notre connaissance ne peut qu'être approximative a donné naissance à deux groupes d'économistes. Dans un camp, vous avez ceux qui se définissent comme théoriciens, les La théorie économique, toutefois, ne doit avoir qu'une seule raison d'être: expliquer la nature de l'activité économique. Or, les méthodes statistiques ne sont d'aucune aide à cet égard. Tout ce que peuvent faire ces méthodes est de comparer les mouvements de parcelles historiques d'informations. Elles ne peuvent pas identifier les forces motrices de l'activité économique. De même, les modèles basés sur l'imagination ne sont guère plus utiles puisqu'ils ne trouvent pas leurs sources dans le monde réel. Contrairement à la croyance populaire, la science économique n'est pas l'étude des indices économiques tels le PIB ou l'IPC, mais l'étude des activités humaines qui visent à promouvoir la vie et le bien-être des individus. On observe que les gens sont engagés dans des activités diverses. Ils accomplissent du travail manuel, ils conduisent des automobiles, ils marchent sur la rue et dînent au restaurant. La caractéristique distincte de ces activités est qu'elles ont toutes une raison ou un but.
Ainsi, le travail manuel peut être un moyen pour certains d'obtenir de l'argent qui leur permettra d'accomplir des objectifs aussi primaires que de s'habiller et de se nourrir. Dîner dans un restaurant peut être un moyen pour établir des relations d'affaires. Conduire une automobile peut être un moyen pour atteindre un endroit particulier. En d'autres mots, les gens opèrent à l'intérieur d'un mode d'action comprenant des moyens et de fins; ils utilisent divers moyens en vue d'atteindre un but. L'action humaine dirigée vers un but implique que les gens évaluent les divers moyens à leurs dispositions pour arriver à leurs fins. À n'importe quel moment, les individus ont une panoplie d'objectifs qu'ils aimeraient accomplir ou atteindre. Ce qui limite l'accomplissement de ces divers buts est la rareté des moyens. Lorsque plus de moyens deviennent disponibles, un plus grand nombre d'objectifs peuvent être atteints et le niveau de vie des gens augmente. Une autre limite à l'atteinte de buts divers est la disponibilité de moyens appropriés. Afin d'étancher ma soif dans le désert, j'ai besoin d'eau, la possession de diamants à cet égard ne me sera d'aucun secours. L'action humaine est primordiale L'action humaine visant un but imprègne le monde économique et c'est cela qui donne naissance aux divers indices économiques. Le fait que l'action humaine soit dirigée vers un but est la clé pour donner un sens aux divers indices économiques. Pour procéder à l'identification des données, il est nécessaire de ramener celles-ci à leur ultime force motrice, soit l'action humaine. Par exemple, lorsque l'économie est au ralenti, une baisse générale de la demande est observée. Devons-nous alors conclure que la baisse de la demande est la cause d'une récession économique? Nous savons que les individus tentent d'améliorer leur vie et leur bien-être de façon continue. Leurs demandes ou objectifs sont donc illimités. Ainsi, la seule raison qui pourrait expliquer une baisse générale de la demande est le fait que les individus sont incapables de l'exercer. Bref, ce sont sans doute des problèmes avec la production, c'est-à-dire avec les moyens d'accomplir les buts, qui sont la cause de la baisse observée de la demande. Considérons maintenant une situation où la Banque centrale annonce qu'une augmentation de la croissance de la masse monétaire, lorsque la hausse générale des prix est faible, permet d'accélérer la croissance économique réelle. Afin de donner un sens à cette proposition, nous devons examiner la nature de l'argent. L'argent sert de moyen d'échange et conséquemment il ne peut que faciliter l'échange de la richesse réelle déjà existante. La croyance populaire voulant que les dépenses de consommation sont la force première de l'économie, donc que la demande crée l'offre, doit aussi être évaluée à partir de l'action humaine. Nous savons que sans les moyens, aucun but ne peut être atteint. Or, ces moyens ne sortent pas de nulle part, ils doivent d'abord être produits. Donc, contrairement à la croyance populaire, la force motrice de l'économie est l'offre et non la demande. Le fait que l'homme poursuive des actions ayant un but implique que les causes dans le monde de l'économie émanent de l'être humain et non de forces extérieures. Ainsi, contrairement à la croyance populaire, ce n'est pas le revenu réel qui détermine ce qui sera dépensé sur les biens. C'est à chaque individu de déterminer la part de ses revenus qu'il consacrera à la consommation et à l'épargne. Bien qu'il soit vrai que les individus réagissent aux changements dans leurs revenus, ces réponses ne sont pas automatiques et ne peuvent être captées par une formule mathématique. En d'autres mots, chaque individu évalue l'augmentation de ses revenus selon les objectifs qu'il désire accomplir. Il peut conclure qu'il lui serait plus bénéfique d'augmenter son épargne plutôt que sa consommation. En utilisant le modèle de la fin et des moyens, nous pouvons démontrer que les salaires ou l'activité économique ne détermine pas les prix comme le laisse croire la pensée économique populaire. Par exemple, Georges, cultivateur de pommes de terre, croit que son bien-être s'améliorera s'il peut assurer à sa famille une certaine quantité de pommes. De façon réciproque, Jean, cultivateur de pommes, croit que de sécuriser une certaine quantité de patates hausserait son niveau de vie. Bref, les moyens à la disposition de Georges et de Jean sont insuffisants pour améliorer leur niveau de vie. C'est en échangeant que Georges et Jean seront capables de réaliser leurs objectifs, et ainsi promouvoir leur bien-être respectif. Ils peuvent s'entendre pour échanger une pomme pour une patate. Ce faisant, Jean s'est assuré d'une pomme et Georges a sacrifié une pomme de terre. Ce sacrifice est le prix de la pomme ou le nombre de patates que Georges doit offrir afin de s'assurer une pomme de Jean. Le prix ou le taux de change d'un bien en termes d'un autre est le montant de celui-ci divisé par le montant de celui-là. Notez que le prix est le résultat de buts différents, donc d'une attribution différente assignée aux moyens par chacun des partis. Notez également que les prix ne sont pas causés par des facteurs extérieurs tels les salaires ou le taux de chômage. Les nombres n'expliquent rien À l'encontre de ce que prétendent les économistes conventionnels, sans la connaissance que les actions humaines ont une raison d'être ou un but, il est impossible de donner un sens des données historiques. Sur ce, Rothbard a écrit:
La même logique s'applique à l'économie. Nous pouvons donc rester confiants que, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation dans la demande du pain fera augmenter son prix. Cette conclusion est vraie et non approximative. Pour ce qui est de savoir si le prix augmente demain ou plus tard, cela ne peut être établi par la théorie de l'offre et de la demande. Devrions-nous abandonner la théorie parce qu'elle ne peut prédire le prix futur du pain? Selon Mises:
Les modèles économétriques les plus sophistiqués ne sauraient être davantage utiles, car ils ne sont rien de plus qu'une collection de formules mathématiques établies par des méthodes statistiques. Et ces formules ne donnent qu'une description des divers indices économiques, elles ne disent rien de l'essence de l'activité économique. Hypothèses farfelues De la même manière, nous devons rejeter toute interprétation basée sur des modèles théoriques Par exemple, afin d'expliquer la présente crise au Japon, le populaire économiste Paul Krugman utilise un modèle qui se base sur les prémisses suivantes: les individus sont identiques, ils ont une vie éternelle et la production est donnée(5). Or, bien qu'il admette que ses hypothèses soient irréalistes, il soutient néanmoins que ce modèle produira des solutions à ladite crise. Il est intéressant de constater que la plupart des hommes et femmes d'affaires ayant réussi ne perdent pas de temps à consulter les diverses méthodes statistiques dans la conduite de leur entreprise. La clé de leur succès est une bonne compréhension de l'entreprise dans laquelle ils évoluent. En somme, ils savent ce qui arrivent à leur entreprise et sont toujours en contrôle. Un homme d'affaires qui sait ce qu'il fait n'a que faire des corrélations statistiques pour évaluer la direction future de la compagnie. Conclusion La nature arbitraire des théories économiques populaires a répandu l'idée qu'il y a un gouffre entre la théorie et la pratique. Une distinction est établie entre une évaluation pratique et théorique. Des commentaires tels que Or, il n'y a rien de tel qu'une bonne mais inapplicable théorie. Pour être applicable, une théorie doit être construite à partir des faits de la réalité, c'est-à-dire que les êtres humains sont engagés dans des actions qui visent un but. Les économistes et autres experts financiers qui fondent leurs connaissances de l'économie uniquement sur des corrélations statistiques émanant de données historiques risquent de se tromper eux-mêmes et de tromper leur auditoire. De même façon, les économistes qui fondent leur compréhension sur des modèles imaginaires ne sont pas en position de dire quoi que se soit de signifiant, ils marmonnent tout simplement des propos incohérents.
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