Montréal, 3 août 2002  /  No 107  
 
<< page précédente 
 
 
 
 
Alain Habib est journaliste et habite à Paris. Il est rédacteur de la revue Honnêtement qui traite de la condition masculine dans la société actuelle.
 
OPINION
 
LES HOMMES APPARTIENNENT-ILS
AU GENRE HUMAIN?
  
par Alain Habib
  
  
          Les institutions des États féministes se préoccupent fort de l'image des femmes, notamment dans la publicité. Il ne faudrait surtout pas que cette dernière en donne une image dégradante et avilissante. C'est ainsi qu'une récente campagne publicitaire du groupe laitier Candia pour la crème fraîche Babette mettant en scène une femme, les mains posées sur les hanches, tenant un fouet de pâtissier dans l'une et une cuillère en bois dans l'autre, vêtue d'une courte robe recouverte d'un tablier de cuisine transparent, a soulevé l'indignation de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes et de la Secrétaire d'État aux Droits des Femmes, Nicole Péry. Cette dernière a estimé que cette publicité « trahissait la dignité humaine ».
 
          Se préoccuper de la dignité humaine, voilà une généreuse et noble ambition que nous ne pouvons qu'approuver... Nous voyons avec satisfaction l'État engagé toujours plus avant dans le combat pour le triomphe de la Raison et de l'Esprit des Lumières! Le coeur gonflé de joie, nous voyons s'avancer vers nous une société toujours plus juste et plus humaine. 
  
          Cependant, lorsque c'est l'image des hommes, et non celle des femmes, qui est attaquée, aucune réaction semblable. L'indignation, si vive dès qu'il est question des femmes, disparaît totalement. Plus personne ne semble se préoccuper le moins du monde de « dignité humaine ». 
  
Pas de respect 
  
          Ainsi la société Kookaï, filiale du groupe André, a fait dernièrement une campagne publicitaire dont le thème se déclinait sur trois affiches différentes. Premier point commun à ces affiches: chacune d'elles montrait une femme et un homme, mais un homme de dimensions lilliputiennes par rapport à celles de la femme. Il n'était, par rapport à elle, pas plus gros qu'un insecte. Second point commun aux différentes affiches, l'homme lilliputien était montré comme quelque chose que l'on jette, comme une saleté, un excrément dont on se débarrasse. Une affiche, par exemple, montrait une femme en train de se curer les ongles. Et on voyait un homme minuscule accroché à l'extrémité de sa lime à ongles. Signification évidente et incontestable: l'homme est une raclure d'ongle de femme. 
  
          Où est le respect de la dignité humaine dans tout cela? Et pourtant cette campagne publicitaire, contrairement à celle du groupe laitier Candia, n'a soulevé aucune émotion. Pas d'indignation vertueuse de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, ni de la Secrétaire d'État aux Droits des Femmes. 
  
          Comment se fait-il qu'une atteinte à l'image des femmes « trahisse la dignité humaine » alors qu'au contraire une atteinte à l'image des hommes n'a aucune conséquence sur cette même dignité? La réponse est simple. Si simple et si aveuglante qu'on ne la perçoit pas tout de suite: dans l'esprit du féminisme, les hommes n'appartiennent tout simplement pas au genre humain.  
  
          Quand on l'analyse jusqu'au bout, on se rend compte que le féminisme est la doctrine selon laquelle le genre humain au sens strict se réduit aux femmes. Pour le féminisme, il y a un principe bon qui a créé l'ordre, la lumière et la femme et un principe mauvais qui a créé le chaos, les ténèbres et l'homme. Le féminisme est par conséquent, bien sûr, une théorie de l'inégalité des sexes. Mais il est aussi, et surtout, une théorie de la hiérarchie des sexes. Car, pour les théoriciens du féminisme, les humains se divisent en un sexe supérieur (les femmes) et un sexe inférieur (les hommes). Les femmes ne sont pas seulement différentes des hommes (c'est-à-dire inégales, si l'on n'y met pas d'hypocrisie), mais supérieures. Et c'est parce que le sexe féminin est supérieur qu'il forme à lui seul le genre humain au sens noble. 
  
     « Comment se fait-il qu'une atteinte à l'image des femmes "trahisse la dignité humaine" alors qu'au contraire une atteinte à l'image des hommes n'a aucune conséquence sur cette même dignité? »
  
          Voilà donc pourquoi les publicités qui s'en prennent à l'image de l'homme ne portent pas atteinte à la dignité humaine: les hommes n'appartiennent pas au genre humain. C'est aussi simple que cela. Cette analyse peut sembler excessive et outrancière. Pourtant elle est corroborée par une affiche placardée sur les murs de Paris au mois de mars 2001, à l'occasion des journées mondiales des femmes et qui portait ce titre: « Pour construire demain un monde à visage humain ». En-dessous du titre, une photo montrait un groupe de femmes, verre d'eau devant elles et papiers à la main, en train de discuter, sans doute, de l'avenir du monde. Parmi elles, aucun homme. La signification était claire: pour que le monde de demain ait un visage humain, il faut en exclure les hommes. Un monde à visage humain, concrètement, c'est un monde sans hommes. Car seule la femme incarne l'humanité véritable (voir également LE MÉPRIS DES HOMMES, le QL, no 99). 
  
Les hommes coupables, les prostituées non 
  
          Encore un exemple, celui de la lutte contre la prostitution. Depuis le 1er janvier 1999, une loi répressive est entrée en vigueur en Suède. C'est une situation inique car la prostitution ne devrait pas être réprimée, c'est un « crime » sans victime, en fait un échange volontaire entre deux personnes consentantes. Admettons cependant que ce soit un problème et que l'État doive intervenir. Vous pensez peut-être naïvement que cette loi suédoise est dirigée contre les deux sexes à égalité? Vous n'y êtes pas: elle frappe exclusivement le sexe masculin. En effet, elle n'interdit pas aux prostituées l'exercice de leur profession, qui reste donc entièrement légale. En revanche, les hommes qui ont recours à leurs services encourent une amende et une peine de prison pouvant aller jusqu'à six mois. 
  
          Mais il y a plus encore: les femmes peuvent racoler activement les hommes sans craindre la police. Jenny, une prostituée de Stockholm, raconte: « Je vais dans la rue, je distribue mon numéro de portable aux hommes et je leur dis "appelle-moi si tu veux". » Elle explique qu'elle drague les hommes dans les sex-shops. « On peut y regarder des films pornographiques, mais on peut aussi y récupérer des clients. Je demande aux hommes si ça les intéresse. » 
  
          L'iniquité est donc poussée au comble de la mesure. Les femmes peuvent tenter les hommes, les provoquer sans crainte de la police, mais ceux qui acceptent leurs avances sont persécutés. 
  
          Maintenant, c'est au tour de la France. Mme Nicole Ameline, ministre déléguée « à la parité et à l'égalité professionnelle » (sic), a d'ores et déjà annoncé la constitution d'un groupe de travail interministériel chargé d'étudier la pénalisation du client. L'ancien premier ministre français Alain Juppé a, pour sa part, présenté en association avec le préfet et le procureur, un nouveau dispositif sanctionnant le client surpris à l'approche ou en compagnie d'une prostituée. « Nous souhaitons frapper le proxénète à la caisse en décourageant le client », a affirmé le préfet de Gironde. Douze clients ont ainsi déjà été verbalisés et condamnés à une amende; quatre autres ont été mis en examen et seront jugés en septembre par le tribunal correctionnel. Un député du Parti Socialiste, M. Caresche, envisage de déposer une proposition de loi pénalisant les clients. « L'idée serait de parvenir à une sanction maximale de deux ans et 30 000 euros d'amende et une obligation de suivi psychologique ». 
  
          Toutes les dispositions inéquitables de ce type sont, bien entendu, prises sous l'influence des dogmes féministes selon lesquels l'un des sexes – comprenez le sexe masculin – est à l'origine de tout le mal qui existe et a existé sur terre depuis la nuit des temps, tandis que l'autre sexe – le sexe féminin – est bon par nature. 
  
          Certains tentent de justifier l'injustifiable partialité de la loi en déclarant: « S'il n'y avait pas de clients, il n'y aurait pas de prostituées ». Peut-être, mais on peut tout aussi bien affirmer: « S'il n'y avait pas de prostituées, il n'y aurait pas de clients ». Les deux se valent. Mais ce raisonnement ne convaincra personne car, pour les gouvernements et les organisations intergouvernementales (l'ONU, notamment), le respect de la personne humaine se limite au respect des femmes. 
  
          Il est vrai que les féministes n'ont jamais déclaré ouvertement que les femmes constituaient à elles seules le genre humain. Ce silence s'explique aisément: elles veulent donner une image de tolérance, d'ouverture et de respect de l'autre. Cependant, il s'en faut que le féminisme soit ce qu'il prétend être. Et l'idée que le genre humain se réduit aux femmes est incontestablement contenue dans le discours et les comportements féministes, aussi désagréable que cette réalité puisse paraître à certains. 
  
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO