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Montréal, 2 mars 2002 / No 99 |
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par
Gilles Guénette
En 1999, à la suite de plaintes, la défunte chaîne de magasins Eaton's avait dû retirer l'une de ses publicités des ondes parce qu'elle était jugée trop sexiste. On y voyait un couple de jeunes gens (une femme d'allure professionnelle et un homme de style décontracté – jeans et t-shirt blanc) se caresser dans une cuisine sombre. L'action s'étirait jusqu'à ce que la femme, sourire aux lèvres, décide de quitter la pièce laissant derrière elle un homme contrarié. Le téléspectateur comprenait l'ampleur du désarroi de l'homme lorsque la caméra reculait pour permettre une vue d'ensemble de la cuisine: il était enchaîné par le pied à la cuisinière. Eaton's, une entreprise plus que respectable, avait reçu sept plaintes avant de retirer cette pub. Les plaignants (5 hommes et 2 femmes) dénonçaient le traitement réservé à l'homme, le fait qu'il soit réduit au statut de simple objet sexuel. Imaginez maintenant que ce fut le type qui quitta la pièce, laissant derrière lui sa tendre moitié enchaînée... Inutile de dire qu'Eaton's aurait été immergée de plaintes et que les groupes de femmes auraient réclamé 1) le boycott de la compagnie et 2) la tête du salaud à l'origine de cette Ces zones n'existent pas lorsqu'il s'agit de personnages masculins. Tout est alors permis. It's open season, comme disent les Anglais. À preuve, les publicités désobligeantes à l'égard des hommes sont légion aux petit et grand écrans. Mais si presque personne ne s'en offusquait à la fin des années 1990, ce n'est plus le cas aujourd'hui. De plus en plus d'hommes et de femmes disent tout haut en avoir assez. Assez de voir les hommes dépeints comme des moins que rien, des objets sexuels, des cornichons, des attardés mentaux, et cetera. Ils trouvent que la farce a assez duré et veulent que ça cesse. Retour de balancier? |
Misanquoi?
Depuis la fin du siècle dernier, notre société s'est tranquillement transformée pour devenir une société Spreading Misandry? Mais de quoi parle-t-on au juste? En français, le titre de l'essai se traduirait par quelque chose comme: Propager la misandrie: L'enseignement du mépris des hommes dans la culture populaire. Alors que j'écris ces mots, le correcteur automatique de mon WordPerfect souligne le mot Je regarde dans mon petit Robert. Mis à part C'est ce que pense Geneviève St-Germain, la co-animatrice de l'émission Elle et lui, à la radio de À l'aide de l'outil de recherche Google, je recherche Si l'on se fie aux résultats de cette petite recherche non scientifique, la haine et le mépris des femmes seraient beaucoup plus présents dans nos vies (anglo-saxonnes surtout) que ne le sont la haine et le mépris des hommes – il y a 30 fois plus de mentions d'un côté que de l'autre. Et ça, c'est sans compter qu'avant la parution de l'essai de Nathanson et Young, il devait y avoir encore moins de références à la misandrie! Pourtant, pas besoin de chercher de midi à quatorze heures pour trouver des exemples de mépris des hommes dans la culture populaire – le bouquin en question en est plein. Alors qu'il est aujourd'hui presque impossible, voire socialement inacceptable, d'exploiter certains stéréotypes féminins, il est de bon goût et même encouragé d'exploiter les pires stéréotypes masculins. De la télévision au cinéma, en bifurquant par les livres de Tous des cornichons À la boutique BMB, un jeune vendeur (très beau) remet une facture à sa jeune cliente (très belle). Puis, il lui tourne le dos, le temps de prendre un morceau de linge – moment que saisit la femme pour lui regarder les fesses. Elle sourit lorsqu'il se retourne vers elle. Le jeune homme se dresse sur la pointe des pieds pour déposer le morceau de linge dans un des quatre grands sacs juchés sur le comptoir qui les sépare, elle en profite pour le reluquer sous la ceinture. Elle lui sourit. Le jeune vendeur sourit à son tour. La transaction terminée, la cliente s'apprête à prendre ses sacs, mais se ravise. Elle regarde le jeune homme, puis ses sacs. Du regard, elle lui fait savoir que son aide serait grandement appréciée. Le jeune homme prend les sacs et suit la jeune femme jusque dans la rue où est stationnée sa voiture. Arrivés derrière le véhicule, la cliente ouvre la grande portière du coffre-arrière; le jeune homme s'y penche pour y déposer les sacs. Elle profite de ce moment d'inattention pour regarder autour d'elle, puis, d'un coup de genou dans le derrière, pousse le jeune homme à l'intérieur du coffre, avant de refermer la portière sur lui. Les mots:
Imaginez que les rôles sont inversés. Un jeune homme entre dans une boutique, il achète du linge, déshabille la jeune vendeuse du regard, l'enferme dans le coffre-arrière de sa voiture pour l'amener Dieu sait où... Qu'une femme ait un tel comportement, on trouve ça drôle: c'est une femme libérée, elle sait ce qu'elle veut. Qu'un homme ait ce même comportement, on trouve ça épouvantable: il va l'amener dans un endroit sordide pour l'abuser sexuellement. Comment expliquer ce réflexe? On ne peut pourtant pas généraliser: les hommes ne sont pas tous des agresseurs et les femmes, de potentielles victimes. Pourquoi verrait-on, dans ce cas-ci, l'homme comme un agresseur ou un dangereux prédateur, alors qu'on y voit la femme comme une simple personne qui sait ce qu'elle veut et qui fait ce qu'il faut pour l'obtenir? Les deux ont pourtant un même but en tête: une baise! (Fait à noter, cette pub a été retirée des ondes au Canada anglais. Le Québec étant plus Dans un bureau, une jeune femme dit: Le silence qui règne dans la pièce amplifie le malaise qui s'y installe. Le jeune candidat se frappe dans les mains (désinvolte) avant de donner un coup sur la table (déterminé). Les deux hommes, eux, se tournent lentement vers leur patronne (perplexes). Sur une musique dynamique, une voix de femme hors champ dit: Encore une fois, imaginez que les rôles sont inversés. Une femme fait la cruche devant un employeur potentiel – celui-ci est encadré de deux secrétaires. On assiste à l'entrevue, dans laquelle elle se couvre de ridicule devant le trio avant de voir, en clôture, l'image d'un homme confiant et dynamique qui, lui, sait comment s'assurer un avenir douillet. Improbable, les femmes sont rarement diminuées en pub. Ce que la Banque de Montréal tente de dire ici, à une clientèle de femmes, c'est: De drôles de bêtes Un pattern souvent utilisé en publicité pour ridiculiser les hommes est celui du débile léger observé de loin par sa blonde – qui elle est toujours Autre exemple, la pub des cocos de Pâques Cadbury: un jeune homme mange un coco de Pâques dans le salon sous le regard envieux d'un laideron de chien. L'onctueux crémage qui se trouve à l'intérieur de la friandise Les femmes ne parlent jamais dans ce genre de publicités, elles observent en retrait (elles jugent) sans dire un mot – c'est qu'elles sont généralement bouche bée devant la conduite de leur homme et semblent se demander Quand ils ne jouent pas les éternels adolescents, les hommes s'adonnent à l'un de leurs nombreux vices. Comme dans cette pub pour Nintendo: traversant une riche demeure, la voix hors champ d'un père à son fils: La réponse vient sous la forme d'une suggestion de l'annonceur à l'adolescent: Les publicitaires ne sont pas seuls à dénigrer aussi ouvertement les hommes. Les artisans du cinéma s'y donnent aussi à coeur joie. Paul Nathanson et Katherine K. Young présentent plusieurs exemples de productions misandres dans leur essai Spreading Misandry, mais il s'agit majoritairement d'exemples américains. Or, nous savons que les Américains n'ont pas le monopole du mauvais goût... Dans la seconde partie de cet article, il sera largement question du nouveau film du cinéaste québécois Jean Beaudin, Le Collectionneur, qui correspond bien au profil du produit misandre et des origines de cette misandrie. Quelques observations plus générales viendront clorent le tout.
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