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Montréal, 14 septembre 2002 / No 109 |
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par
Carl-Stéphane Huot
Dans le numéro 106 du QL, notre éditeur Gilles Guénette nous signalait un excellent essai sur les excès de langage des médias (voir BIAS: COMMENT LES MÉDIAS DÉFORMENT LA RÉALITÉ). Dans le cas du 11 septembre, il apparaît assez évident que les médias, plutôt que d’informer le public, se livrent à une orgie de sensasionnalisme qui a atteint son apogée ces derniers jours, premier anniversaire des attentats. Avec comme corollaire pour la population un sentiment d’insécurité et un profond malaise qui semble impossible à dissiper. Quelle est la part de responsabilité des médias dans cet état à la limite de l’hystérie? |
À
la limite de l'hystérie
Manchette de l’Associated Press, 4 septembre 2002: On rapporte dans cet article que des journalistes avaient transporté sur eux, jusqu’à leur siège, tire-bouchon, bombonne de poivre de Cayenne, lames de rasoir et autres objets sans être inquiétés. Nos médias, qui n'hésitent pas à traquer toute Les médias, toujours à l’affût de nouvelles un tant soit peu croustillantes, ont fait le jeu des gouvernements depuis l’année dernière. Avec leurs gros titres tape-à-l’oeil et leur manière de traiter les articles, ils ont laissé l’impression que le monde était beaucoup plus dangereux qu’avant l’attaque fatidique du 11 septembre. Pourtant, rien n’a vraiment changé, à part la perception qu’ont les gens de leur propre sécurité – bon nombre croient désormais être la cible potentielle d’un quelconque groupe terroriste arabe. Chronique de Cyberpresse, 11 décembre 2001: Le Français d'origine marocaine Zacarias Moussaoui, présumé être le 20e pirate de l'air, devient le premier détenu aux États-Unis à être inculpé relativement aux attentats du 11 septembre. La télévision se veut une sorte de fenêtre sur le monde. Ce qui se passe à l’autre bout de la planète devient, par ce média envahissant, ce qui se passe dans la cours de notre voisin d’en arrière. De plus, à l’aide des magnétoscopes et de leurs touches fast forward et rewind, il nous est possible de revoir ces images ad nauseam, facilitant notre identification à ces images désincarnées. Ce qui arrive aux victimes, c’est à nous que cela pourrait arriver... que cela arrive, finalement, par un pas trop subtil jeu d’identification. En nous mettant directement en contact avec la Chronique de Cyberpresse, 22 décembre 2001: Un vol Paris-Miami d'American Airlines est détourné sur l'aéroport Logan International de Boston, un passager, le Britannique Richard Reid, ayant tenté d'allumer une faible quantité d'explosifs dissimulée dans l'une de ses chaussures, selon les autorités. Tout cela, bien sûr, fait l’affaire de pratiquement toute la classe politique, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. La gauche y trouve son intérêt parce que toute augmentation des mesures de sécurité se traduit par une augmentation du nombre de fonctionnaires – même si d’un autre côté, elle se plaint de la Plus sérieusement... Plus sérieusement, comme j'en exprimais la crainte dans une lettre publiée dans le journal Le Soleil une semaine après les attentats, les gouvernements n'ont cessé de gruger nos droits et libertés sous prétexte d'assurer notre sécurité. D'une certaine façon, les terroristes ont gagné. On ne peut s'assurer d'une sécurité parfaite qu'en détruisant les fondements de nos sociétés pluralistes et libres.
Manchette de l’Associated Press, reprise par Cyberpresse, 7 janvier 2002: Les conséquences sont aujourd’hui assez visibles: Gorges W. Ailleurs, en Israël, le Président Ariel Chronique de Cyberpresse, 28 août 2002: Cinq hommes sont accusés à Détroit de conspiration en vue de fournir Comme je le mentionnais dans mon texte sur les problèmes de sécurité l’an dernier (voir: DU TERRORISME 101 AUX LIMITES DE LA SÉCURITÉ, le QL, no 89), il est impossible de garantir une sécurité parfaite à tous. Cependant, de tenir pour acquis que nous sommes tous des cibles potentielles me semble pour le moins abusif. La population devrait savoir qu’elle n’est pas plus en danger aujourd’hui qu’elle l'était en août de l’an dernier. Seule la perception que les gens ont de leur propre sécurité a changé. Et cela est dû en bonne partie aux médias, qui se sont trouvé un os de bonne taille à gruger. Bien sûr, comme cela allait dans le sens de leurs intérêts, c'est-à-dire augmenter leurs pouvoirs, les gouvernements n’ont rien fait pour chasser cette insécurité latente et n’ont pas hésité à faire de la surenchère. Manchette de l’Associated Press, reprise par Cyberpresse, 10 septembre 2002: What’s up, doc?
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