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Montréal, 23 novembre 2002 / No 114 |
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par
Carl-Stéphane Huot
Depuis quelques jours, tous les projecteurs sont braqués sur un ancien ministre de l'ère Lévesque, Jean-François Bertrand. Celui-ci a admis publiquement avoir été alcoolique et toxicomane depuis une vingtaine d'années. Il a profité de la Semaine de prévention de la toxicomanie pour faire cette révélation. Au-delà de l'anecdote, cela nous pose, à nous libertariens, plusieurs questions sur la capacité réelle de nos dirigeants à gouverner, et pas uniquement pour des questions de consommation de drogue et d'alcool. |
Si
la vie vous intéresse
Nos journalistes se sont appesantis cette semaine sur la lourdeur de la charge de député ou de ministre: les horaires de fous, la vie dans les valises, les projecteurs toujours braqués sur eux, l'ingratitude, les luttes intestines incessantes, et j'en passe. Certains, comme M. Bertrand, plutôt que de renoncer à la politique, se sont lancés dans les abus de toute sorte. D'autres en sont carrément morts. Certains individus semblent capables de gérer la pression, mais jusqu'à quel point peuvent-ils le faire sans devenir excessivement rigides? Car à raison, semble-t-il, de 80 à 100 heures par semaine, il faut être fait vraiment fort pour, tout en évitant de devenir complètement insensible à ses concitoyens, ne pas tomber dans les pièges soigneusement tendus par nos clochards de luxe. Quelle attitude doit adopter un politicien au jour le jour pour, tout en restant relativement intègre, arriver à concilier toutes les tendances sans oublier de parer tous les coups de poignards venant de tous les côtés, y compris le sien? La gestion quotidienne d'un gouvernement, de même que la planification à long terme reposent sur un grand nombre de compromis, visant généralement à instaurer un équilibre précaire entre les différentes factions de la société. Car les possibilités et les contraintes sont pratiquement infinies entre les besoins, les croyances et les intérêts des uns et des autres. Il y a aussi les mythes, d'abord grands bâtisseurs puis destructeurs de nations, les connaissances – souvent contradictoires – et l'ignorance, incitant parfois à la prudence, mais aussi à l'audace. Au centre de tout cela se trouvent nos chers politiciens, avec leurs qualités et leurs défauts. Mais, dès l'annonce d'une décision, tout ce qui grouille et grenouille reprend du service pour tenter de modifier celle-ci, les uns pour l'éliminer, les autres pour la
Comment peut-on, dans ces conditions de harcèlement perpétuel, prétendre prendre des décisions pour tous? Comment peut-on penser même au-delà de la prochaine semaine? Cette attitude, parfaite pour planifier sa prochaine épicerie, laisse un goût de cendre dans la bouche des gens quand vient le temps de prendre des décisions qui ont des impacts à long terme, comme les programmes scolaires ou l'organisation de la santé. Nous voyons à quel genre de monstrueux Titanic cela donne naissance. Villages contre villes Un exemple de ce genre de contrainte nous est offert par l'actuel débat sur le déclin des régions. Tout le monde se bat de son côté, pour le pouvoir et l'argent, point. Des exemples? Les maires crient après le gouvernement pour avoir un pouvoir accru de dépenser (de l'argent sous forme de transferts, principalement) et certains pouvoirs de Québec, qui de son côté ne veut pas vraiment céder. Les fonctionnaires de Québec ne veulent pas de décentralisation, certains autres en région ne rêvent qu'à cela. Les régions semblent vouloir se doter d'une, je cite: L'Union des producteurs agricoles, qui a chez nous la main haute sur tout ce qui touche l'agriculture est contestée par un clone de l'Union paysanne française qui se nomme... l'Union paysanne! Cette dernière, si j'ai bien compris, tente à tout prix de nous convaincre de la nécessité pour chaque citoyen de posséder son propre carré de légumes et ses deux ou trois animaux pour assurer sa propre subsistance. Accessoirement, elle veut combattre les barons du cochon (vive la république!) et semble-t-il, de nombreuses autres choses dont je ne saisis pas toute le subtilité, dont celle de s'assurer que le lait consommé dans une région y ait été produit, ou qu'un abattoir qui brûle reste sur place, même s'il est plus rentable de s'installer 70 kilomètres plus loin (je suis désolé, j'aurais bien voulu vous en dire plus, mais je ne comprends pas le fourchelangue agricolo-politique). Ailleurs, ce sont les médecins qui boudent parce qu'on ne les paie pas assez, parce qu'ils ne veulent pas être, je cite à nouveau: Tout ce beau monde en réfère bien entendu à Dieu-le-Père-de-la-paroisse-du-bon-gouvernement pour imposer son échéancier, sans que l'on aborde le moins du monde les problèmes de base que j'ai notamment soulevés dans mon texte sur les régions (voir LE DÉCLIN DES RÉGIONS: UN COMPLOT, VRAIMENT?, le QL, Une chance pour nous que, selon le mythe, le Québec soit tricoté serré. Parce que, sinon, si notre société était le moindrement complexe, qu'est-ce que serait la vie pour nos chers politiciens?
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