Contradiction
1: Pas de réchauffement, sinon un réchauffement naturel et
bénéfique
Tout d’abord, monsieur Migué s’attaque au phénomène
du réchauffement climatique. Il débute son texte en niant
qu’un tel phénomène existe et qu’il ne « fait
pas l’unanimité parmi la communauté scientifique ».
Afin de nous éclairer, il appuie toute son argumentation sur le
travail de certains « experts
» qui réfutent le lien existant entre le réchauffement
et les rejets polluants dans l’atmosphère et qui remettent en question
la pertinence de Kyoto, sans toutefois proposer de solution de rechange.
Monsieur Migué accorde une confiance aveugle à ces études
pseudo-scientifiques
que les Américains (qu’il semble tant admirer) appelleraient plutôt
de la junk
science.
Il semble ignorer qu’un scientifique, tout comme un journaliste ou un politicien,
ça s’achète. Un laboratoire de recherche et développement
ou une chaire d’études, faut que ça se finance. Combien d’organismes
de recherche pseudo-indépendants sont en fait financés
par les industries dont elles évaluent la nocivité? Trop.
Sous le couvert d’une pseudo-objectivité scientifique, on présente
alors des chiffres mensongers à la population, alors que les résultats
de ces enquêtes sont souvent biaisés par la provenance du
financement. À titre d’indice de l’ampleur de cette tendance, le
financement des départements de recherche par l’industrie dans les
universités américaines a augmenté de 800% depuis
les 20 dernières années.
Donc, avant d’élaborer une argumentation complète basée
sur l’une de ces études, il est quand même bon de s’assurer
de l’intégrité des données en question. Vous conviendrez
qu’une étude portant sur la nocivité du tabac, par exemple,
qui serait produite par un organisme financé par Phillip Morris
n’aurait pas le même poids scientifique au niveau de l’objectivité.
Pourtant, monsieur Migué ne semble nullement se préoccuper
des liens financiers existant entre les « scientifiques »
qu’il cite et les industries concernées. J’ai trouvé un site
web fort utile à ce propos, intitulé Integrity
in Science. Il s’agit d’un service gratuit qu’aurait dû utiliser
monsieur Migué avant d’écrire son article, puisqu’il permets
de faire une recherche sur la plupart des scientifiques américains
afin de connaître les autres « employeurs »
et les sources de financement de ces « hommes de science
».
J’ai donc fait une recherche sur l’un des noms mentionné dans son
article comme l’un des « scientifiques tout à
fait crédible » ayant réfuté le
phénomène du réchauffement climatique, le «
professeur émérite de climatologie à l’University
of Virginia », Fred Singer. On y apprends que ce dernier
a été consultant pour Exxon, Shell, ARCO, Unocal, Sun Oil,
Mitre Corporation, GE, Ford, GM, Lockheed, Martin-Marietta, McDonnell-Douglas,
Anser et IBM. Comment croire alors à l’impartialité de ses
travaux? Seul un libertarien peut ainsi ignorer les liens partisans du
financement et exposer les résultats de ces études comme
des vérités scientifiques alors qu’il s’agit d’opérations
marketing financées par l’industrie.
Après avoir mis autant d’acharnement « scientifique
» à « prouver » que le phénomène
du réchauffement est une fabulation, l’auteur nous vante les effets
positifs qu’entraînerait ce réchauffement, particulièrement
pour le Canada (les autres, on s’en branle). Ces « avantages
» énumérés sont d’ailleurs assez risibles
et s'appuient sur de la pure spéculation (ce qu’il reproche pourtant
aux écolos de faire), comme:
-
Une baisse
de 40 000 mortalités par année (?);
-
Réduction
des délais et des accidents de transport (?);
-
Économies
de chauffage (mais hausse des frais de climatisation);
-
Saison
allongée de la croissance en agriculture;
-
Croissance
accélérée des plantes liée à la concentration
accrue de CO2 (les libertariens
se préoccupent des plantes maintenant?).
Pour un peu, ça nous donne presque envie de faire rouler son auto
la nuit devant la maison pour y arriver plus vite! Dommage que le réchauffement
climatique n’existe pas, on en rêve presque à lire son texte.
Contradiction
2: Ratifier Kyoto est une victoire des luddites
Monsieur Migué utilise des allégories très recherchées
pour nous faire comprendre que le mouvement écologiste est «
une fraude » et que ses adeptes ne sont guère
mieux que les membres d’une secte adoratrice de Gaïa qui veulent revenir
au primitivisme du « bon sauvage ».
Pour lui, tous les écolos sont des Unabombers
en puissance qui ne cherchent que la mort du capitalisme. Je pense en fait
qu’il souffre d’un complexe de persécution. Il voit des complots
d’Environnement Canada et de MétéoMédia pour s’opposer
à la prospérité et affirme des énormités
comme le fait que les groupes écologistes « soufflent
les mots directement au ministre de l’Environnement ».
Pourtant, soyons honnêtes, qui de Greenpeace ou GM a les moyens de
former un lobby puissant, d’acheter des ministres et de façonner
l’opinion publique?
« M. Migué se base sur le fameux "Croissez et multipliez-vous.
Dominez la terre" biblique pour justifier la nécessité de
la pollution et de l’impérialisme exponentiel du marché.
Il accuse les partisans de Kyoto de ne posséder AUCUNE base scientifique
pour étoffer leurs prétentions. » |
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Afin de bien montrer qu’il fonde ses prétentions sur la science
et les environnementalistes sur la Foi, il les qualifie « d'apôtres
» de Kyoto. Pourtant, monsieur Migué se base sur le
fameux « Croissez et multipliez-vous. Dominez la terre
» biblique pour justifier la nécessité de la
pollution et de l’impérialisme exponentiel du marché. Il
accuse les partisans de Kyoto de ne posséder AUCUNE base scientifique
pour étoffer leurs prétentions. Il prends soin de mentionner
que deux prix Nobel de la Paix ont signé une pétition en
faveur de l’Accord pour discréditer la pertinence de cette pétition.
Pourtant, il s'appuie sur le Heidelberg
Appeal, une pétition signée par des milliers de personnes
qui nient le réchauffement climatique, et il énumère
les Prix Nobel qui l’ont signé, cette fois-ci pour en valider la
pertinence. Cette pétition n’a pas été majoritairement
endossée par des scientifiques non plus (à peine 8% des signataires
connaissent quelque chose à la question du climat), mais il n’applique
évidemment pas la même rigueur à inspecter la crédibilité
des opposants que celle des partisans de l’Accord de Kyoto.
Sa plus grossière prétention est que « déjà,
les propagandistes nous invitent à renoncer au progrès industriel
». Quelqu’un qui affirme « qu'en réalité,
le coût de l’inaction s’avère grossièrement exagéré
» est-il un partisan du progrès? Je ne pense pas. Trouver
des façons de mieux gérer la consommation énergétique
et de diminuer les rejets polluants nous force collectivement à
évoluer afin d’imaginer des solutions à long terme. Voilà
un signe de progrès collectif, bien plus que le statu quo
sur la pollution que ces portes-paroles de l’industrie proposent. L’industrie,
tout comme les libertariens, mettent l’inaction de l’avant comme solution.
On demande de « laisser à l’économie le
temps de s’adapter ». Le Sommet de Rio a eu lieu il
y a 10 ans. Mais l’industrie n’a toujours pas eu le temps de «
s’adapter ». Et après ça, on reproche la lenteur
bureaucratique des fonctionnaires, parlant de l’efficacité du privé.
L’industrie est en fait le seul et unique frein au progrès industriel
dans cette question.
Contradiction
3: Trouver des façons de mieux gérer la pollution signifie
des pertes d’emplois et des hausses de taxe
Monsieur Migué reproche à plusieurs reprises aux écologistes
d’être alarmistes à propos des conséquences du réchauffement.
Pourtant, lorsqu’il s’agit de hausse de taxes, de perte de revenus et de
perte d’emplois, il est aussi apocalyptique dans ses visions que le plus
radical des membres de Greenpeace. Il se lance dans une campagne de peur
ressemblant à celle du fédéral lors du référendum
de 1980. Le dollar va baisser. Les entreprises vont fuir. Vous allez perdre
vos emplois. Vous serez surtaxés. J’ignorais que ratifier Kyoto
constituait un péril aussi grand que la séparation du Québec!
Lorsqu’il chiffre les pertes d’emplois à 450 000, il
rajoute « abstraction faite des emplois qui les remplaceraient
». C’est donc faire preuve de mauvaise volonté que
de brandir ces chiffres comme une menace alors que de son propre aveu,
il ne tiens pas compte des nouveaux emplois qui seront nécessairement
créés afin de moderniser les industries. Sa logique ressemble
à celle d’un alarmiste qui prétendrait que le recyclage fait
perdre des emplois aux vidangeurs.
À l’heure actuelle, les corporations polluent et les gouvernements
dépolluent. Ce qui veut dire que nous payons, à même
l’argent de nos taxes, pour des corporations milliardaires qui sont incapables
de se torcher alors qu’elles en ont largement les moyens. C’est maintenant
que l’argent de nos taxes sert à la dépollution. En forçant
ces compagnies à devenir responsables et à trouver des solutions
pour moins polluer, ce sont elles qui devront payer pour les conséquences
de leurs actes. Nous ferons donc collectivement des économies. De
plus, ces profits qu’on nous vante, en voyons-nous la couleur? Profitons-nous
de la prospérité des corporations qui polluent? Parlez-en
aux ex-employés de GM Boisbriand. Donc, ce sont les compagnies les
plus polluantes qui perdront de l’argent en se faisant prendre de vitesse
par les compétiteurs qui inventeront un produit moins polluant.
Pas l’ensemble de la population.
Contradiction
4: La pollution est bonne pour les pays sous-développés
Je déteste l’appellation « pays sous-développé
». Une personne qui l’utilise véhicule une fausse conception
colonialiste. Il n’y a pas de « pays sous-développé
», mais bien des pays sur-exploités. Tout comme on
essaye de se servir des « pays sous-développés
» pour propager les cultures transgéniques et les sweatshops
en se donnant des airs d’humanisme, voilà qu’on cherche à
utiliser leur bien-être économique pour réhabiliter
le droit de polluer. Monsieur Migué clame que « la
ratification de Kyoto condamnerait l’Afrique et les zones sous-développées
à la pauvreté perpétuelle ». Rien
de moins.
Je ne citerai qu’un seul exemple, qui illustre bien à mon avis,
comment les « pays sous-développés
» « profitent » de compagnies polluantes:
le Nigéria. La compagnie pétrolière Shell s’y est
installé depuis la découverte de gisements pétrolifères
en 1958. À ce jour, la compagnie a extirpé quelque 900 millions
de barils de pétrole, pour un montant environnant les 30 milliards
de dollars US. Pensez-vous que les Nigériens profitent des retombées
économiques? Non. La qualité de vie des Nigériens
n’a fait que se dégrader
puisqu’en plus d’être dérobés de leur ressources naturelles
et du profit engendré par celles-ci, la pollution rends les villages
invivables. Sans compter que la compagnie Shell a financé et armé
directement les milices exerçant une répression sanglante
contre les activistes nigériens qui demandent des changements aux
agissements de la compagnie. Belle notion de prospérité pour
les « zones sous-développées ».
On peut difficilement faire pire.
En conclusion, ce texte de Monsieur Migué est tellement biaisé
en faveur de l’industrie qu’il semble émaner d’un représentant
d’une chambre
de commerce quelconque ou d’un actionnaire d'une compagnie polluante.
Parce que, à part ceux qui profitent de la pollution (et ils ne
sont pas nombreux quoique très bruyants), personne de sain n’irait
revendiquer le droit de polluer comme moteur économique. Il s’agit
de paresse, autant scientifique qu’intellectuelle, d’un manque d’honnêteté
flagrant, de penser que la catastrophe économique sera toujours
pire que la catastrophe écologique. Monsieur Migué redoute
que l’on « sacrifie l’économie canadienne sur
l’autel de l’écologisme ». Je ne pense pas que
ça arrive et advenant le « pire » des cas,
si la prédiction de monsieur Migué se produisait, ça
ne serait qu’un juste retour des choses pour une fois, puisque depuis des
dizaines d’années, c’est l’écologie qui est sacrifiée
sur l’autel de l’économie quotidiennement.
Nous pouvons vivre sans bourse et sans argent. Pas sans environnement.
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