La liberté. Encore et toujours elle, la fâcheuse, la subversive.
Oh bien sûr, en son temps, elle fut utile, sans doute. N'est-ce pas
sur l'idée de liberté, qu'à la Noblesse des Grands
du Royaume de France put être substituée celle des grands
commis de l'État républicain? N'est-ce pas au nom de la liberté
que le clergé des moines fut supplanté par celui des intellectuels
de gauche? Liberté, liberté prétextée, comment
aujourd'hui opprimer en ton nom? Il est savoureux – et si réconfortant,
malgré tout – que dans un pays nourri au lait maternel d'un extravagant
cocktail de nationalisme, de catholicisme et de socialisme, la liberté
puisse encore avoir valeur d'argument philosophique, même si les
sources comme la nature de sa signification semblent lentement mais sûrement
se dissoudre dans une amnésie culturelle de circonstance. Bien sûr,
l'intelligentsia de gauche dispose de l'artillerie lourde d'un accès
illimité aux médias(1).
Et à cet armement d'élite, elle sait ajouter une maîtrise
consommée de l'art du camouflage, tant sa faculté à
maquiller la tyrannie en générosité est remarquable.
Mais si, face à cette puissance de feu, l'influence politique du
libéralisme semble limitée à quelques îlots
de résistance épars, l'idée de liberté continue
de véhiculer, pour tout un chacun, quelque chose d'aimable, un souvenir,
une effluve, quelque chose d'indéfinissable auquel on tient, sans
bien savoir pourquoi.
Il en résulte qu'interdire, contraindre, abolir ne sont pas choses
si simples. Et dans le débat public, pointer publiquement du doigt
l'aspect liberticide de telle loi ou telle disposition, a, pour le censeur,
quelque chose de vexant, de mutilant, même. Ce n'est évidemment
pas une raison pour s'abstenir d'interdire mais cela impose de le faire
avec subtilité ou discrétion. Monsieur Jourdain faisait de
la prose sans le savoir. Les censeurs doivent pratiquer la dictature sans
que les autres le sachent (ou daignent faire l'effort d'en prendre conscience...).
Et puisque tout n'est qu'une question de rhétorique, qu'à
cela ne tienne; il suffit de trouver plus légitime que la liberté
et le tour sera joué!
Société
civile et demande de dictature
Mieux que la liberté, cela existe, bien entendu: les dictatures
totalitaires n'ont de cesse d'asseoir leur projet d'anéantissement
sur des mythes sans adversaire, face auxquels la liberté n'a plus
qu'à baisser pavillon. Que d'hommes n'a-t-on sacrifiés sur
l'autel de Dieu, de la Nation ou du Peuple! La social-démocratie
est plus imaginative et ajoute à cette liste de totems matriciels
de subtiles références à la Femme, l'Effet de Serre,
l'Enfant, l'Exclu Social, le Service Public, le Tiers-Monde, etc. Et si,
au nom de ces divers icônes, on vous prive de liberté, soyez
sûrs que c'est pour votre bien! N'accepterez-vous pas d'arrêter
de circuler pour éviter à notre planète de prendre
2°C dans les 5000 ans qui viennent? Refuserez-vous sérieusement
de payer plus d'impôts pour lutter contre l'exclusion, préserver
les acquis sociaux ou développer le Tiers-Monde? Non, bien sûr,
et aussi vrai que les législations sociales ont indubitablement
permis de lutter contre la grande pauvreté, que les services publics
sont bien plus efficaces que les entreprises privées et que l'aide
au développement a incontestablement permis à l'Afrique d'améliorer
sa situation globale, la loi démocratique ne fait que formaliser
le contrat social qui unit les citoyens unanimes à la puissance
publique bienveillante.
Ce qu'il y a de remarquable dans toutes ces « idées
», si ostensiblement généreuses avec le temps
et l'argent des autres, c'est qu'au lieu d'émaner de la «
France d'en haut », elles sont fréquemment
portées par la « société civile
». On a beaucoup glosé sur le fait qu'en France, le
développement associatif (impressionnant depuis les années
1970) constituait un indicateur de vitalité démocratique(2);
on reconnaît, dans ce jugement, l'influence de Tocqueville(3).
Pour ce dernier, en effet, les associations font partie des contre-pouvoirs
politiques qui témoignent du salutaire investissement du citoyen
dans les affaires publiques, contre la tendance naturelle (qualifiée
« d'individualiste ») de l'égalité
démocratique à endormir l'individu sur les lauriers d'un
matérialisme étriqué et d'un repli frileux sur soi.
L'analyse tocquevilienne de la démocratie, de ses mérites
et des causes de sa dégénérescence constitue, à
juste titre, un sommet de la pensée politique contemporaine. Il
lui manque probablement l'audace d'un individualisme beaucoup plus radical
et fort différent de celui auquel Tocqueville fait allusion; celui
qui l'eût conduit à ne plus opérer de distinction entre
sphère publique et sphère privée, puisque c'est dans
cette confusion que se préserve la liberté. Il ne s'agit
pas, ici, de critiquer l'oeuvre de Tocqueville(4)
mais de remarquer qu'en l'état de la société française,
non seulement les associations ne représentent pas une garantie
contre la dégénérescence de la démocratie en
tyrannie mais qu'en outre, elles peuvent contribuer à presser le
pas de cette évolution(5).
Certes, outre qu'elles émanent de l'une des lois les «
moins disantes » et donc les plus libérales
de notre République(6),
les associations démontrent si besoin en était que les individus
ne manifestent aucune réticence à s'investir dans les questions
collectives, lorsque cela rencontre leurs envies ou leurs convictions.
En France, l'action concrète de ces associations est souvent remarquable
et démontre que la solidarité privée est tout à
fait viable (et constitue même la seule qui vaille). Que la plupart
des militants associatifs ne partagent pas les idées libérales
et adhèrent plus volontiers à des convictions de gauche ne
change rien à ce constat(7).
Mais hélas, et justement, au-delà des pratiques libérales
de la charité, de l'entraide et du débat que portent et symbolisent
les associations, leur activité de lobbying invite fréquemment
la puissance publique à sanctifier et imposer, par la loi, la cause
qu'elles servent. D'autres consacrent leur activité au militantisme
idéologique(8),
vocation irréprochable en soi, et aspirent aussi à ce que
la force publique impose leurs convictions au reste de l'humanité.
Cette évolution semble d'ailleurs inscrite dans les gènes
de l'entrepreneuriat associatif à la française, comme si
l'agir libre de l'association d'intérêt général
devait se laisser déborder par son « penser socialiste
» pour ne plus aspirer qu'à un « agir
socialiste » de plus, consistant à ne concevoir
la solidarité que financée par l'impôt, gérée
par des bureaucraties dispendieuses, imposée à chacun au
détriment de plus de richesse et de prospérité pour
tous. Ainsi calibrées, les associations ne sont – pas plus que la
décentralisation politique – aptes à faire de la démocratie
un rempart contre l'oppression; au contraire, elles peuvent se faire complices
de la tyrannie douce qu'évoquait Tocqueville(9).
La
loi au service des dominants
Dès lors que les associations privées entendent rendre au
politique ce qui lui « appartient » – l'économie
et la société, c'est à dire nous – nulle surprise
à ce qu'elles étendent à la morale privée,
cette loi contemporaine du plus fort que fonde la logique du plus bruyant.
Qu'il s'agisse des associations dites de « promotion
des droits » (l'anti-racisme, par exemple), de protection
de l'enfance ou de défense de telle ou telle catégorie d'individus,
une cohorte consistante de « représentants de
la société civile » entend aujourd'hui
s'ériger en censeur d'une impressionnante série de «
comportements libres », au nom d'une vision personnelle
et donc coercitive – lorsqu'elle prétend être gravée
dans l'ordre juridique – du « bien » et du «
civisme ».
Qu'il s'agisse de réprimer un automobiliste pour avoir conduit vite
ou un individu pour avoir insulté un étranger, fait une plaisanterie
de mauvais goût ou fumé du cannabis, acheté un produit
de contrefaçon ou avoir eu des rapports sexuels (consentants) avec
une prostituée, la tendance est la même et heurte frontalement
la logique libérale: il s'agit, pour un certain nombre de puissants,
d'anéantir le caractère général de la norme
pour y introduire toute une série d'interdictions particulières,
uniquement justifiées par des goûts, des préférences,
des a priori personnels. Plus grave encore, aucune des poursuites
précitées dont, aujourd'hui, l'individu est ou est en voie
d'être passible n'est fondée sur la notion de préjudice
direct causé à autrui(10)!
La loi devient explicitement l'expression de l'intérêt des
dominants (on envisage même des amendements taillés sur mesure
pour « enfoncer » ou au contraire «
dépanner » telle ou telle personnalité!) et
les procès, lorsqu'ils portent sur un « crime »
ou « délit » dont les médias choisissent
de faire leurs choux gras (des clients pris en flagrant délit de
rapports sexuels avec des prostituées; des pédophiles(11);
un fonctionnaire du régime de Vichy, etc.), doivent en réalité
tourner au lynchage exemplaire, à l'occasion duquel jusqu'au droit
à la défense semble être contesté puisqu'il
s'agit, comme toujours au sein d'une société qui n'est pas
libérale, de préférer l'injustice au désordre!
« Dans l'ordre libéral, les péchés véniels
ne sont pas sanctionnés par l'autorité publique et il est
un fait que le libéralisme permet de réaliser d'importantes
économies de juridiction pénale puisque les délits
et crimes que reconnaît la règle de la loi sont définis
par référence au seul mal fait à un individu.
» |
|
Ces crises d'hystérie collective, de fanatisme débridé,
d'eugénisme intellectuel, cette soudaine exigence d'ordre moral,
d'exemplarité publique et d'hygiène civique font partie des
spasmes qui agitent, de temps à autre, toute collectivité
humaine. Et les associations qui veulent obtenir, pour leur censure, gain
de cause sur le terrain législatif, utilisent les armes que la loi
« démocratique » (mais pas «
libérale »...) leur permet d'utiliser. On connaît
par ailleurs, dans le cas français, le prétexte lancinant
de cette exigence de vertu: l'augmentation de la délinquance et
le mal-être des adolescents, qui, sous l'influence de médias
irresponsables, deviendraient des violeurs parce qu'ils ont regardé
un film pornographique(12)
ou des tueurs parce qu'ils ont regardé un film américain
(voilà qui justifie, entre autres, l'exception culturelle française...).
Les excès du « soixante-huitisme »
transforment les libertaires d'hier en impitoyables censeurs, puisque,
de façon à endiguer la « violence des
jeunes » (sic) et, entre autres, couper l'herbe sous
le pied aux infâmes thématiques permettant à la droite
politique de gagner les élections, il est nécessaire de préserver
nos enfants de tout ce qui les pousse à la violence et à
l'incivilité. Voilà donc que les « citoyens »
français acquittent le paiement d'une triple facture pour le «
service public » que représente probablement
la violence impunie des délinquants de tout poil: 1) une facture
sous forme de préjudices directs et autres dégradations;
2) une facture pour tout ce que l'infâme société capitaliste
dépense pourtant en équipements collectifs et frais d'éducateurs,
dans (l'illusoire?) espoir de limiter la casse; et 3) une facture sous
forme de restriction draconienne des libertés individuelles.
Cette tendance actuelle à l'exhumation des Inquisiteurs et aux gesticulations
des docteurs ès vertu répond à une volonté
de criminalisation des comportements ordinaires. C'est assez précisément
ce qui définit l'ordre moral (une sorte de remise en cause de la
séparation entre l'Église et l'État...). Le vent semble
souffler, à l'heure actuelle, dans le sens de ceux qui ne pensent
qu'à brider et interdire. C'est leur droit que de défendre
leurs positions, de les argumenter et d'user de toutes les formes «
libérales » de la persuasion. C'est incompatible avec
le respect de l'individu que de prétendre interdire des comportements
qui ne sont constitutifs d'aucun préjudice individuel direct, sous
prétexte qu'un nouveau et irréprochable totem, la «
société civile », l'exigerait (ce
qui est à peu près aussi opérationnel que de déclarer
que « le peuple exige »...), en parfaite
harmonie avec un certain nombre de relais politiques, parmi lesquels les
verts et l'extrême gauche semblent les plus à même de
réaliser cette hybridation entre « parti politique
» (structure visant à gagner les élections)
et « mouvement social » (lobby voulant,
au moyen de la force publique, imposer ses propres conceptions du monde
et de la vie au reste de la société). Il faut croire que
la politique trans-génique est moins dangereuse que le maïs
du même nom...
La
morale de la liberté au secours de la liberté de la morale
Bien entendu, les insultes racistes – et, d'ailleurs, les insultes tout
court... – sont souvent une manifestation de la bassesse humaine (mais
il peut aussi ne s'agir que d'un banal énervement...). Les excès
de vitesse – ou de lenteur – sont parfois (pas toujours) bêtement
dangereux. Et, franchement, il n'y a évidemment rien de très
recommandable au fait de fumer du cannabis (ou autre chose) ou «
consommer » les services d'une prostituée. Mais le
problème n'est pas là. Dans l'ordre libéral, les péchés
véniels ne sont pas sanctionnés par l'autorité publique
et il est un fait – encore une différence notoire entre la société
libérale et ses alternatives « politiques »
– que le libéralisme permet de réaliser d'importantes économies
de juridiction pénale puisque les délits et crimes que reconnaît
la règle de la loi sont définis par référence
au seul mal fait à un individu.
Cela signifie qu'une société libérale donne à
chacun le droit d'être indigne, méchant, médiocre et
lamentable, dans la limite de ce qui n'empêche pas autrui d'être,
avoir et agir. Interdire à chacun de proférer des injures
(voire de râler ou de maugréer), de regarder des films pornographiques,
d'être pressé, d'avoir des rapports sexuels contre monnaie
ou toute autre chose, c'est risquer, demain, on le sait, d'être interdit
de penser au nom de la « cohésion sociale
» (n'est-ce pas déjà le cas?), de manger des
bonbons au nom de l'impératif de santé publique que constitue
la lutte contre l'obésité et, après demain, peut-être,
de porter des chemises jaunes à pois violets parce que c'est franchement
de très mauvais goût (l'exemple n'est pas si absurde: que
l'on veuille bien examiner ces « normes de goût
» que constituent les lois sur l'urbanisme!)(13).
Bien sûr, et comme toujours dans le cas des dictateurs «
inspirés » que sont les chefs d'orchestre de l'intérêt
général, les docteurs ès vertu invoqueront des principes
d'humanité qui, devant s'imposer aux triviaux, égoïstes
et vils intérêts particuliers, justifieront toutes les interdictions.
Rares sont les dictateurs qui arrivent et déclarent au peuple consentant:
« je suis maintenant le chef et mon projet est de me
faire plaisir à vos dépens ». Non, les
chefs totalitaires sont toujours inspirés par des idéaux
de transcendance sociale. Il savent mieux que chacun ce qui est bien pour
tous et, face à ce qui est bien, vrai et juste, la liberté
ne pèse jamais lourd... L'exemple de la prostitution est très
éclairant de cette tendance « hygiéniste »
à la dictature politique, recueillant l'assentiment de nombreux
courants associatifs et politiques, sur la foi d'une rhétorique
transcendante accouchée de principes purement circonstanciels.
Les
prostituées, des sous-êtres humains
En régime libéral, l'exercice de la prostitution ne peut
être interdit, dès lors qu'il respecte le principe de la propriété
privée et du libre consentement des individus. L'interdiction des
« maisons closes » est, en soi, une
fois de plus, une atteinte à la liberté individuelle. Et
le sort institutionnel réservé, en France, à la prostitution,
est pour le moins consternant. Il faut noter en effet, qu'entre les lois
sur le proxénétisme (qui n'empêchent pas les prostituées
de demeurer la « chose » des mafieux mais leur
interdit simplement d'exercer librement leur métier), l'indifférence
ou l'impuissance de la police à leur égard, la considération
inversement proportionnelle que leur porte l'administration fiscale et
surtout, la réprobation institutionnelle qu'elles suscitent, les
femmes prostituées sont considérées comme des sous-êtres
humains. La persécution légale dont elles sont victimes alors
qu'elles ne bénéficient, en guise de « contrepartie
sous forme de service public », que de la tolérance
d'exercer leur métier dans la rue – l'usage de la rue étant
en outre concédé à titre « gratuit »
à tous ceux qui ne paient pas d'impôt –, transforme les prostituées
en une sorte de « minorité ethnique »,
opprimée en vertu même de la loi et dont le sort ne paraît
guère plus enviable que celui des populations qui, dans d'autres
pays, sont empêchées d'être, d'avoir et d'agir par toute
une série de discriminations légales pouvant aller jusqu'à
l'élimination physique ou l'incarcération d'office. Et ce
n'est pas un hasard si, ici, comme cela est le cas des Afars d'Ethiopie
ou des Dinkas du Soudan, la seule attention institutionnelle dont elles
bénéficient émane d'organisations humanitaires ou
sociales privées.
C'est qu'en France, comme ailleurs, les prostituées sont enserrées
dans un étau culturel dont les mâchoires sont sans contrepoids.
À droite, l'ordre traditionnel, religieux, les désigne comme
des créatures de Satan, des tentatrices abjectes, répandant
le stupre et la corruption des corps dans l'esprit vulnérable de
l'homme ordinaire. Pour elles, au lieu du pilori ou du bûcher, puisque
cela semble passé de mode, le bannissement, l'ostracisme, la quarantaine!
À gauche, un curieux féminisme les condamne de manière
aussi impitoyable. C'est que pour un certain nombre de féministes
soucieux (et non soucieuses: il n'y a pas que des femmes...) de concilier
intérêts communautaristes et idéologie égalitariste
dans la confection d'une Femme idéal-typique devant s'imposer à
tous (et toutes...), la prostituée constitue un symbole insupportable.
Ce féminisme hybride(14)
s'est longtemps insurgé contre la vision « masculine
» de la femme-objet et n'a pourtant de cesse d'objectiver
la femme, au nom, comme toujours, de ce qu'en rêvent (et fantasment,
paradoxalement) un certain nombre de fanatiques « sexy »
(le discours féministe passe généralement bien à
la télévision...). C'est ainsi que s'exhiber en lingerie,
tourner des films pornographiques ou « se prostituer
» devrait être interdit car ce n'est pas compatible
avec la dignité de « la » femme. Peu importe
que des femmes pensent autrement, l'intérêt général
vaut bien quelques sacrifices! La prostituée (et son client!) doit
donc être réprimée car la négociation sexuelle
entre hommes et femmes doit se faire sur d'autres bases que l'exhibition
ostentatoire de ses charmes (oui au monokini et aux mini-jupes, non aux
vitrines!) et la « vente de son corps »
contre monnaie.
Cette conception est intéressante et sert un projet parfaitement
intelligent: que le sexe soit, comme tout ce qui fait la vie, objet de
négociation et de transaction n'échappe à personne
(contestera-t-on que les gens riches, beaux et célèbres ont
généralement un accès plus commode à la sexualité
que les gens moins bien pourvus de tels attributs?). Interdire certaines
modalités de transaction sexuelle (notamment la prostitution mais
aussi la pornographie, laquelle constitue une sorte de dérivatif
à l'investissement masculin dans une sexualité monogame et
« amoureuse », conforme à l'exigence des
féministes), cela ne revient pas à « instaurer
plus d'égalité », comme entend nous le
faire croire une rhétorique malhonnête mais vise à
renforcer la position concurrentielle des femmes (des femmes féministes,
plus exactement) dans la négociation sexuelle. L'argument moraliste,
encore une fois, n'a d'autre but que de servir des intérêts
« particuliers », « communautaristes
», en l'occurrence, quoique certainement pas «
communautaires » (qu'est-ce que la « communauté
des femmes »?).
La prostitution focalise donc sur son cas un déluge d'arguments
dont l'invocation semble particulièrement d'actualité. Il
est symptomatique – et si peu surprenant – que, face aux indéniables
problèmes suscités par certaines modalités de la prostitution,
le débat public oscille entre tentation réglementaire et
pulsion abolitionniste. La liberté, bien sûr, n'a rien à
voir dans ce débat-là. Elle n'est jamais invitée aux
discussions entre gens sérieux. Il en résulte que le débat
actuel sur la prostitution patauge dans la médiocrité, les
uns et les autres s'opposant leurs arguments du fait accompli et de la
force triomphante, au mépris, comme toujours, de la liberté
individuelle. Et nous verrons, lors d'un article ultérieur, ce qu'il
faut penser des arguments les plus fréquemment opposés au
libre exercice de la prostitution!
1.
Ce qui, lorsque ces médias sont privés, est irréprochable:
Joseph Schumpeter (Capitalisme, Socialisme et Démocratie,
Payot, Paris, 1947) a mis en exergue que les entrepreneurs étaient
moins prompts à défendre le libéralisme que les intellectuels
de gauche à le pourfendre. Aux libéraux, dès lors,
de faire l'effort de contrecarrer cette tendance au «monopole idéologique»,
initiative dont le site du Québécois Libre procède
opportunément! >> |
2.
Sur l'économie du secteur associatif, en France, voir en particulier
E. Archambault, Le secteur sans but lucratif. Associations et Fondations
en France, Economica, Paris, 1996. >> |
3.
Voir son ouvrage « canonique », De la Démocratie
en Amérique, Gallimard, 1951. >> |
4.
Lequel est fréquemment associé au courant de pensée
libéral (pour des raisons que la lecture de son oeuvre rend particulièrement
claires, même si son libéralisme est distancié, plutôt
qu'engagé) et dont l'oeuvre ne saurait raisonnablement susciter
autre chose qu'admiration et reconnaissance. >> |
5.
Nous adoptons ici la position dialectique de Tocqueville même si
celle-ci mériterait discussion. Le problème est de savoir
si la démocratie mène à la tyrannie ou si la
démocratie est substantiellement une forme de tyrannie. La
question est complexe et nécessiterait un travail de recherche/réflexion
spécifique. L'oeuvre de Tocqueville pose au libéral une question
épineuse, qui, gageons-le, pourrait diviser bien des thuriféraires
de la philosophie individualiste: le pouvoir démocratique n'est-il
qu'une forme adoucie de la notion d'État, vécue et définie
comme une imposture sociale intemporelle (position normative consistant
à penser que la liberté aurait toujours dû constituer
le principe fondateur de l'organisation sociale) ou constitue t-il une
étape nécessaire à la conceptualisation de la liberté
comme fondement régulateur des rapports interindividuels?
>> |
6.
La fameuse loi de 1901. >> |
7.
Cette précision permet de rappeler ici que, pour le libéral,
si le socialisme est condamnable, les individus qui « pensent
» socialiste – ou tout autre chose – ne le sont aucunement.
>> |
8.
ATTAC est bien entendu emblématique de cette tendance. >> |
9.
Beaucoup d'associations ne sont d'ailleurs rien d'autres que des substituts
« sexy » aux bureaucraties publiques, pour la
mise en oeuvre de tel ou tel aspect d'une politique sociale, par exemple.
>> |
10.
Sauf le cas de l'insulte. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que
le caractère invalidant de ce préjudice est sujet à
caution et devrait donc être délégué au juge,
plutôt qu'inscrit dans la Loi (d'autant qu'on ne comprend pas très
bien – lorsqu'on est soucieux de cohérence- pourquoi une insulte
« raciste » serait pire qu'une autre...).
>> |
11.
Encore un terme pour le moins ambigu: la télévision continue
opiniâtrement de qualifier les tueurs et violeurs d'enfants de «
pédophiles »... >> |
12.
Lesquels envahiraient littéralement nos écrans de télévision,
« constat » qui semble pour le moins exagéré...
>> |
13.
Nous aurons l'occasion de voir (lors d'un article ultérieur) que
la liberté individuelle est directement et constamment menacée
en proportion de tout ce qui implique la propriété ou la
gestion publique des biens et des services. Et, par définition,
dans un régime non libéral, la « propriété
publique » ne connaît pas de limite juridique
à son expansion potentielle (il « suffit »
à un gouvernement de décider de « nationaliser
» ou de « réglementer » telle
ou telle activité). Certes, il y a de grandes chances qu'une contestation
sociale résolue s'oppose à un projet de loi qui envisagerait
de « collectiviser » les maisons individuelles,
par exemple (en social-démocratie, l'attachement d'une très
grande majorité de gens à un minimum de propriété
privée constitue le plus solide garde-fou opposable à la
tentation collectiviste. Ce n'est heureusement pas rien, dans un système
où, malgré tout, le pouvoir politique ne peut s'exercer qu'une
fois passé le filtre de l'élection au suffrage universel).
Il n'en reste pas moins qu'en France, chaque individu est entièrement
à la merci d'un décret d'expropriation ou de réquisition
(d'un logement vide) dès lors qu'il plaît à l'autorité
publique d'en décider ainsi, au nom, bien entendu, de l'intérêt
général... >> |
14.
Il existe des contradictions de fond entre le « féminisme
idéologique », le « féminisme
communautariste » (plus pragmatique, donc moins cohérent...)
et le « féminisme individualiste »
(lequel rallie sans réserve l'approbation du libéral).
>> |
|