Montréal, 21 décembre 2002  /  No 116  
 
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Jacques D'Argy tente de faire invalider la Loi canadienne sur la radiocommunication qui nous défend de regarder certaines chaînes de télé américaines. Il habite à Drummondville, Québec.
 
OPINION
  
POUR LE DROIT DE REGARDER
CE QU'ON VEUT
 
par Jacques D'Argy
 
 
          Avez-vous déjà regardé une chaîne de télévision américaine? 
 
          Si vous possédez un système de réception par satellite ou avez le câble, la réponse est « bien sûr ». Saviez-vous qu'il y a littéralement des centaines de chaînes de télévision américaines et étrangères qui vous sont expressément rendues « inaccessibles » par le gouvernement canadien et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)? 
  
          Possédez-vous un petit système de réception par satellite (DirecTV ou Dish Network) ou une grande soucoupe « C-band »? Saviez-vous que votre gouvernement et d'autres personnes ayant des droits privilégiés dans la radiodiffusion (Bell ExpressVu, Starchoice, des compagnies de câble) ont fait en sorte qu'il soit illégal de recevoir des émissions de télévision étrangères qui n'ont pas été approuvées ou sanctionnées par eux?
 
Télé-Privilégiée 
 
          La Cour suprême du Canada a confirmé en avril 2002 que la loi fédérale sur la radiocommunication (plus précisément l'article 9(1)(c)) interdit aux Canadiens d'avoir accès aux signaux de télévision par satellite à moins d'utiliser des fournisseurs tels que Bell ExpressVu – une filiale de Bell Canada – et Star Choice Communications Inc., dont les principaux investisseurs incluent WIC Western International Communications Ltd. et les deux câblodistributeurs Rogers Communications Inc. et Shaw Communications Inc. 
 
          Selon les lois canadiennes existantes, les utilisateurs d'antennes paraboliques – les gens qui payent pour un service en déclarant une adresse aux États-Unis, le soi-disant « marché gris » – risquent un an de prison, et/ou une amende de 5 000 $. Cela inclut aussi les grandes antennes paraboliques « C-band » (que les Canadiens utilisent depuis les années 1970). La radio par satellite provenant de l'étranger est aussi défendue au Canada, sous peine de prison.
 
          Le CRTC et le gouvernement canadien, dans leur grande sagesse, décident de ce qui est bien pour nous. Ils nous dictent ce que nous pouvons ou ne pouvons pas regarder. La prétendue « liste blanche » du CRTC contient toutes les chaînes américaines et internationales qui peuvent être distribuées au Canada. On interdit toutes les autres chaînes qui ne sont pas sur cette liste. Notre gouvernement nous considère, nous les Canadiens, trop abrutis pour être capables de choisir ce que nous devrions regarder à la télévision. La décision est donc prise pour nous comme si nous étions des enfants à la maternelle. 
 
          Les chaînes qui font partie de la fameuse « liste blanche » sont celles qui sont disponibles sur la télévision par satellite ou par câble. Le gouvernement et les lobbyistes de la radiodiffusion traitent de pirates et de transgresseurs de la loi tous ceux qui osent regarder ailleurs. 
 
          Si nous avons la capacité de capter une chaîne de télévision et que nous voulons la regarder dans l'intimité de notre foyer, tout en étant prêts, capables et disposés à payer, alors nous devrions être capables de le faire sans entrave! Sans que le gouvernement ou que des quasi monopoles (lire ExpressVu) nous traitent de pirates! Bête que je suis, j'étais sous l'impression que nous vivions dans un pays libre. Mais cela semble s'avérer une illusion. 
 
          Si des diffuseurs canadiens veulent que nous regardions leur programmation, au lieu de le faire par la coercition, ils devraient plutôt le faire par la qualité de leurs émissions. Nous n'avons pas besoin de fonctionnaires pour décider quelle télévision nos enfants et nos familles peuvent regarder. 
 
          L'attitude « Big Brother » doit être contenue ici, ou cela créera un précédent pour d'autres interdictions. Si cela devait se poursuivre, il sera peut-être illégal un jour de lire des journaux ou des magazines provenant de l'extérieur du Canada et qui n'auraient pas été sanctionnés par notre gouvernement...
 
     « Un pays qui brandit le trophée du multiculturalisme et qui fait des immigrants des criminels parce qu'ils veulent recevoir une certaine programmation portant sur leur langue et leur culture viole la Charte des droits et libertés. »
 
L'ancien président des États-Unis, John F. Kennedy, disait: 
              Nous n'avons pas peur de confier aux citoyens américains des faits désagréables, des idées étrangères des philosophies et des valeurs compétitives. Une nation qui a peur de laisser ses gens juger la vérité et le mensonge dans un marché ouvert est une nation qui a peur de ses citoyens.
          Il semble que le gouvernement et la coalition semblent ignorer complètement la loi suprême du Canada: la Constitution Canadienne! En voici un extrait pertinent: 
    La Charte des droits et libertés canadienne stipule dans son article 2(b) que: 
  • Chacun a les libertés fondamentales suivantes: liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication.
          La Charte s'est inspiré du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP), 999 R.T.N.U. 171 [1966], adopté par l'Organisation des Nations Unies et en vigueur au Canada depuis 1976 et qui édicte à son article 19(2) que: 
              Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
La Loi constitutionnelle de 1982 stipule à son article 52 que: 
    La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. 
          De ce principe il découle indubitablement que nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction à une loi inconstitutionnelle.
  
Télé-Protégée 
 
          Peut-être notre gouvernement estime-t-il ne pas être soumis aux dispositions constitutionnelles. À vous de juger. De toute évidence, il essaie de décourager la compétition internationale, protégeant ainsi les monopoles de distributeurs de télévision par satellite, en se cachant derrière la « culture canadienne » pour que ces gens puissent continuer à se remplir les poches d'argent. 
 
          La liberté d'expression ne doit être asservie à aucun pouvoir, qu'il s'agisse d'un pouvoir politique, idéologique ou encore du pouvoir de l'argent. Elle ne doit surtout pas être bradée contre une poignée de dollars.
 
          Nous avons passé 50 ans à dire aux Russes qu'il était immoral de bloquer des émissions. Nous n'allons certainement pas commencer à le faire au Canada, n'est-ce pas? Eh bien, c'est exactement ce que fait le gouvernement canadien présentement. Les Canadiens sont des gens libres et doivent agir librement.
 
          Comme « gens libres », nous devons avoir le droit de choisir ce que nous voulons regarder dans l'intimité de nos foyers. Nous ne devons pas être forcés de regarder Newsworld (ou RDI) simplement parce qu'une agence du gouvernement en a décidé ainsi. Les chaînes d'information en continu, notamment CNN International, CNN en Espagnol, FOX News, Bloomberg, The Free Speech Channel, Al-Jazeera, certaines émissions religieuses et de langues étrangères, et une variété d'autres émissions de télévision (Disney, etc.), nous sont expressément interdites parce qu'elles ne rencontrent pas les critères de contenu canadien du CRTC. Ces chaînes doivent nous être rendues accessibles sans délai. C'est IMPÉRATIF!
 
          C'est une chose de réglementer. C'en est une autre d'interdire.
 
          Après la décision de la Cour suprême du Canada en avril 2002, il est estimé qu'entre 500 000 et 700 000 Canadiens se sont immédiatement retrouvés en infraction (risquant 1 an de prison) parce qu'ils regardent des émissions de télévision qui ne rencontrent pas les critères de contenu du CRTC.
 
          Un pays qui brandit le trophée du multiculturalisme et qui fait des immigrants des criminels parce qu'ils veulent recevoir une certaine programmation portant sur leur langue et leur culture, viole la Charte des droits et libertés
 
          La Cour suprême du Canada en décidant d'« interdire absolument tout décodage, sauf avec la permission de la personne légalement autorisée à transmettre le signal concerné et à en permettre le décodage » a placé le Canada en très bonne compagnie aux côtés de la Corée du Nord et de l'Iraq. Aussi, pendant qu'Ottawa sévit contre des signaux de satellites étrangers, l'Iran a réformé son interdiction de « Mad Mullah » d'antennes paraboliques. 
 
          Notre gouvernement se doit de comprendre que son attitude « Big Brother » ne sera pas tolérée! Les citoyens canadiens doivent pouvoir décider de ce qu'ils veulent regarder SANS intervention du gouvernement. Être libre inclut la liberté de choix, sans entrave! Pour paraphraser Star Choice, cela s'appelle la LIBERTÉLÉ.
 
          Comme le disait un certain Albert Einstein: 
              La force de la constitution réside entièrement dans la détermination de chaque citoyen à la défendre. Les droits constitutionnels seront conservés uniquement si chaque citoyen sent le devoir de faire sa part dans cette défense.
          Quant à moi, je continue la bataille devant les tribunaux pour faire invalider l'article 9(1)(c) de la Loi sur la radiocommunication au plus sacrant!
 
          Est-ce que la liberté d'expression vous intéresse? Si oui, que faites-vous pour l'appuyer?
 
 
 
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