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Montréal, 15 février 2003 / No 119 |
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par
Carl-Stéphane Huot
Plusieurs incidents sont venus me rappeler cette semaine comment je pouvais détester le fonctionnarisme et sa bêtise. Ils m’ont aussi rappelé à quel point ce même fonctionnarisme pouvait nous fragiliser comme individu autant que comme groupe quand les monopoles d’État se mettent de la partie. Non seulement ils ne bougent que quand cela leur dit, mais en plus ils font assez souvent mal leur travail! |
Le 10 février dernier, La Voix de l'Est rapportait qu'un
habitant de Bromont avait réussi à enregistrer son tournevis
étoile comme arme à feu(1).
Alors qu'il s'était finalement décidé à enregistrer
son arme via le site Internet du ministère de la Justice, Patrice
Dumas a eu l'idée de tester le système et d'y enregistrer
son tournevis en plus. Il a eu la surprise de recevoir par le retour du
courrier un certificat d'enregistrement pour son outil. À quand
les permis de port de bulldog et de rottweiler?
Quand j'ai conté cette histoire à Karl, un ami de ma soeur, il m'a raconté qu'une fois, ayant reçu verbalement un rendez-vous pour à peine une heure plus tard avec un fonctionnaire, il s'est présenté, mais la secrétaire a refusé de l'annoncer sous prétexte qu'il n'avait pas pris son rendez-vous au téléphone. Prenant la carte qu'elle lui tendait, l'ami de ma soeur s'éloigna un peu, et composa le numéro de téléphone qui y était inscrit. Ce fut cette même secrétaire qui prit l'appel et le rendez-vous. Retournant au comptoir, elle n'eut alors pas le choix de l'introduire à son rendez-vous, même si elle était furieuse que Karl l'ait fait passer pour une dinde. Dans le même journal, j'apprenais que l'Université Laval admettait les personnes inscrites en enseignement préscolaire, primaire et secondaire, même si elles avaient échoué un test de base en français (c'est le cas du quart des étudiants inscrits), parce qu'elle ne pouvait tout simplement pas se permettre de perdre les sommes que celles-ci lui rapportaient. Outre le fait qu'il y a un problème généralisé d'apprentissage aux niveaux inférieurs de notre « langue nationale », cela veut aussi dire que ce problème risque de se perpétuer, parce que ceux qui enseigneront à la génération à venir écriront au son... Remarquez, ce n'est pas vraiment étonnant: même si j'ai obtenu des moyennes de 85 à 95% au secondaire dans cette matière, je considère que je ne serais guère mieux qu'eux si ce n'était de mon goût immodéré pour la lecture. Je serais même incapable de vous citer la règle d'accord des participes passés, même si ma vie en dépendait! Ce qui fait que généralement, je « sens » qu'il y a une faute plus que je ne le « sais ». Justice ou contrôles? À cette incapacité généralisée qu'ont les fonctionnaires de faire plus que simplement appliquer jour après jour un règlement souvent très bête, s'ajoute l'intérêt plus ou moins avoué des syndicats à faire grossir continuellement la fonction publique. C'est pourquoi on les entend constamment réclamer à grand cris de nouveaux règlements et de nouvelles paperasses à leur faire brouter. Nos gouvernements – toujours aussi heureux de s'assurer une visibilité accrue, ou de s'afficher pour la vertu – profitent de toutes ces occasions afin d'augmenter leur contrôle sur la population via une législation tatillonne et peu appropriée. Certains diront qu'il s'agit de « justice sociale », mais j'en doute. Où est cette justice quand ces contrôles empiètent sur le travail des médecins et infirmières au point où ils doivent passer la moitié de leur temps à justifier leurs actes à des fonctionnaires plutôt qu'à s'occuper des patients qui, n'en doutons pas, souffrent et meurent dans les couloirs d'hôpitaux? Où est le rapport avec la justice quand on lit les programmes abscons pondus par des fon-fons de l'éducation, que même des enseignants chevronnés sont incapables de décrypter sans une maîtrise en linguistique? Et où étaient les contrôles dans les nombreux cas d'abus mis en lumière par nos Vérificateurs généraux et nos Protecteurs du citoyen au cours des années? Ne serait-on pas plus avisé de lâcher du lest et d'accepter un certain pourcentage de perte? Ne devrait-on pas admettre une bonne fois pour toute que quiconque veut frauder le système y parviendra d'une manière ou d'une autre?
Cela reviendrait à adopter une toute autre mentalité qu'actuellement, et peut-être même sortir du cercle vicieux voulant qu'hors de l'État, point de salut. Aussi, ce changement de position amènerait certainement une remise en cause du modèle voulant que les monopoles syndicaux soient bons pour les citoyens. La culture gouvernementale serait certainement mise en porte-à-faux avec elle-même. Car nos « incomparables » (et impayables) services publics sont confrontés chaque jour avec la qualité des biens et services produits par le privé. Malheureusement pour le secteur public, il est rare que cette comparaison soit à l'avantage des premiers, sauf dans les esprits des chefs syndicaux et des intellectuels de gauche. La seule raison de maintenir ces monopoles est de retirer aux citoyens leur libre choix. Car n'en doutons pas: si ces services gouvernementaux étaient aussi bons que le gouvernement le dit, les syndicats n'auraient aucun problème avec la concurrence, puisqu'ils conserveraient la quasi-totalité de leurs clients actuels et pourraient, sur cette base, demander en plus de substantielles augmentations de salaire au gouvernement. De même, les gouvernements, avec leurs vastes programmes mur à mur, fourre-tout et qui ne sont presque jamais réévalués, y perdraient beaucoup de leur utilité. Mais, c'est loin d'être le cas, contrairement au privé, où la médiocrité, l'absence de service, les mauvaises décisions à répétition de la direction et les abus syndicaux sont récompensés par la faillite. Au privé, les employés doivent être conscients qu'en bout de ligne les clients sont leur gagne-pain et que ceux-ci ont généralement amplement de choix entre les différents concurrents qui n'auront pas plus urgent que de répondre à leurs attentes. Au public, ils peuvent rire de nous avec notre propre dentier dans la bouche. La structure même favorise l'imbécillité, par le fait que les promotions et avantages y sont donnés à l'ancienneté. Car ils savent qu'ils n'ont rien à craindre, et que les poches des contribuables leur sont grandes ouvertes en cas de déficit.
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