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Montréal, 29 mars 2003 / No 122 |
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par
André Dorais
L'homme évite la douleur et cherche le plaisir. Toutes ses actions y tendent. Éthique du bonheur? Oui, car le premier moteur de l'homme est le désir. Pour atteindre le bonheur, la pratique des vertus est à conseiller. Toutefois, l'homme est aussi un être de raison et l'éthique s'y applique également, mais sans la nécessité des vertus. L'éthique, comme l'économie, est dans les moyens de se satisfaire. Il est connu, en économie, que les citoyens d'un pays ont tout intérêt à échanger avec ceux d'un autre quand bien même, en tout point, les uns seraient plus efficaces que les autres. Il est également connu, en éthique, que l'on ne doit ni tuer, ni voler un homme. |
Ce qui l'est moins, c'est de reconnaître que cette prescription n'est
pas de l'ordre de la bonté, mais de la raison. Il en va de notre
intérêt de ne pas tuer et de ne pas voler. C'est avec autrui
que nous échangeons et c'est grâce à lui que nous nous
enrichissons. L'éthique de la liberté répond de la
raison alors que l'éthique du bonheur répond du désir.
Celle-ci est première, mais celle-là plus importante. Les
deux se pratiquent concurremment et procèdent de la même source.
Ci-après, j'aborde l'éthique de la liberté.
Le pouvoir de la raison La liberté est le pouvoir de la raison. Elle est en l'homme, il est ainsi fait. La raison est la loi naturelle de l'homme. Elle lui dicte quand s'arrêter, poursuivre, se protéger, etc. Avec la sagesse, il reconnaît en l'autre le même pouvoir, la même nature. Il coopère avec l'autre pour accomplir ses désirs plus rapidement. Toutefois, sa raison lui dicte également que certains hommes ne voient pas les choses du même oeil, par ignorance ou par malveillance. La coopération est rentable, mais tous n'ont pas la capacité de le reconnaître et parmi ceux qui le peuvent, pas tous le désirent car le gain de l'échange n'est pas toujours immédiat. L'homme est calculateur. L'éthique libérale est la reconnaissance de l'autre comme son égal. Elle se garde bien de lui dicter une marche à suivre. Elle comprend que tout ce qu'elle peut exiger de l'autre est de ne pas être agressé et de ne pas être volé, car il y a réciprocité. Elle considère l'homme pour ce qu'il est, car c'est dans son intérêt. Or, dire les choses ainsi, ce n'est pas que décrire la réalité, mais c'est également vouloir la maintenir. La raison appelle à la préservation de la vie, et par là elle est morale puisqu'elle décrit à la fois ce qui est et ce qui doit être. Il s'agit à la fois d'une description et d'une norme. Nul besoin d'institution pour reconnaître la loi naturelle, car elle fait partie de l'homme. Toutefois, l'éthique ne suffit pas, l'homme doit également se protéger de l'autre, voire de lui-même. Le droit lui est nécessaire. Il institue l'éthique pour en faire une règle formelle. Elle dit: je n'ai nul besoin d'un arbitre pour te reconnaître mon égal, mais j'hésite à savoir si tu m'accordes une confiance réciproque. Elle ajoute: j'hésite également, parfois, à me faire confiance à moi-même. Donc, soyons prudents, traduisons notre éthique en droit afin de rendre à chacun le sien, c'est-à-dire rendre la justice à l'aide d'un tiers. De l'éthique au droit Institutionnaliser l'éthique, c'est faire de la loi naturelle le droit positif. C'est poser en droit ce qui existe déjà naturellement. Cette loi a préséance sur le droit et, à ce titre, sa reconnaissance permet l'élaboration du droit. Celui-ci n'est possible qu'avec cette reconnaissance. Le simulacre existe, mais sa véritable nature finit par se dévoiler au grand jour, c'est-à-dire un droit qui n'a comme soutien de sa légitimité que la force brute. Le
Est-ce qu'établir le droit implique la création de l'État? Si l'on en étire la compréhension usuelle, oui. Toutefois, les différences avec l'État tel qu'on l'entend aujourd'hui sont majeures. Le rôle du droit se réduit à la protection de la propriété, c'est-à-dire l'homme et ce qui lui appartient, mais encore, il est libre de la demander. C'est-à-dire qu'on ne peut forcer un individu à adhérer à une force protectrice comme c'est le cas aujourd'hui dans les démocraties. Aucune violence n'est admise, sauf pour sa protection. Une seule exigence: ne pas agresser autrui. Comme la politique est reléguée à l'appareil judiciaire, la démocratie, à son tour, est reléguée aux associations qui veulent bien s'en servir. Voilà ce à quoi le droit doit s'en tenir pour être conforme à la raison, c'est-à-dire pour être juste. Allez au-delà des limites circonscrites, et vous ne pratiquez déjà plus le droit. À trop vouloir établir rapidement votre idée du bien, vous finissez par mettre en place une dictature. Dictature du bien, peut-être, mais dictature tout de même, car le bien ne s'impose pas. Seule la liberté s'impose, mais attention, on ne l'impose pas, elle s'impose d'elle-même. Imposer un bien, tel un système public de santé, se fait nécessairement au détriment de ceux qui préféreraient payer à l'usage, tandis que tous désirent la vie, alors on n'a pas à imposer la liberté. Être juste, c'est ne pas agresser autrui afin de maintenir la liberté d'autrui. Agir ainsi est à l'avantage de tous, donc cela ne saurait être qualifié d'égoïsme. Être juste signifie également ne pas voler autrui, car ses biens sont le fruit de son travail. Christian Michel écrit: Dans cette optique libérale, l'éthique se contente de reconnaître et de respecter l'autre, tandis que l'économie évalue l'action humaine. En éthique comme en économie, le but n'est pas d'évaluer les fins, mais les moyens. L'éthique de la liberté diffère et de l'utilitarisme en ce qu'elle s'adresse à tous et non seulement à un
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