Montréal, 12 avril 2003  /  No 123  
 
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André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.
 
ÉTHIQUE LIBERTARIENNE
 
CAMPAGNE ÉLECTORALE: TOUT LE MONDE
VA PAYER LA NOTE
 
par André Dorais
  
  
          Une autre campagne électorale s'achève dans l'indifférence. Le fait qu'elle se soit déroulée en même temps que la guerre en Irak l'explique en bonne partie. Était-ce voulue par le premier ministre? Je ne sais. Toutefois, je ne crois pas que la distraction qu'a entraînée le déclenchement de la guerre soit le seul facteur qui explique cette indifférence. Il me semble y avoir plus de gens – quoique encore trop peu – qui réalisent le caractère avilissant de la politique. Si ce n'était de l'inanité et l'ineptie des propos qui sont tenus lors d'une campagne, on apprendrait à les ignorer, mais malheureusement, c'est plus grave. Leurs promesses engagent tout le monde. Tous auront à en payer la note même si elles ne bénéficient qu'à quelques-uns. La politique ne fait pas qu'infantiliser l'homme, elle le rend vil.
 
D'abord, les politiciens 
  
          Le parti sortant s'accroche au pouvoir en tentant de faire le moins de vagues possibles. Toutefois, étant fier de sa générosité sociale-démocrate, il lui est impossible de ne pas vous promettre un gros cadeau si vous le réélisez. Il a sondé les coeurs et il considère que la semaine de quatre jours pour les jeunes familles est un bien qui mérite d'être imposé. Leurs adhérents me font penser à la diseuse de bonne aventure. On en sort toujours avec des idées plein la tête, mais les poches vides. L'effet est bon mais il ne dure pas. Cependant, ne vous méprenez pas, car avec la social-démocratie ce n'est pas que l'argent que vous avez en moins, mais la liberté également. 
  
          Le vieux parti, quant à lui, a fait la promotion des poids lourds de la social-démocratie, soit la santé et l'éducation. Les gens étant plutôt conservateurs, en ces temps d'incertitude ils risquent de se contenter du parti offrant la continuité. Pas de nouveaux biens communs, pas davantage de coupure qui en vaille le nom, seul le « maintien des acquis » est à l'ordre du jour. C'est que les habitudes sont difficiles à changer, y compris les mauvaises. 
  
          Le jeune parti, pour sa part, a été plus audacieux dans sa présentation, mais puisqu'il est tout autant social-démocrate que les autres dans le contenu, il n'a pas su se démarquer longtemps. Ou bien il tentera de plaire encore plus la prochaine fois, en développant l'hypocrisie caractéristique des partis politiques, ou bien il mettra de l'ordre dans ses idées et les présentera sans chercher à plaire. Est-ce possible d'être homme de principe et politicien en même temps? Je n'en connais qu'un seul (le congressman américain Ron Paul), et on publie régulièrement ses discours dans ce magazine. Cela en dit long sur leur compatibilité! Toutefois, pour être juste, il faut distinguer l'homme sans foi ni loi de l'homme de bonne volonté qui, à cause de ses idées confuses, finit par trahir ses principes. Celui-ci serait moins dangereux, et par là plus agréable à côtoyer, s'il abandonnait sa profession pour faire le bien volontairement. Il n'y a donc pas que les politiciens à blâmer, mais tous ceux qui participent à cette mascarade. 
  
Les fonctionnaires 
  
          Les policiers, pompiers, médecins, cols bleu, agents d'aide, bref tous ceux qui sont payés par vos impôts ont choisi, comme à l'habitude, la campagne électorale pour entreprendre des moyens de pression auprès des politiciens. Ils commencent par monter le ton et si cela ne suffit pas, ils feront autant de grabuge et de casse qu'il le faut pour obtenir ce qu'ils veulent. C'est la loi de la jungle. 
  
          Le syndicat ou la corporation vous dira qu'il faut de la force pour combattre la force gouvernementale. Je suis d'accord: le gouvernement est tyran et le syndicat, tyranneau. On n'a pas le choix d'adhérer au syndicat, car c'est pour notre bien. De même, on n'a pas le choix d'adhérer au gouvernement pour la même raison, dit-on. Après avoir cassé le bien public, soit le bien que tous ont payé mais que personne ne considère comme sien, les syndiqués s'assoiront autour d'une table avec les politiciens, eux-mêmes payés par vos impôts, pour essayer d'en arriver à une entente. Le syndiqué dira qu'il risque sa vie quotidiennement pour maintenir la paix, un autre dira qu'il sauve des vies, un autre encore prétendra brasser beaucoup de papier et toucher beaucoup de boutons, etc. Tout cela n'est que démagogie. Leur salaire est à la hauteur du mal qu'ils peuvent causer. 
  
          Tous revendiquent plus. Le politicien ou le médiateur envoyé par lui leur rétorquera qu'ils ne touchent pas vraiment quatre boutons, mais trois et demi; qu'ils ont éteint moins de feu, donné ou reçu moins de chèques, etc. Ils finiront par aboutir à une entente, car ils se payent tous à même votre argent. Peu importe le montant qu'ils gagnent, ils pourraient aussi bien s'offrir le double que vous n'auriez aucun moyen de dire si ce montant est juste ou non. En effet, puisqu'ils sont payés en recourant à des moyens politiques, c'est-à-dire que leur travail est maintenu par la force de la loi, vous ne pouvez pas en déterminer la valeur. Ils essaient de vous faire croire que leur salaire est dû aux heures travaillées, aux diplômes accumulés, au nombre de vie sauvées, ou encore au nombre de chèques donnés, mais cela ne peut, d'aucune manière, établir la valeur du travail. 
  
          Le restaurateur qui travaille 90 heures par semaine et qui ne réussit pas à vendre un seul repas perdra de l'argent, et cela n'est pas injuste. Il en est ainsi car le consommateur ne paie pas pour les heures travaillées, mais pour le bien acheté ou le service rendu. Toutefois, lorsque le service est offert par le gouvernement, alors là on compte les heures travaillées, et selon l'organisme à qui vous vous adressez il vous en coûtera un prix différent. Vous ne voyez pas cela car on ne vous facture pas au moment de l'usage, mais avant, pendant et après usage indirectement par l'entremise des impôts. On vous fera accroire que le service est gratuit pour bien vous endormir. En réalité, ce sont les services les plus chers qui soient car vous ne payez pas vraiment pour le service, mais pour le temps qu'ils passent à se préparer pour vous servir. 
 
     « Les policiers, pompiers, médecins, cols bleu, agents d'aide, bref tous ceux qui sont payés par vos impôts ont choisi, comme à l'habitude, la campagne électorale pour entreprendre des moyens de pression auprès des politiciens. »
 
          Avec les services gouvernementaux vous n'avez pas le loisir de magasiner et de négocier, car d'une part, ce sont en majorité des monopoles établis et protégés par la loi, d'autre part parce que ces gens sont payés par les taxes qu'ils vous soutirent. Ces services gouvernementaux n'existent que parce qu'il y a des profits à soutirer dans le secteur privé, des profits qui ont été créés par des gens qui tâchent à satisfaire vos besoins librement. Les fonctionnaires ont l'habitude de s'arroger une supériorité morale, car ils prétendent répondre du peuple et ne pas chercher cette chose vile qu'est le profit. Or, ils y doivent rien de moins que leur gagne-pain, ils vivent aux crochets du marché, c'est-à-dire de ceux qui gagnent leur vie honnêtement. 
  
          Dans un régime de liberté il y aurait également des policiers, pompiers et médecins, mais leurs salaires seraient établis par la seule façon juste d'y parvenir, soit la libre concurrence. Toutes les autres manières de rémunérer se fondent sur la politique, c'est-à-dire des privilèges injustifiés, de la démagogie et de la coercition. Les fonctionnaires réclament des politiciens qu'ils vous volent pour les satisfaire. Chaque dollar payé de cette façon est un dollar de trop. Mais il n'y a pas que les fonctionnaires à blâmer. 
  
Les groupes de pression 
  
          Les groupes de pression et les bénéficiaires représentés par eux comptent aussi parmi ceux qui cherchent satisfaction en faisant payer les autres. En ce sens, ils procèdent à la manière des fonctionnaires, mais à la différence de ceux-ci ils cherchent rarement à offrir quelque chose en échange. Ils prétendent plutôt que cela leur est dû étant donné leurs conditions. Ils cherchent à être bénéficiaires d'une « bonne » discrimination de la part de l'État. Ce qu'ils désirent, c'est d'être considéré comme une caste plus prestigieuse dans la hiérarchie étatique. 
  
          « L'État doit prendre ses responsabilités » ou « le gouvernement a le devoir de faire ci et ça » sont les phrases qu'ils ont continuellement à la bouche. Ils tentent ainsi d'ébranler la conviction morale des politiciens. Ayant une définition grossière de la générosité, les politiciens leur répondent de façon positive, car c'est ainsi qu'ils croient la pratiquer. Les valeurs de solidarité et de générosité sont inestimables, mais lorsqu'elles sont mal comprises il y a risque de pratiquer autre chose en leurs noms. Or, c'est trop souvent au nom du bien qu'on fait le plus de mal. 
  
          Celui qui mendie n'est pas à rejeter, mais celui qui nous force à l'aider l'est. Remarquez ce qui survient lors de la présentation de gros événements, telle la venue du Pape à Toronto l'été dernier. Les politiciens s'arrangent pour cacher les mendiants, pour ne pas montrer à la face du monde qu'ils existent dans une social-démocratie qui, pourtant, prétend combattre la mendicité mieux que le capitalisme. Les groupes de pression s'insurgent, avec raison, du traitement des mendiants, mais, à tort, revendiquent qu'on leur construise des logements « sociaux ». Des politiciens soi-disant généreux s'empressent alors de leur promettre ce qu'ils veulent tout en vous refilant la facture par la suite.  
  
          Politiciens et groupes de pression s'entretiennent mutuellement, à tout le moins de manière objective, et prétendent tous deux agir dans votre intérêt. Est-ce vraiment le cas? Les uns crient, les autres volent. Donc, comment peut-on qualifier ces actes de moraux? Rappelons aux sociaux-démocrates que leur morale est politique, c'est-à-dire qu'elle s'impose par la force et qu'elle a besoin de voler et de frauder les autres pour survivre. Ce n'est qu'une morale de façade, de paroles vides, sinon de sophismes. Il s'agit ni plus ni moins d'une escroquerie. Le degré de culpabilité des fonctionnaires, des groupes de pression, des politiciens et de leurs bénéficiaires varient, mais tous sont complices. N'attendez pas trop longtemps pour exiger les changements qui s'imposent, car les fondations politiques et démocratiques sur lesquelles nous vivons sont chancelantes et ne sauraient tenir longtemps. 
 
 
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