Montréal, 12 avril 2003  /  No 123  
 
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COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER
  
POUR QUI VOTER LE 14?
 
Monsieur Masse, 
 
          J'aimerais savoir, avant de voter, lequel des partis en présence représente le mieux vos idées.  
  
          Je me demande vraiment pourquoi les libertariens n'ont pas le leur. J'aime à lire les articles sur votre site, mais je n'en ai pas encore rencontré un seul sur la mise en pratique de votre système advenant une hypothétique victoire d'un hypothétique Parti libertarien.  
  
          Il ne se peut pas qu'il n'y en ait aucun. Pourriez-vous m'en indiquer quelques-uns? 
  
          Merci d'avance. 
 
André Mutin
 
 
Réponse de Martin Masse: 
  
Monsieur Mutin,  
 
          On retrouve dans le programme du Parti libéral tout comme dans celui de l'Action démocratique certaines propositions qui vont dans le sens de ce que nous défendons, c'est-à-dire moins d'intervention de l'État dans l'économie, moins d'impôts, plus de choix pour les individus et un plus grand recours au libre marché dans certains domaines contrôlés par l'État. Mais les deux partis sont confus et incohérents, proposent d'augmenter le rôle de l'État dans d'autres domaines, et ne remettent absolument pas en question le fait que l'État doive nous voler la moitié de notre salaire et intervenir dans pratiquement tous les aspects de notre vie de façon à défendre le prétendu « bien commun » 
 
          Il est donc difficile de dire que l'un ou l'autre représente bien nos idées. D'ailleurs, comme on doit s'y attendre de la part de girouettes politiques, ces propositions changent de six mois en six mois. L'année dernière, nous avons publié quelques articles où nous comparions les déclarations de Mario Dumont et de Jean Charest. Dumont paraissait alors le plus antiétatiste. Depuis le début de la campagne, je dirais que c'est Jean Charest qui tient le discours le plus intéressant – de façon ultra modérée et superficielle évidemment. Mais même si les libéraux sont élus, il est impossible de savoir s'ils vont mettre en oeuvre les baisses d'impôt et la réduction de l'interventionnisme étatique qu'ils défendent aujourd'hui.  
  
          Bref, un libertarien ne peut pas se faire d'illusion devant un tel choix. Chacun des partis a des porte-parole et des candidats qui penchent d'un côté ou de l'autre. Si vous croyez qu'il est de votre devoir de voter, et si vous voulez donner votre appui au parti le plus antiétatiste, je vous dirais simplement de voter pour le candidat libéral ou adéquiste qui vous semble le plus intéressant dans votre comté.  
  
          Par ailleurs, comme je l'expliquais dans un récent éditorial (LA POLITIQUE N'EST PAS LA SOLUTION, le QL, no 104), s'il n'existe pas de Parti libertarien au Québec, c'est parce que notre mouvement est encore relativement jeune, que nous sommes encore peu nombreux, et que nous préférons consacrer nos ressources physiques et intellectuelles à faire connaître ces idées plutôt qu'à organiser un parti qui ira chercher moins de 1% du vote. Avant qu'il soit possible d'exercer une influence politique, il faut que ces idées soient comprises, débattues dans les médias, et partagées par une large portion de la population.  
  
          Même si cela se produit au cours des années qui viennent, la fondation d'un parti libertarien n'est d'ailleurs pas nécessairement la meilleure stratégie pour changer les choses. Dans une démocratie, un parti qui veut obtenir le pouvoir est toujours susceptible de modérer son discours, diluer sa philosophie et se compromettre dans les combines politiques habituelles de façon à plaire à plus de gens. C'est ce que l'ADQ a fait ces derniers mois. Un parti libertarien serait tenté de faire la même chose pour ne pas stagner à 1 ou 2% d'appui (comme c'est le cas pour le Parti libertarien américain) et risquerait de devenir ainsi un parti comme les autres. Mieux vaut peut-être changer la culture intellectuelle et politique ambiante et amener tous les partis à adopter graduellement les idées libertariennes, comme ils ont tous (y compris ceux qui au 19e siècle défendait le libéralisme classique) graduellement adopté les idées socialistes et étatistes depuis le début du 20e siècle.  
 
          Cela dit, si vous voulez savoir ce qu'un gouvernement libertarien pourrait faire pour mettre en pratique sa philosophie après la prise du pouvoir, j'ai déjà proposé un BUDGET DE L'AN 1 LIBERTARIEN (le QL, no 59). D'ici là, il y a d'autres façons de changer les choses. D'abord, faire connaître les idées libertariennes. Ensuite, vivre comme un libertarien, c'est-à-dire ignorer ou contester les interventions de l'État dans nos vies chaque fois que c'est possible. Les étatistes n'ont du pouvoir que parce que nous acceptons sans rouspéter de subir leurs diktats. Lorsque la légitimité de ce pouvoir sera remis en question dans l'esprit de centaines de milliers de citoyens, il sera plus facile de changer les choses sur le plan politique.  
  
          Bien à vous,  
 
M. M.
 
 
 
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