Montréal, 20 décembre 2003  /  No 135  
 
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Mickaël Mithra est Ingénieur et cadre bancaire à Paris. On peut consulter ses autres textes sur hérésie.org
 
OPINION
 
FRANCE: QUI SONT LES 
VÉRITABLES EXTRÉMISTES?
  
par Mickaël Mithra
  
  
          Sur ce sujet de l'extrémisme comme sur les autres, il faut se garder des confusions qui régissent le vocabulaire politique. D'abord, que peut bien signifier le mot « extrémiste », dans le contexte journalistique et politique officiel? Extrémiste par rapport à quoi?
 
          Est-ce par rapport à un parti, un programme ou des idées politiques qui, eux, seraient « neutres »? Si « neutre » veut dire « sans interférence autoritaire avec la vie des gens », alors aucun parti politique ne l'est par définition, sauf peut-être un éventuel parti libertarien qui prônerait d'abolir la politique et qui, à ce titre, ne manquerait pas d'être taxé... d'extrémisme! Dans le paysage politique français, on ne voit pas très bien quels partis représenteraient la « neutralité », et ce ne sont certainement pas ceux qui se partagent le pouvoir, UMP, UDF et PS (voir la liste à la fin du texte pour la signification des acronymes des partis), lesquels sont franchement étatistes et interventionnistes. 
 
          On peut aussi se demander si l'« extrémisme » est une notion relative au positionnement par rapport à un « centre de gravité idéologique » des partis politiques en présence (en supposant que cette notion ait un sens). Dans ce cas, la question se pose: Et alors? En quoi cela doit-il déboucher sur la condamnation morale et l'ostracisme? De plus, si l'on parvient, comme beaucoup le souhaitent, à éliminer les « extrêmes », ce seront les partis « centristes » plus excentrés que les autres qui deviendront dans ce cas « extrémistes ». Faudra-t-il les combattre à leur tour, leur « faire barrage », jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un, LE parti unique de l'« extrême centre »? Mais dans ce cas, pourra-t-on encore parler de « démocratie »? Tout cela est absurde. 
 
          Ce sont en fait les médias étatistes et les politiciens des partis dominants qui nous martèlent ce vocabulaire dans le but de discréditer sans argument certains partis minoritaires qui défendent des idées différentes des leurs, que ces idées soient bonnes ou mauvaises. Mais le but de cette confusion dans le vocabulaire est surtout de faire l'amalgame entre, d'une part, le Front National et le Mouvement National Républicain, le second étant issu d'une scission au sein du premier, et, d'autre part, les communistes trotskistes récemment alliés de la Ligue Ouvrière et de la Ligue Communiste Révolutionnaire, afin de nous les présenter comme également dangereux (en fait, ils présentent souvent FN-MNR comme beaucoup plus dangereux). Or une telle présentation est complètement fausse: il ne peut être question de renvoyer dos à dos ces partis communément vus comme occupant les extrêmes de la droite et de la gauche. 
  
Nationalistes et libéraux 
  
          Le FN et le MNR sont des partis à la fois nationalistes et partiellement libéraux. Ces deux aspects sont incompatibles, mais tous les partis politiques sont pleins de contradictions et ils sont tous nationalistes. Ils se fondent en effet nécessairement sur la délimitation d'un groupe appelé « nation » formé de soi-disant citoyens alors que les autres sont censés être des étrangers, et ils prétendent que citoyens et étrangers n'ont ni les mêmes droits ni les mêmes devoirs. Le FN et le MNR se distinguent-ils vraiment radicalement des autres sur ce point-là? Quoi qu'il en soit, et c'est là le point crucial, le FN et le MNR sont clairement favorables à des baisses de charges et d'impôt massives, aux privatisations, aux déréglementations, à la liberté du commerce, etc. Dans son programme présidentiel, Le Pen annonçait vouloir inscrire dans la constitution que le budget de l'État français ne pourrait dépasser 35% du PIB (voir LE PEN EST-IL UN NAZI?, le QL, no 103). Cette seule mesure, si elle était effectivement appliquée, suffirait à étouffer en grande partie la pieuvre étatique et résoudre nombre des problèmes que connaît la France, quelles que soient les intentions réelles des uns et des autres. 
 
          Les partis FN et MNR s'en prennent à l'immigration, ce qui est évidemment antilibéral, mais il faut situer cette attitude dans le contexte français actuel. En France, l'immigration est subventionnée et encouragée de manière massive. Les cultures d'origine des immigrés font également l'objet de subventions. Il en résulte évidemment un effet pervers: une immigration (partiellement) parasitaire et oisive. Comme cette immigration est subventionnée, les populations immigrées ne s'intègrent pas bien et vivent en marge, conséquence nécessaire du fait que les subventions détruisent le lien social et favorisent en l'occurrence le clivage ethnique. Le tout est combiné à une propagande prétendument antiraciste qui crée et exacerbe des conflits ethniques initialement inexistants, de la même façon que la propagande et l'activisme socialistes créent les antagonismes de classe qu'ils prétendent combattre. 
  
          Cet effet universel et imparable est également observé, évidemment, chez les autochtones: les subventions aux activités non productives et l'encouragement à l'irresponsabilité y créent de multiples oisifs et y détruisent de la même façon le lien social, générant ainsi des conflits sociaux inextricables. C'est la conséquence inévitable d'un mode de gestion socialiste qui nie les fondements du lien social, à savoir la division volontaire du travail au profit de tous, pour lui substituer une soi-disant « fraternité » ou « solidarité » abstraite. 
  
          Quoi qu'il en soit, à partir du moment où le principe pervers de la subvention s'est inscrit dans les mentalités et dans la réalité sociale, il est nécessaire de limiter au maximum le nombre de ses bénéficiaires. Or, de même qu'il n'y a aucun moyen d'allouer rationnellement des subventions, il n'y a aucun moyen non plus de décider rationnellement où il faut faire des coupes. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut en faire le plus possible. FN-MNR en proposent, alors que LO-LCR n'en veulent évidemment aucune. 
 
          Ce qu'il faudrait faire bien sûr c'est supprimer les frontières en même temps que les subventions, mais aucun parti ne le suggère. Si l'on compare toutefois les programmes de LO-LCR et FN-MNR, ce qu'on nous propose, c'est soit une immigration subventionnée dans un cadre d'explosion des subventions en général (LO-LCR), soit une immigration très restreinte dans un contexte de réduction des subventions en général (FN-MNR). Comment peut-on être plus favorable à la première solution qu'à la deuxième?
Arlette Laguiller
Jean-Marie Le Pen
 
          Au chapitre des relations commerciales, les mesures protectionnistes proposées par FN-MNR, sur lesquelles on a beaucoup jasé, ne sont pas comparables à l'ultra protectionnisme autarcique que réclament à grands cris (et parfois à grands coups) LO-LCR. C'est la grippe comparée à la peste. 
 
          À première vue, FN-MNR et LO-LCR sont tous les deux antiaméricains. Mais ne nous y trompons pas, leurs positions sont radicalement différentes, car pour le FN-MNR, l'Amérique est un rival tout en étant un modèle économique (Le Pen veut faire de la région Paca la « Californie française »), alors que pour LO-LCR, c'est le prototype du mal absolu. Pour FN-MNR, il faut « faire comme eux », mais chez nous, alors que pour LO-LCR, il faut faire chez nous le contraire de ce qu'il font chez eux. La différence est énorme. 
  
Totalitarisme 
 
          On accuse FN-MNR tout comme LO-LCR d'être des partis totalitaires, l'un étant à rapprocher du fascisme ou du nazisme et l'autre du communisme. Cette affirmation est parfaitement exacte en ce qui concerne LO-LCR, partis ouvertement anticapitalistes, adversaires de la propriété privée, favorables à la nationalisation générale de l'économie, à une autarcie de production extrême, à l'égalité forcée et aux quotas dans tous les domaines. Ses partisans affirment que les travailleurs sont interchangeables. Tout cela est dit ouvertement, et personne ne s'en trouve choqué. 
  
          Un exemple, au hasard: La page « Les débats » du site LCR-rouge présente un texte dont la conclusion est la suivante: « Bref, pour réaliser ses objectifs sociaux: prendre toutes les mesures anticapitalistes nécessaires y compris la substitution de la propriété sociale à la propriété privée. » [c'est moi qui souligne] Le terme novlanguesque « propriété sociale » n'est là que pour faire passer en douceur l'idée qu'il s'agit bien d'abolir purement et simplement (et violemment, parce que les gens ne vont certainement pas se laisser faire) la propriété privée et de tout confier à une administration centralisée qui prendra en charge la vie des individus de A à Z. Si ce n'est pas là du totalitarisme, qu'est-ce que c'est donc? 
  
     « Sur certains points, on peut rapprocher Le Pen de Hitler. On peut toujours rapprocher n'importe qui de n'importe quoi. Mais ce que les Français étatisés jusqu'à la moelle ne comprennent pas, c'est que Le Pen propose une réduction massive de la taille de l'État et de ses interventions, et que cela constitue l'antithèse du nazisme comme du fascisme dans ce qu'ils ont de plus fondamental. »
  
          Dire en revanche que le FN et le MNR sont des partis « nazis » ou même « fascistes » est complètement burlesque. Sur certains points, on peut rapprocher Le Pen de Hitler, certainement. On peut toujours rapprocher n'importe qui de n'importe quoi. Mais ce que les Français étatisés jusqu'à la moelle ne comprennent pas, c'est que Le Pen propose une réduction massive de la taille de l'État et de ses interventions, et que cela constitue l'antithèse du nazisme comme du fascisme dans ce qu'ils ont de plus fondamental. Mais les gens ne savent pas ce qu'est le nazisme, ils ne savent pas ce qu'est le totalitarisme, dont le premier aspect, incontournable et fondamental est l'étatisme, c'est-à-dire la pétition de principe, ouverte ou sous-entendue, selon laquelle l'État est la solution à tous les problèmes. C'est exactement la position de LO-LCR, mais certainement pas celle de FN-MNR, sauf sur certains points précis, naturellement. 
  
          Il faut donc rappeler que le nazisme comme le communisme sont des totalitarismes parce qu'ils sont tous deux radicalement anticapitalistes, c'est-à-dire qu'ils sont favorables à une emprise générale de l'État sur la vie des individus, ce qui nécessite la persécution et le dénigrement des dissidents. Et parmi les dissidents se trouvent toujours des individualistes capitalistes qui s'opposent à l'action de l'État. La propagande social-démocrate a voulu identifier le nazisme au seul antisémitisme, afin de brouiller les pistes et de bien s'en distinguer(1). Mais l'antisémitisme nazi n'est qu'une expression de l'anticapitalisme dans un cas particulier: celui où l'on identifie le « juif » au capitaliste. Il procède de l'idée marxiste et mystique au coeur du discours de LO-LCR selon laquelle il peut y avoir exploitation (par les « juifs » ou les « bourgeois ») sans violence ni menace de violence et qu'il faut donc lutter (par la violence, cette fois) contre les « exploiteurs » 
  
          De la même façon que les nazis, les communistes ont massivement exterminé les juifs en tant que juifs, là où il y en avait, parce qu'ils représentaient à leurs yeux le capitalisme. Mais comme le communisme a beaucoup sévi dans des régions du monde où il y a peu de juifs, cela ne saute pas aux yeux. Les affinités entre les deux systèmes vont beaucoup plus loin qu'on ne le croit souvent. Il est d'ailleurs facile de s'en assurer: il suffit de lire La question juive de Marx et Mein Kampf de Hitler. Ces deux livres contiennent les mêmes arguments antisémites dérivés d'une haine commune du capitalisme, c'est-à-dire de l'individualisme, et plus fondamentalement, de la liberté. 
  
          Il n'y a donc en fait qu'un seul totalitarisme: celui qui prétend abolir l'individualisme, le capitalisme et la propriété privée. Globalement, ce n'est pas le cas de FN-MNR mais pleinement celui de LO-LCR. En fait LO-LCR ne se distingue aujourd'hui du nazisme que parce qu'elle n'identifie pas encore « juif » et « capitaliste », quoique depuis peu cette identification commence sérieusement à prendre forme sous prétexte d'« antisionisme ». 
  
Pas la même chose 
  
          Ainsi, nous avons d'une part le Front National et le Mouvement National Républicain qui nous proposent un programme plutôt libéral, il est vrai bourré d'erreurs et d'intrusions étatistes, et de l'autre la Ligue Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire, partis ouvertement et intégralement totalitaires sur tous les plans. Comment peut-on les renvoyer dos à dos sous prétexte d'« extrémisme »? 
  
          On peut fort bien vivre, bien que ce ne soit pas la panacée, dans un pays moyennement protectionniste, à faible immigration, où l'intervention de l'État est limitée quoique forte dans ses domaines d'action, comme ce que propose FN-MNR. En revanche, on ne peut PAS vivre dans un pays où les droits de propriété n'existent plus(2), où la violence n'est pas punie dans la mesure où elle correspond à l'idéologie du pouvoir en place, où l'autarcie est totale et où l'entrepreneuriat est sévèrement réprimé (« interdiction des licenciements », cette seule mesure entraîne la famine généralisée à brève échéance), tel que le proposent LO-LCR, et tel que nous le vivons d'ailleurs de plus en plus. 
  
          Je suis assez épouvanté de lire un peu partout que FN-MNR et LO-LCR, « c'est la même chose », ou d'entendre que des gens qui soutiennent traditionnellement l'UMP préféreraient voter LO-LCR plutôt que FN-MNR. Je crois que le lavage de cerveaux socialo-médiatique les a intellectuellement démolis, et c'est la raison pour laquelle je suis extrêmement pessimiste quant à la suite des événements. 
  
          Du système que les partisans trotskistes appellent de leurs voeux doivent inéluctablement découler l'appauvrissement massif et la violence, cette dernière étant nécessaire pour faire respecter l'interdiction de la propriété privée et de l'échange volontaire qui sont les bases de la vie humaine en société. Tout cela a été démontré dans les détails depuis au moins deux cents ans, mais aussi expérimenté pendant tout le XXème siècle à travers le monde, avec des résultats effroyablement cohérents. Alors oui, on peut qualifier d'« extrémiste » le duo LO-LCR, d'abord parce que ses membres eux-mêmes revendiquent l'appellation d'« extrême gauche » mais surtout parce qu'ils proposent une société-prison où les conditions de survie de l'humanité seraient extrêmes, comme en haute montagne, au fond des océans, ou dans les goulags que leurs congénères ont construits un peu partout dans le monde.  
  
  
FN: Front National (« Extrême » droite)
MNR: Mouvement National Républicain (« Extrême » droite)
LO: Lutte Ouvrière (Communistes trotskistes)
LCR: Ligue Communiste Révolutionnaire (Communistes trotskistes)
UMP: Union pour un Mouvement Populaire (Droite parlementaire au pouvoir)
UDF: Union pour la Démocratie Française (Droite « centriste »)
PS: Parti Socialiste
 
1. Elle en rend d'ailleurs par là même le succès incompréhensible, la thèse officielle étant la « folie » d'Hitler (et des millions d'Allemands qui l'ont élu?), alors qu'Hitler n'a fait que pousser jusqu'au bout sa logique anticapitaliste. Mais cela, la social-démocratie elle-même fondée sur la haine du capitalisme, ne peut évidemment pas l'admettre.  >>
2. C'est-à-dire où ils ne sont pas protégés et où ils sont massivement violés par le pouvoir politique.  >>
 
 
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