On aurait pu croire, en regardant la
télé pendant les deux premières semaines de la tempête
de verglas, que les populations de villages, villes et régions entières
s'étaient soudainement retrouvées dans les centres d'hébergement.
Toutes les stations avaient des reporters sur place en permanence dans
les centres les plus surpeuplés, question de montrer des scènes
dramatiques de citoyens hystériques, en colère ou au bord
de la dépression. Heureusement, nous répétait-on,
ces pauvres populations sans moyen n'étaient pas laissées
à elles-mêmes mais pouvaient compter sur le support public
qu'offraient les centres d'hébergement où, malgré
les conditions difficiles, on pouvait au moins rester au chaud, manger,
et dormir. Bref, survivre, ce qui était devenu presque impossible
en restant chez soi, à moins d'être l'un des rares privilégiés
à posséder une génératrice, un foyer ou un
four à combustion lente.
La plupart des sinistrés sont restés
chez eux
La réalité était pourtant très différente
de ce que nous ont montré les médias. Tout au long de la
crise, une infime minorité seulement de citoyens sans électricité
s'est retrouvée dans les centres d'hébergement. Ainsi, le
mercredi 14 janvier, au plus fort de la crise, le premier ministre Bouchard
annonçait que la veille, 14,000 personnes sur les 800,000 encore
sans électricité avaient passé la nuit dans un centre,
ce qui constitue moins de 2% du total. Évidemment, personne n'a
relevé cette statistique extraordinaire: 98% des sinistrés
se débrouillaient sans l'aide de l'État, des municipalités,
du club de boyscouts qui fait office de Sécurité publique,
et des multiples autres services publics qui ont pris en charge ceux qui
ne pouvaient s'occuper d'eux-même.
La véritable solidarité
C'est à ce niveau qu'elle s'est
vécue, la véritable solidarité, au niveau des individus
responsables qui ont traversé la crise chez eux, chez des parents
ou des amis. On s'est échangé des services, des objets de
nécessité devenus difficiles à trouver, du soutien
physique et moral. Ces gens, la vaste majorité de ceux touchés
par la crise, se sont pris en main et se sont débrouillés
en individus responsables. Il fallait évidemment qu'on s'occupe
des personnes âgées seules, des malades et de ceux qui, à
cause de circonstances extraordinaires, n'avaient aucun endroit où
aller se réfugier. Pour le reste, la population s'est débrouillée
dans la pire des circonstances. Imaginons ce qu'elle pourrait faire si
l'État s'enlevait de son chemin dans les meilleures!
M.M.
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