Montréal,
le 28 mars 1998 |
Numéro
4
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«
Les citoyens branchés sont clairement libertariens – ils
ont beaucoup plus confiance dans la capacité des entreprises et
des individus à solutionner des problèmes que dans celle
des gouvernements. »
(sondage, décembre
1997)
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BILLET
DÉLIRE BUREAUCRATIQUE
À LA STCUQ
par Brigitte Pellerin
C'est fou ce qu'il y a des gens qui ne sont pas superstitieux. Nous étions
un vendredi 13 (le deuxième de suite), et le Syndicat des employés
d'entretien de la STCUQ annonçait à l'employeur qu'une cinquantaine
de mécanos passeraient la fin de semaine à inspecter bénévolement
les autobus. Comme ça, tout simplement, pour rien.
On est en pleine négociation sur la question du désormais
célèbre 6%, il y a un coco qui a mis le feu au garage la
semaine d'avant, l'entreprise est tapissée de collants tous plus
subtils les uns que les autres, et voilà que soudainement, les employés
veulent faire du bénévolat. Il fallait avoir le nez vraiment
bouché pour ne pas sentir le coup fourré.
En bons gestionnaires publics, les patrons se sont contentés d'avertir
leurs travailleurs que les assurances ne couvriraient pas les blessures
qu'ils pourraient s'infliger en démontrant autant de zèle
– c'est qu'ils n'ont pas l'habitude, voyez-vous. Les dirigeants ont tout
bonnement laissé les portes grandes ouvertes, sans aucune surveillance,
pendant toute une fin de semaine. Je ne sais pas si vous êtes comme
moi, mais je n'aurais sûrement pas été capable de dormir.
Arriva ce qui devait arriver: on découvre – Oh! malheur – que la
moitié des véhicules inspectés sont à ce point
en mauvais état que ce serait criminel de les laisser rouler. LA
MOITIÉ! Personne à la direction de la STCUQ ne se demande
ce que peuvent bien faire les 200 mécaniciens à longueur
d'année. Peut-être parce qu'on ne leur a pas dit qu'ils devaient
s'en occuper...
Toujours est-il que mercredi le 21, sans avertissement, les usagers reçoivent
le coup en pleine poire. Au secours, les autobus ont déserté!
Seuls deux parcours sont en service (faut le dire vite), et les rares véhicules
à circuler sont tellement pleins qu'ils se contentent d'arroser
ceux qui attendent à 60 par abribus. Gros fun.
Système D oblige, les usagers trouvent un autre moyen de transport
et continuent tranquillement leur routine. Ça fera toujours quelque
chose à raconter autour de la machine à café! Les
gens sont d'une patience, c'est pas croyable. Et polis avec ça...
Les rares qui étaient vraiment en colère sont probablement
allés se cacher, parce que les reportages ne montraient que des
clients à peine contrariés. La bouille souriante (heille,
je vais passer aux nouvelles) laissant s'échapper un timide «
non, c'pas drôle! » ou un résigné
« qu'est-ce que tu veux qu'on fasse? » |
Des usagers patients
Il faut dire que dans la Vieille Capitale, la plupart des usagers sont
soit fonctionnaires, soit étudiants; et que dans les deux cas, un
retard est n'importe quoi sauf une catastrophe. Et puis on a l'habitude,
dans le coin, des transports publics cahin-caha. Un de plus ou un de moins,
big deal.
Ce n'est que le lendemain qu'on a retrouvé un peu du bon sens égaré.
Youppi, il y en a qui se choquent! C'est comme ça, à Québec:
mercredi ça allait, jeudi, ils sont en fusil. Ils devaient attendre
de voir quelle serait la tendance. M'enfin.
La grogne commençait à s'échapper des gosiers, la
température montait. Tapie dans ma campagne, loin de tout ce défilé
d'auto-stoppeurs cycliques, je suivais les nouvelles dans l'espoir d'entendre
la déclaration-remède. Qui allait le dire en premier? Qui
oserait?
« Qu'est-ce qu'on attend pour les mettre dehors? Il y en a
assez qui iraient en quatrième vitesse prendre leur place, pour
seulement la moitié du salaire! » C'est ça
que j'attendais, ou quelque chose du même fût. Ça va
faire, se laisser prendre bêtement en otage par n'importe quel groupe
organisé. Wô, les moteurs!
Plouc, à l'eau. Ma balloune se dégonfle, O.K. on remballe.
Vous savez ce qu'ils réclament, les élus régionaux?
Je vous le donne en mille. Ils veulent une ENQUÊTE! Pourquoi faire?
Ça ne prend pas un diplôme universitaire pour comprendre ce
qui se passe. Il ne s'agit que d'un vulgaire moyen de pression, qui a la
fâcheuse particularité de bouleverser tout le monde et son
voisin. Mais bon, on ne va quand même pas en faire un plat.
Et le plus drôle, c'est que personne ne trouve rien à redire.
Une gang d'employés utilisent des manoeuvres inacceptables pour
s'éviter le couperet, les usagers poireauteront encore une vingtaine
de jours avant de retrouver un semblant de service, et tout ce qu'on trouve
à faire, c'est demander au Vérificateur général
d'enquêter sur les circonstances de « l'incident ».
Non mais. Ils ont tellement l'habitude de se tourner vers les bidules publics
qu'ils en perdent les pédales. À la moindre secousse, ils
sortent l'organigramme, forment des comités, sensibilisent les intervenants
à la problématique et mettent en place des instances.
Si ce n'est pas ce qu'on appelle une société bureaucratisée,
je me demande bien ce que c'est. Vus de l'extérieur, on ne doit
pas avoir l'air brillants.
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