Montréal, le 23 mai 1998
Numéro 12
 
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TRAVAIL DIRIGÉ
 
BYE BYE BOSS!
  
par Brigitte Pellerin
  
 
          À coeur vaillant, rien d'impossible. Enfin, c'est ce qu'on dit.  
  
          Souvent, lors des conflits de travail, je me demande ce que feraient les employés s'ils étaient les seuls à pouvoir décider de tout. Qu'est-ce qu'ils pourraient bien faire de mieux que ce patron contre lequel ils semblent avoir autant de griefs que les péquistes en ont contre Ottawa? 
 
          C'est facile, de mettre tous les torts sur des épaules bien larges. Ça l'est un peu moins quand on est confronté tous les jours à la vraie vie de gestionnaire et aux difficultés qui en font immanquablement partie. 
Suggérons aux centrales syndicales de créer elles-mêmes des entreprises, tiens. On verra si elles peuvent faire mieux que les gens d'affaires en place.  
 
          Remarquez, ça se fait. En Ontario, par exemple, le Fonds de pension des profs (l'un des plus gros au Canada en termes d'actifs) est devenu il y a quelques années l'actionnaire majoritaire, entre autres, de Maple Leaf. De syndicalistes à vendeurs de bacon, pourquoi pas? Quand on est bon... 
De l'Alberta à Donnacona: même combat! 
  
          Ce qui est drôle, c'est que l'usine albertaine de Maple Leaf a été fermée suite à une grève des employés syndiqués, laissant, si ma mémoire est bonne, environ 800 travailleurs sans emploi. La compagnie exigeait des concessions majeures de la part de ses syndiqués et ceux-ci ont refusé. La clé dans la porte, salut tout le monde. Meilleure chance la prochaine fois. 
 
          Les patrons de Maple Leaf, je le rappelle, c'est le Fonds de pension des professeurs syndiqués de l'Ontario qui, au moment même où se déroulait le conflit en Alberta, étaient dans la rue, en grève... EN GRÈVE!!! Alors si je comprends bien, les gens qui pataugent à temps plein dans le merveilleux monde du syndicalisme et des luttes ouvrières peuvent, À LA FOIS, faire impunément la grève pendant deux semaines et sacrer dehors leurs propres employés qui ont commis l'erreur de vouloir faire la même chose. Est-ce que c'est ce qu'ils veulent dire quand ils parlent de la main droite qui ignore ce que la gauche fait? Ou est-ce plutôt le truc de la paille dans l'oeil de l'autre? 
 
          Peut-être aussi que le fait de travailler pour l'éducation publique change un peu la donne. Deux semaines de grève, ça veut dire deux semaines de moins en salaires à payer. Bonjour l'économie! Dans le privé, c'est une autre affaire... N'empêche que c'est compliqué, comme aventure. C'est ce qui arrive quand on veut à la fois être le grand boss et le pauvre travailleur. On finit par se ramasser dans des emberlificotages sans fin. Mais ça non plus, ça ne les gêne pas. 
 
          Laissons un peu l'Alberta et revenons dans nos contrées, plus précisément dans la région de Donnacona. Il y a là un IGA complètement bouché par un conflit de travail qui traîne depuis 5 mois. C'est grave. (Parenthèse pour les gens de la grande ville: en région, on ne trouve pas d'épiceries à chaque coin de rue. Il faut souvent faire une dizaine de kilomètres avant de trouver un concurrent. Pour les gens âgés et ceux qui n'ont pas de voiture, c'est une catastrophe quand « leur » IGA ferme ses portes.) 
 
          À Donnacona, les employés en grève ont eu une idée pour se sortir du bourbier. Ils veulent racheter le IGA. Il semblerait que l'actuel propriétaire n'ait pas trop envie de se battre pour le garder. Peut-être parce qu'il en a plein son casque et certainement parce qu'il sait très bien que les relations de travail et de couple ne diffèrent pas tant que ça. C'est toujours difficile de se remettre ensemble. Bonne idée! dites-vous. Comme ça, tout le monde serait content. C'est good! 
  
Dur, dur d'être boss 

           Laissez-moi seulement vous dire une chose, rabat-joie que je suis: on ne devient pas boss du jour au lendemain. Quand ça fait 10 ans qu'on est salarié, la transition ne se fait pas toujours en douceur. Vous allez peut-être grincer des dents, mais sachez que c'est pas mal plus facile d'être employé que d'être boss. Enfin, la plupart du temps. Le gros avantage, c'est l'horaire. Parce qu'en dehors de tes heures, tu ne travailles pas. Quand t'as pas d'horaire, c'est simple, tu travailles tout le temps. (Il y a aussi ceux qui ne travaillent jamais, ceux qui sirotent tranquillement leur B.S., mais c'est une autre histoire.) 
 
           Bon, d'accord. Avant de recevoir vos rideaux en pleine face, je me répète. IL Y A DES EXCEPTIONS. Beaucoup d'exceptions. Ne m'envoyez pas de courrier pour brailler sur votre petit boss à vous qui ne s'occupe pas de ses affaires et qui vous fait manger toute la m... pendant qu'il essaie sa nouvelle Béhemme. Je ne veux rien savoir. Les cas personnels m'intéressent autant que la culture du chou-rave en Ardèche. C'est tout dire. 
 
          Mais EN GÉNÉRAL, vous en conviendrez, un boss a plus de responsabilités qu'un employé. Il doit voir plus loin que le bout de son nez, penser à des stratégies de marketing, s'occuper des ventes, recevoir les plaintes, payer les charges sociales, les assurances, voir à la sécurité de son monde, and so on. C'est un caractère, ça monsieur. Il y a des gens qui sont faits pour être employés, d'autres pour être patrons, et d'autres qui ne peuvent être ni l'un ni l'autre. C'est comme ça; on n'y peut rien. Il n'y a pas de recette miracle; et on ne peut jamais savoir qui réussira à passer d'un mode de vie à l'autre. Ce n'est qu'en essayant qu'on se fait une idée. Mais il ne faut surtout pas décourager les tentatives. Plus on aura de travailleurs soucieux des performances de LEUR entreprise, et plus on aura de gens dynamiques qui ont vraiment à coeur de réussir dans leur domaine. 
 
           Je vous souhaite bonne chance, les potes. 
  
  
  

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