Montréal, le 23 mai 1998
Numéro 12
 
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LA CORRESPONDANCE VIRTUELLE
DU MINISTRE PIERRE BÉLANGER
 
 
           Notre chroniqueur Pierre Lemieux attend toujours une réponse à sa lettre du 13 janvier 1998 adressée au ministre Pierre Bélanger. Il lui demandait alors de quel droit les policiers ont pu forcer des gens à quitter leur demeure pendant la tempête de verglas. 
 
          Entre-temps, dans un effort pour comprendre la psychologie étatiste, il nous offre un échantillon des réponses possibles du ministre. 
  
 
    Gouvernement du Québec 
    Le Ministre de la Sécurité publique 
    pierre.belanger/depute/pq@assnat.qc.ca
    

  
  
    Québec, le 22 mai 1998 
      
    Monsieur Pierre Lemieux 
    C.P. 725, Tour de la Bourse 
    Montréal, Qué. 
    H4Z 1J9 
      
      
      
    Monsieur, 
      
      
              J'ai bien reçu votre lettre du 13 janvier me demandant en vertu de quels textes nous prétendons que la police a le droit de forcer les gens à quitter leur demeure à l'occasion d'une catastrophe cosmique comme la tempête de verglas qui frappait alors notre société distincte. Je m'excuse de ne pas y avoir répondu plus tôt, étant fort occupé à diriger la barque de l'État (et de ses flics, justement).     
      
              Je vous en veux du reste pour votre rappel du 11 mars, comme si vous osiez soupçonner que moi, serviteur du peuple, je pouvais ne pas répondre à un assujetti qui s'adresse poliment à moi. La future République du Québec n'est pas une république de bananes. (Je n'ai jamais compris pourquoi certains contestataires, qui sont sans doute nés avant 1960 et qui ont lu Tintin, m'appellent le Général Alcazar – ou le Général Tapioca, je ne me rappelle plus.) 
      
              Le Gouvernement du Québec a la responsabilité du bien-être de tous les Québécois et de toutes les Québécoises sans distinction de sexe. Il doit prendre les moyens pour assumer cette responsabilité. Vous comprendrez que l'heure était trop grave pour s'accrocher à des idées théoriques comme celle de liberté, que des vies de contribuables étaient en jeu, et que je devais m'assurer que l'Hydro-Québec, ce fleuron des réalisations collectives des années soixante, n'avait pas de mort sur la conscience collective. Comme disait Platon, quand il faut, il faut. 
      
              Je résume la logique implacable de mon argumentation. L'État du Québec était incapable de fournir de notre électricité collective au peuple du Québec. Le peuple du Québec avait froid. L'État du Québec avait le droit d'utiliser ses fiers-à-bras pour l'amener au chaud. C.Q.F.D. 
      
              Tout en vous remerciant pour l'intérêt que vous portez à notre marche collective vers l'ordre et le salut public, je vous prie, Monsieur, de croire à mes sentiments distingués. 
      
  
 
Le Ministre de la Sécurité publique 
Pierre Bélanger 
  
 
 
 
 
 
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