Montréal,
le 20 juin 1998 |
Numéro
14
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MOT POUR MOT
RETOUR D'ASCENSEUR
Le QL dénonce régulièrement les liens incestueux
qui se créent entre l'État et ceux qui bénéficient
des largesses du prince. On a eu un bon exemple ces derniers jours de la
façon dont les retours d'ascenseur se font entre ceux qui donnent
et ceux qui reçoivent. |
La députée libérale Madeleine Bélanger de Mégantic-Compton
a dévoilé une lettre du président de l'association
péquiste de son comté envoyée au dirigeant d'une usine
de meubles pour solliciter une contribution à sa caisse électorale.
La compagnie en question, Bestar, avait profité d'un investissement
du Fonds de solidarité il y a quelques années, un Fonds qui
bien sûr n'existe et ne fait des profits que grâce aux crédits
d'impôt consentis par le gouvernement. Son contenu est révélateur:
« Bien qu'il semble que nous soyons adversaires idéologiques,
le Parti québécois fait aujourd'hui appel à votre
sens démocratique dans le cadre de sa campagne de financement 1998.
Non seulement en politique mais aussi en affaires, le sens démocratique
s'applique et fait son oeuvre dans le but de développer le Québec.
Votre entreprise a su profiter il y a quelques années d’une relance
grâce à un investissement substantiel de la part du Fonds
de solidarité de la FTQ. Avons-nous besoin de rappeler que les dirigeants
du Fonds qui ont permis cet investissement ne sont pas apparentés
au Parti libéral mais qu’ils ont plutôt des affinités
avec le Parti québécois? Cela ne les a pas empêchés
d'investir temps et argent pour faire progresser votre entreprise.
C’est dans ce sens non partisan que nous faisons appel à vous dans
le cadre de notre campagne de financement. Nous apprécierions que
vous sachiez reconnaître les actions posées par des personnes
qui, idéologiquement, avaient peu de lien avec vous mais qui sont
quand même venues en aide à votre entreprise. Nous comptons
sur votre soutien personnel et/ou sur celui de certains de vos dirigeants
qui souhaiteraient apporter leur contribution au Parti québécois.
»
On peut facilement imaginer comment l'inverse se produit, c'est-à-dire
comment une entreprise qui a fait montre d'un grand « sens
démocratique » en contribuant à la caisse d'un
parti peut ensuite revenir voir ses bons amis pour se faire graisser la
patte avec des subventions ou des « investissements ».
Notons qu'en réaction à cette histoire, le ministre Guy Chevrette
a fait cette subtile distinction qui en dit long sur sa familiarité
avec le phénomène et sur sa compréhension des principes
démocratiques: « J’ai remarqué que, contrairement
à ce qui arrivait avec nos amis d’en face, ce n’est pas a priori
qu’on a demandé de l’argent à un individu, c’est a posteriori.
Donc, ce n’est pas du chantage pour l’octroi, mais c’est bien pour dire:
“Avez-vous une certaine reconnaissance démocratique?”
».
(La Presse, Presse canadienne)
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