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1) au moins cinq millions de pieds carrés d'espace à bureaux;Garreau, en spécialiste de la formule-choc, soutient donc que nous assistons à une redéfinition fondamentale de nos banlieues. Or s'il est vrai que les Edge Cities sont tout le contraire de ce qu'avaient prévu les aménagistes des années cinquante et soixante, il n'en demeure pas moins que le phénomène est beaucoup plus ancien et que de tout temps les agglomérations dynamiques ont généré des villes satellites. Le phénomène est facile à comprendre. Lors de toute période de croissance urbaine, certaines entreprises trouvent plus avantageux de se relocaliser en banlieue pour bénéficier de plus d'espace tout en continuant à profiter des avantages qu'assure la proximité d'une grande ville. Verdun et Hochelaga ont ainsi été des satellites de Montréal avant d'être absorbées par l'avancée de la trame urbaine. L'émergence des villes satellites contemporaines sonne toutefois le glas des schémas d'aménagement conçus par quatre générations d'architectes et d'urbanistes qui s'étaient donnés pour mission de sauver les citadins en éradiquant les villes. Comme le rappelle l'historien Robert Fischman, en résumant la pensée des pères de l'urbanisme contemporain Ebenezer Howard, Frank Lloyd Wright et Le Corbusier: « L'histoire de l'urbanisme contemporain est donc celle d'idéologues s'étant donnés pour mission de remodeler le comportement humain par une redéfinition de leur environnement physique. On a ainsi construit à travers les États-Unis des autoroutes pour vider les villes, détruit nombre de quartiers pour y construire des complexes d'habitations à loyers modiques et instaurer une séparation stricte des fonctions urbaines (travail, loisir, résidence). Et comme nous le savons tous, le principal résultat de la médecine des experts a été de détruire complètement le coeur et le tissu social des principales villes américaines(3). Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que les villes canadiennes sont en bien meilleur état, car elles ont beaucoup moins goûté à la médecine des urbanistes et des planificateurs que les métropoles américaines(4). Les Edge Cities sont toutefois la revanche du capitalisme américain. Elles n'ont pas été planifiées par des experts à l'emploi d'agences gouvernementales, mais par des développeurs risquant leur propre argent. Comme Garreau l'a abondamment souligné dans son ouvrage, ces derniers se sont contentés de répondre à la demande des consommateurs et ont de ce fait recréé une certaine forme d'urbanité banlieusarde. Le résultat n'est évidemment pas toujours plaisant du point de vue esthétique, notamment aux yeux de ceux qui détestent les espaces de stationnement et la congestion routière. Il ne faut toutefois pas oublier que les politiques publiques des dernières décennies ont tout fait pour favoriser l'automobile et que les développeurs se sont adaptés aux incitatifs en place. De toute façon, les Edge Cities ne sont encore que d'immenses chantiers. Le résultat sera sans doute beaucoup plus satisfaisant dans quelques décennies. Après tout, Amsterdam n'était au XVIIe siècle qu'un immense chantier que plusieurs chroniqueurs de l'époque trouvait hideux.
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