Montréal,
le 18 juillet 1998 |
Numéro
16
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MOT POUR MOT
WOUF WOUF
ÉLECTRONIQUE
La police québécoise de la langue n'arrête pas de nous
surprendre. Cette fois-ci, c'est à internet qu'un de ses molosses
a décidé de s'en prendre. Dans la revue officielle de la
police, Infolangue (été 1998), un des chroniqueurs
s'en prend aux multiples « néolibéraux »
qui peupleraient la Toile et qui attaquent les lois linguistiques de la
province. Voici ce qu'écrit l'auteur, Me Jean Dansereau, dans son
article intitulé Les sites Web: une immunité à
revoir : |
« Il ne se passe pas une semaine sans qu'on entende
un porte-parole du néolibéralisme affirmer qu'internet a
supprimé les frontières, et qu'aucune puissance au monde
ne peut empêcher la libre circulation des données numériques.
En fait, on voudrait croire et surtout faire croire qu'internet a enfin
donné le signal du “dépérissement de l'État”.
Mais peut-on encore s'imaginer qu'internet échappe à l'autorité
de la loi? Quelques exemples suffiront à démontrer le contraire.
Dans le domaine des valeurs mobilières, il y a déjà
une collaboration soutenue entre le Québec et plusieurs autres États
ou provinces pour réprimer les activités frauduleuses. Ainsi,
en Colombie-Britannique, et aussi en Ontario, on a fait fermer l'an dernier
des sites Web qui servaient à diffuser illégalement des renseignements
sur les titres boursiers. Dans un autre ordre d'idées, il faut citer
l'exemple de la Commission des droits de la personne, qui a poursuivi Ernst
Zundel pour son site Web négationniste (qui nie la réalité
historique des camps d'extermination nazis), situé en Californie
mais qu'on peut évidemment consulter au Canada. La Commission a
invoqué une disposition de la loi canadienne sur les droits de la
personne, qui interdit la diffusion de messages haineux par le truchement
d'une entreprise de télécommunications relevant de la compétence
fédérale. En Californie, récemment, une condamnation
a été prononcée pour la première fois contre
un internaute qui s'était servi du réseau pour proférer
des menaces à l'endroit d'une soixantaine d'étudiants asiatiques.
À Toulon, un jeune Français néo-nazi a été
condamné à trois mois de prison pour menaces à un
magistrat français, diffusées par l'entremise d'un site internet
établi... en Colombie-Britannique!
Et pourtant, d'aucuns semblent continuer de croire que le réseau
des réseaux leur permet de dire à peu près n'importe
quoi. Curieusement, la législation linguistique du Québec
a été prise à partie sur internet, comme si l'ambiance
un peu ésotérique du réseau devait conférer
une sorte d'immunité aux détracteurs de la Charte de la langue
française et de l'Office de la langue française. D'ailleurs,
ce n'est pas seulement la « loi 101 », mais aussi le Québec
lui-même et ses institutions démocratiques qui font l'objet
d'attaques réitérées sur internet, et le langage utilisé
atteint parfois un tel degré de virulence que tout fournisseur d'accès
qui se respecte devrait avoir honte de s'en faire l'instrument, même
involontaire. Car le fournisseur d'accès, c'est un peu l'éditeur
du site internet, et il devrait être tenu aux mêmes obligations
que l'éditeur d'un ouvrage quelconque en librairie, même s'il
n'en est pas lui-même l'auteur. Bref, on admet aujourd'hui que le
réseau des réseaux devra être policé, selon
des règles qu restent encore à définir, mais qui emprunteront
inévitablement des concepts et des catégories aux règles
juridiques déjà connues (...). »
À noter le ton de petit despote (qui trouve « curieux
» qu'on s'attaque à la législation linguistique
et qui ne comprend probablement pas pourquoi le bon peuple ne suit pas
à la lettre les commandements étatiques édictés
pour son bien). Et aussi la transition rapide entre les néo-nazis
et ceux qui s'en prennent aux vaches sacrées du nationalisme québécois.
Comme le QL est le seul site de nouvelles et d'opinion au Québec
à faire cela régulièrement et à défendre
une position libertarienne (outre celui de notre collaborateur Pierre Lemieux),
on peut se demander à qui au juste on fait référence...
Pitou, pitou, pitou, viens mon bon chien-chien!
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