Montréal,
le 24 octobre 1998 |
Numéro
23
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Le
QUÉBÉCOIS LIBRE est publié sur la Toile depuis le
21 février 1998.
Il défend
la liberté individuelle, l'économie de marché et la
coopération volontaire comme fondement des relations sociales.
Il s'oppose
à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes,
de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les
individus.
Les articles publiés
partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques
qui y sont exprimées n'engagent que leurs auteurs.
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ÉDITORIAL
CHAREST BRISERA-T-IL
LE « CONSENSUS »?
par Martin Masse
Jean Charest a présenté son programme économique en
prévision de l'élection provinciale qui devrait être
déclenchée incessamment. Brisant avec le discours interventionniste
de ses prédécesseurs, le chef libéral s'engage à
réduire la taille de l'État, alléger la réglementation
du marché du travail, privatiser des actifs publics, cesser d'injecter
de l'argent public dans chaque investissement privé qui se fait
dans la province, et réduire les impôts. Les libéraux
proposent notamment des réductions d'impôts de 2,5 millards
$ lors d'un premier mandat – ce qui équivaut à 10% – avec
un objectif de 30% de réductions à plus long terme, comme
ce qui a été fait en Ontario par les conservateurs de Mike
Harris.
Des promesses en l'air? Probable. En 1985, une cohorte de réformateurs
élus avec Robert Bourassa avaient aussi proposé dans un fameux
rapport de remettre en question le rôle de l'État dans la
gestion économique. Mais Paul Gobeil (ex-président de la
chaîne alimentaire Provigo, qui a donné son nom à l'expression
« l'État-Provigo ») et ses
collègues plus radicaux ont vite déchanté et quitté
le navire, devant le refus de Bourassa et du reste du cabinet de créer
des vagues en mettant ces réformes en oeuvre. Ce gouvernement a
ensuite réussi à faire les déficits les plus élevés
de l'histoire du Québec au début de la présente décennie.
Le Parti libéral dont l'ex-chef conservateur a pris la direction
n'a pas plus de couilles aujourd'hui qu'il n'en avait il y a dix ans. Et
son programme reste d'ailleurs ambigu, question de continuer à ménager
la chèvre et le choux (voir Mot pour Mot,
p. 9). Des libéraux de la vieille garde s'affairent d'ailleurs déjà
à minimiser la portée du virage économique proposé
par leur chef. Le sénateur et ex-bras droit de Bourassa, Jean-Claude
Rivest, affirmait cette semaine dans La Presse que «
s'il y a une rupture actuellement, c'est essentiellement au niveau
du discours ». Selon lui, les nouvelles prises de positions
du PLQ ne s'éloignent guère des « consensus »
adoptés au sommet économique présidé par Lucien
Bouchard il y a deux ans. |
La réaction des parasites
Il n'en reste pas moins que le discours politique québécois
vient de changer de ton. On n'avait pas entendu depuis longtemps un politicien
provincial sérieux (ce qui exclut le chef de l'ADQ, qui a eu quelques
idées originales pendant une brève période mais les
a oubliées depuis) s'attaquer ainsi à des vaches sacrées
et dénoncer ouvertement ce fameux « consensus »
québécois qui postule un recours à des solutions bureaucratiques
pour tous les problèmes. À un point tel, d'ailleurs, que
Jean Charest a dû se confronter à l'incrédulité
de journalistes et de commentateurs qui n'en revenaient pas de voir leurs
dogmes socialistes ainsi remis en question: « On paie
trop de taxes puis trop d'impôts. Est-ce que c'est rendu à
un point tel que c'est une révolution de dire aux contribuables
québécois: “On va vous laisser votre argent à vous?”
On est-tu rendu si avancé que ça, là, dans l'intervention
de l'État, que ça paraît bizarre de proposer que vous
puissiez garder davantage d'argent dans vos poches? Moi, je le pense pas.
»
Les péquistes n'ont pas tardé à monter sur leurs grands
chevaux. Le ministre des Finances Bernard Landry a accusé Charest
de vouloir « démanteler l'État québécois
». Selon lui, « les libéraux se
sont positionnés à l'extrême de l'échiquier
politique, avant l'extrême-droite. En termes économiques,
tu peux pas être plus à droite que ça. Alors que nous,
nous sommes des progressistes à gestion rigoureuse. »
Les mafias syndicales sont elles aussi montées aux barricades pour
dénoncer aussitôt le plan économique libéral.
Le président de la CSN, Gérald Larose, a clairement réitéré
la position habituelle de l'avant-garde prolétarienne selon laquelle
payer toujours plus d'impôts est la meilleure chose qui puisse arriver
aux travailleurs: « La baisse des impôts est la
mesure la moins productive au niveau économique. Elle constitue
un cadeau pour les plus riches de la société qui reconvertissent
leurs gains en fonds pour la spéculation. »
La classe de parasites qui vit aux frais de l'État serait-elle en
train de paniquer? Partout ailleurs en Amérique du Nord, les promesses
de baisser les taxes ont été très populaires ces dernières
années, et les contribuables du Québec pourraient bien se
laisser tenter. Mais les contradictions de l'État redistributionniste
étant ce qu'elles sont, cela ne peut survenir sans faire de mécontents.
À chaque fois qu'il ouvre la bouche pour dénoncer un bonbon
ou un autre devenu un « acquis », ce n'est pas seulement le
Parti québécois et deux ou trois mafiosi que Jean Charest
confronte potentiellement, mais à peu près la moitié
de la population du Québec. On l'a vu ces derniers jours, lorsqu'il
a dû s'expliquer après avoir déclaré qu'il apporterait
des ajustements au programme de garderies étatisées à
5 $ mis en place récemment par les péquistes.
Devant les hauts cris de parents consternés à l'idée
qu'ils n'allaient plus pouvoir bénéficier des fruits de la
« solidarité collective »
pour payer les frais de garde de leur précieuse progéniture,
le PLQ s'est vite ravisé et a promis de conserver le programme avec
seulement certaines améliorations.
Il y a pas de doute que ces pressions vont s'intensifier, aussi bien de
la part des groupes de pression qui se sentent menacés, dans les
médias et au sein même du parti libéral. Bref, avant
de savoir si Jean Charest tiendra ses promesses s'il est élu, il
sera intéressant de voir s'il pourra tenir le même discours
d'ici le soir des élections.
Le Québec libre des
nationalo-étatistes
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« Après avoir pris ainsi
tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir
pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur
la société tout entière; il en couvre la surface d'un
réseau de petites règles compliquées, minutieuses
et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux
et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser
la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les
plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse
à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche
de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il
énerve, il éteint, il hébète, et il réduit
enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux
timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »
Alexis de Tocqueville
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
(1840) |
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