Montréal, le 24 octobre 1998
Numéro 23
 
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     « Do not handicap your children by making their lives easy. »  
   
Robert Heinlein
  
  
  
  
  
 
 
 
 
 
 
 
 BILLET
  
ÉTUDIANT, POIL AUX DENTS
  
par Brigitte Pellerin
  
 
          Au chapitre des manifestations-dont-tout-le-monde-se-fiche, il y en a une qui a, malgré tout, retenu mon attention. Peut-être parce qu'il s'agit de ma « gang », peut-être parce que j'étais particulièrement de bonne humeur cette journée-là; aucune idée.  
  
          Mais je l'ai remarquée, ça oui.  
  
          Il s'agissait d'une autre montée de lait, supposément nationwide, organisée cette fois par les étudiants universitaires. Les jeunots se sont révoltés, mais tout le monde les a ignorés. Sans doute un manque d'expérience; les étudiants qui font sentir leur présence, ces temps-ci, sont préoccupés par le poivre de la GRC et le harcèlement sexuel.  
  
          Et j'essayais désespérément, dans cette chronique, de parler d'autre chose. 
 
          C'est drôle qu'ils aient choisi cette semaine particulière, alors que les lycéens français manifestaient eux aussi. À Paris cependant, le cri d'alarme sonnait plutôt comme « on veut plus de professeurs ». D'ailleurs, les lycéens semblaient vouloir insister sur le fait que oui, ils veulent étudier et que oui, ils ont la qualité de l'éducation à coeur. 
Qualité vs coûts 
  
          Ici? Sais pas. La qualité de l'éducation n'était pas sur les pancartes. Ce qui y était, par contre, c'est l'interminable et redondante litanie contre les frais de scolarité et les dettes monstrueuses qui attendent les diplômés à leur sortie de la grande école. 
  
          D'abord, une chose. Les frais de scolarité, au Québec, sont les plus bas en Amérique du Nord. Rentrez-vous ça dans la citrouille (que voulez-vous, c'est le mois d'octobre) et cessez de nous faire suer pour 3000 $ par année. Il faut savoir être décent, quand même. 
  
          Ensuite, les prêts et bourses. Je sais, c'est plate. Moi aussi, je rembourse mes prêts. Ben oui, j'aurais aimé mieux ne rien payer du tout – vous en connaissez beaucoup, vous, qui cracheraient au visage du Père Noël? 
  
          Sauf que... il n'y a rien de gratuit, dans la vie. Et heureusement, d'ailleurs. Parce que quand on a tout bien rôti dans le bec, on devient gâté et on n'est plus capable d'apprécier ce qu'on a. Le résultat, vous le voyez comme moi tous les jours aux bulletins de nouvelles. Il prend la forme de blocages d'autoroutes par une porcherie entière, de défilés qui bloquent le centre-ville pendant des heures et qui coûtent une fortune en salaires de policiers. 
  
          Et qui sait, peut-être que la qualité de l'éducation est inversement proportionnelle aux frais de scolarité?... Je m'explique. 
  
          Qu'arrive-t-il quand les frais de scolarité sont à un niveau « normal », c'est-à-dire quand les étudiants doivent payer à peu près ce que ça coûte à l'institution pour les garder occupés toute l'année? 
  
          Ben oui, il s'opère ce qu'on appelle élégamment une sélection. Le contingentement par l'argent, si vous préférez les rimettes. Autrement dit, on va à l'université pour y étudier et on s'y met sérieusement parce que pour gaspiller bêtement des sous, il faut être 1) con comme un balai ou 2) assez riche pour s'en contrebalancer. 
  
          J'entends d'ici les cris de révolte: « C'est ça, toujours les riches » ... et gnagnagna. 
  
Qui veut peut 
  
          Personne n'empêchera ceux qui en ont les moyens de se payer ce qu'ils veulent – et ça vaut également, sans vouloir sortir de mon sujet, pour les soins de santé comme pour les chars de l'année. 
  
          Et personne ne permettra que des jeunes, bourrés de talent mais dont les ressources sont limitées, soient privés d'éducation. Quand on est bon, il se trouve toujours quelqu'un pour aider à ouvrir les portes. Les bourses d'excellence, au cas où vous l'auriez perdu de vue, servent précisément à cela. Mais remarquez l'appellation: bourses D'EXCELLENCE. 
  
          Les autres? Ceux qui ne se grouillent pas assez le derrière et qui se traînent d'un programme à l'autre seulement pour retarder le moment où ils devront aller jouer dans le trafic? De deux choses l'une: ou bien ils se branchent et se mettent sérieusement au boulot, ou bien ils retournent chez leur mère et se trouvent quelque chose à faire de leurs dix doigts. On ne va quand même pas s'enfarger dans des considérations humanitaires, s'agissant de jeunes dans la vingtaine, pétants de santé. Un grand coup de pied là où il faut, je le répète souvent, ça ne fait jamais de tort. 
  
          Que les touristes dégagent un peu, et ça laissera plus de place aux gens sérieux. Quand on n'a pas envie d'étudier, on ne devrait pas être à l'école. De la même façon qu'on ne devrait jamais ouvrir la bouche quand on n'a rien à dire. 
  
          Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Mark Twain: « It is better to keep your mouth shut and appear stupid than to open it and remove all doubts. » Et vlan.  
  
 
 
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