Montréal,
le 7 novembre 1998 |
Numéro
24
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MOT POUR MOT
LUCIEN McCARTHY
Depuis trente ans, l'élite nationalo-étatiste qui nous gouverne
ne cesse de nous répéter qu'il n'y a qu'une façon
légitime d'être Québécois, soit d'être
nationaliste et d'accepter que la bureaucratie provinciale mette sa grosse
patte sur tout ce qui bouge. Libéraux comme péquistes, fédéralistes
tout autant que séparatistes, ont partagé ce dogme. Depuis
que Jean Charest a osé un tant soit peu le remettre en question
en proposant de réduire l'interventionnisme étatique, la
campagne électorale a pris des allures de véritable chasse
aux sorcières, le grand prêtre Lucien Bouchard insinuant de
façon plus ou moins subtile que le chef libéral n'est pas
un vrai Québécois.
Nos nationalistes sont les fidèles héritiers du sénateur
Joseph McCarthy, qui dénonçait comme unAmerican dans
les années 1950 quiconque était soupçonné d'avoir
des idées un peu trop à gauche. Ici, on est antiquébécois
lorsqu'on rejette les dogmes nationalo-étatistes, ou lorsqu'on n'est
pas tout à fait pure laine. Lors du référendum de
1980, Saint René avait fait allusion au Elliot dans le nom de Pierre
Elliot Trudeau, pour montrer que celui-ci était en réalité
un étranger à la solde du reste du pays. Dans le même
esprit xénophobe, la députée bloquiste Suzanne Tremblay
a tenté plus récemment de faire du millage en dévoilant
que Jean Charest (dont la mère est aussi d'origine irlandaise) s'appelait
en fait John sur son acte de naissance. Et c'est sans compter la liste
interminable de commentaires anti-anglais qui passeraient pour du racisme
dans d'autres sociétés, mais qui sont considérés
comme acceptables ici parce qu'ils s'agit supposément de la lutte
d'une « majorité opprimée »
contre une « minorité dominante ».
Le premier ministre a maintenant décidé, au nom de nous tous
et grâce à sa connexion mystique directe avec la conscience
collective du peuple, qu'un État interventionniste – et notamment
l'existence de la Société générale de financement
(SGF) – faisait partie de l'identité québécoise d'une
manière indélébile. C'est ce qu'il appelle «
le modèle québécois », comme
s'il s'agissait là de quelque chose d'original. S'y opposer implique
donc qu'on rejette l'identité québécoise et qu'on
n'aime pas le Québec. Jean Charest veut réduire les fonds
publics alloués à la SGF et réduire le rôle
de l'État, ergo, il n'aime pas le Québec. Nous sommes
devenus une société à idéologie – pas encore
à parti – unique. Le Québec ne peut être qu'un État
socialiste, et ceux qui ne sont pas d'accord refusent le Québec.
Voici ce qu'il a dit, mot pour mot: |
« Le chef libéral, au fond, c'est l'homme du
refus du Québec. Jean Charest n'aime pas le Québec, tel qu'il
est dans son identité profonde. Jean Charest voudrait d'un Québec
qui se donnerait des outils collectifs réduits de 30%, qui trouve
que l'État du Québec, lui, ça intervient trop, que
ça en fait trop pour le peuple, et qu'il est trop présent
dans les interventions que nous faisons pour protéger ce que nous
sommes. »
« Quelqu'un qui trouve que le Québec n'est pas
ce qu'il devrait être quand il se différencie des autres,
qui cherche à modifier le modèle québécois
dans ses éléments les plus essentiels qui sont la compassion,
la concertation, l'intervention de l'État pour animer l'économie.
Oui, c'est ce que je dis depuis le début de la campagne. »
« Il veut faire du Québec un État passif
qui va assister impuissant aux décisions économiques qui
se prennent, qui va même détruire certains outils qui expliquent
la montée du Québec, sa résurgence, l’élan
qu’il a pris depuis 25 ans et pour devenir la quinzième puissance
économique du monde. Je ne comprends pas quelqu’un qui veuille détruire
ce modèle québécois. Il combat la SGF constamment.
Il y a là plus qu’une question économique, il y a plus qu’une
vision du développement de l’économie. Il y a le refus de
ce qui différencie le Québec des autres. »
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