Montréal, le 6 mars 1999
Numéro 32
 
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Groupe de Lisbonne 
(sous la direction de 
Riccardo Petrella) 

Limites à la compétitivité 

Boréal (Canada), Labor (Belgique) et La Découverte (France), 1995 
 
 
 
 
 

 
LECTURE INACTUELLE
 
LE PESSIMISME SUBVENTIONNÉ
  
par Thibaut André
  
  
          Rien de neuf sous le soleil, mais il est parfois utile de revenir quelques années en arrière pour se rendre compte des propos fantasmagoriques de certains auteurs politico-économiques qui, s'ils m'ont foutu une trouille bleue en ce temps-là, pauvre petit gauchiste incrédule que j'étais, n'ont rien perdu de leur verbe cafardeux, regrettant la chute des États-providence dont ils font encore l'éloge.  
  
          Dans leur recueil Limites à la compétitivité, sur 225 pages, c'est seulement trois lignes que Petrella and co. consacrent aux dilapidations financières et aux attitudes guignolesques des dirigeants des Welfare States vis-à-vis des lois du marché et de l'économie mondiale. Et encore! Ces trois pauvres lignes sont tournées d'une telle manière qu'elles émanent de la bouche des méchants capitalistes et entrepreneurs, trop contents d'avoir un argument sordide à jeter à la face des gentils humanistes et du petit peuple. Pire même! Ces accusations seraient non fondées puisque le Groupe de Lisbonne ne semble pas vouloir admettre que les entreprises privées sont plus efficaces et rentables que les entreprises nationales. 
 
 
          Toutefois, ils admettent une chose: l'entreprise privée s'est de plus en plus diversifiée et intégrée dans le paysage mondial via les processus de régionalisation, d'internationalisation et enfin de mondialisation. Petrella et ses amis trouvent donc normal que, si ces entreprises reçoivent scandaleusement toutes sortes de stimulants et avantages fiscaux (sur ce point là, les libertariens seront d'accord de dire que c'est scandaleux) et croissent à l'échelle mondiale, il est normal que, devant une telle menace pour l'environnement et les pays les plus démunis, l'on mette en place une forme de gouverne mondiale à caractère coopératif.  
  
          De nouveaux fonctionnaires, quoi. Quelques clones surpayés de Kofi Annan en plus pour montrer leur impuissance devant le monde entier lorsqu'un menteur mal baisé décide de bombarder un peuple déjà opprimé par un dictateur. Sans parler de son faux-cul d'homologue britannique qui lui emboîte le pas pour des raisons que l'on ne tardera pas à découvrir. 
    
Perte de compétitivité... 
 
          Venons-en maintenant au thème principal du livre: la compétitivité est en train de mener le monde à sa perte! Ce qui sous-entend l'idée que le monde triadique (Europe de l'ouest, Japon et Amérique du nord) est responsable du largage des pays les plus démunis qui, depuis des années, sont vidés de leurs richesses, comme le pétrole au Moyen-Orient par exemple, afin de satisfaire les économies développées.  
  
          Pas une seule fois il ne vient à l'esprit de nos pseudo-économistes en herbe de s'interroger si cela ne serait pas dû à la conception très restreinte que ces peuplades ont des libertés individuelles et de la tolérance. Alors que Petrella prône le redistributionnisme, il n'a apparemment pas encore compris que l'élite du monde arabe lui rirait au nez s'il se pointait avec ses beaux concepts de partage des richesses et ainsi de suite. Son idée de gouvernement mondial interventionniste les ferait mourir de rire…sauf s'il utilisait la force. 
  
          Et c'est là que je veux vraiment en venir: on sent un scénario version revival de la Ferme des animaux de George Orwell (plus que jamais à la mode ces temps-ci). Maintenant que l'on croit avoir vu les pires abominations avec, entre autres, Staline, Hitler et Pol Pot, il est temps de considérer le trotskisme comme alternative, lui donner un visage humain en diabolisant les idéaux libéraux et passer à l'action. 
  
          Certes il existe des statistiques accablantes dans le monde en ce qui concerne l'écologie et la satisfaction des besoins fondamentaux pour tout être humain. Je reconnais que ces statistiques sont brillamment développées tout au long du livre, surtout lorsque il est fait état des énormes cartels en tous genres entres les grosses entreprises, les forces politiques et les syndicats dans certains pays. Mais là où nous libertariens exigerions la déréglementation des marchés et le retrait des pouvoirs publics de la vie économique (gel de l'embauche des fonctionnaires pour cinq ans pour commencer), Riccardo Petrella et ses copains en appellent à plus de contrôles et se permettent d'invoquer le privilège de s'ingérer dans les affaires de n'importe quel pays au détriment de la souveraineté de ce dernier.  
  
          C'est exactement ce qui se passe en Europe maintenant. Voici un exemple éloquent: dans le Schéma de Développement Économique Régional (le SDER, document imbuvable dont la version raccourcie fait 225 pages et que les citoyens peuvent consulter à leur bon gré. Qui ira lire cela?) que les serfs de la technocratie européenne ont publié et que leurs pontes ont validé, on retrouve cette perte d'intégrité territoriale et cette volonté planificatrice de passer outre les constitutions des États représentés. Alors que le dialogue doit se faire entre les gens libres, les pouvoirs publics tiennent toujours le crachoir et sont à la fois juge et partie.  
    
Larbin à la solde de l'État 
 
          Le Groupe de Lisbonne dénonce avec brio ces minables attitudes corporatistes, mais il n'a rien de mieux à nous proposer que la constitution d'un gouvernement mondial où, Ô contradiction des contradictions, les entreprises acceptant de se plier servilement aux exigences de ce gouvernement et œuvrant dès lors dans un cadre coopératif se verront attribuer stimulants et avantages fiscaux, une image de do-gooders, etc. Bref, la parfaite panoplie du larbin à la solde de l'État. On croit rêver. 
  
          De plus, est-il encore utile de citer les multiples facettes, définitions, sensibilités qui se dégagent du mot « coopération »? Surtout lorsque l'on traite avec des représentants de l'État élus démocratiquement ou non. Que dire du mot « culture »? Il ne rime pas avec « subside », mais il est effarant de voir le lien étroit que ces deux mots entretiennent au fil des pages.  
  
          En résumé, même si le livre regroupe des analyses et arguments pertinents, il n'en demeure pas moins des plus malsains à travers l'orientation qu'il prétend vouloir donner au monde. Rien que dans l'emploi des temps (conjugaison), il m'a été choquant de constater que c'est le futur simple qui prend le dessus sur le conditionnel au fur et à mesure que l'on avance dans sa lecture. Le Groupe prend de l'assurance et fait fi des aspirations des autres bien qu'il pense agir à des fins humanistes et humanitaires. 
   
          En psychologie, dixit ma tendre moitié, il n'y a pas de lapsus, seulement des actes manqués, des réflexes auto-conditionnés par une activité cérébrale intense et secrète et qui surgissent de manière inattendue et maladroite. Des réflexes de jeune dictateur dans ce cas-ci. 
  
          Et pour terminer, mes amis canadiens seront certainement heureux d'apprendre que le Québec, du moins ses institutions publiques qui prétendent parler au nom de tout le monde, a tenu à participer à cette publication-propagande en prenant les frais de traduction à sa charge. Pardon, à la charge des contribuables québécois. Si le QL avait déjà été mis sur la toile en cette année, Petrella et ses lascars auraient indubitablement raflé tout les prix « Béquille » la même semaine. 
 
 
 
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