En tant que femmes et individus, nous proclamons haut et fort notre opposition
au contrôle des armes et à la diatribe sexiste et méprisante
de Pierrette Venne dans Le Devoir du 6 février. Tout d'abord,
les objections aux lois prohibitionnistes en vigueur au Canada ne sont
pas l'affaire de « quelques membres du “sexe fort” en
excès de testostérone ». Ensuite, comme
elle le soutient également, si l'objectif fondamental de C-68 est
la protection du public, cette loi rate complètement la cible.
Contrairement à ce que Mme Venne avance, la libéralisation
du port d'armes n'engendrerait pas une société où
régnerait une mentalité de cow-boys. Au contraire, dans les
31 États américains où le port d'armes est maintenant
légal, seuls 2% à 5% des citoyens éligibles choisissent
de demander un permis. Ce petit nombre de citoyens armés, pas plus
irresponsables ou incapables que les politiciennes qu'ils élisent,
suffit à exercer une dissuasion importante sur les criminels violents.
Par exemple, au Vermont, tout citoyen adulte qui n'a pas été
reconnu coupable d'un crime a le droit de porter une arme dissimulée
sans autorisation administrative. Plusieurs Canadiens auront remarqué
que les gens ne s'entre-tuent pas dans les rues de cet État plutôt
paisible. Plus généralement, les taux de crimes violents
sont 81% plus élevés dans les États américains
où le port d'arme est réglementé plus sévèrement.
1 500 meurtres et 4 000 viols
de moins
Comme d'autres avant lui, l'économiste John Lott montre dans une
étude économétrique majeure (More Guns, Less Crime,
Chicago, University of Chicago Press, 1998) que la disponibilité
des armes à feu entraîne beaucoup moins d'accidents qu'il
prévient de crimes. Il semble également que la disponibilité
des armes n'a pas d'incidence sur les taux de suicide. Si les gens, les
jeunes notamment, n'ont pas accès à une arme pour s'enlever
la vie, ils utiliseront un autre moyen pour se suicider – la pendaison
par exemple. Pour illustrer ce fait, nul besoin de se référer
à quelque étude américaine, puisque des fonctionnaires
du Conseil permanent de la jeunesse l'ont brillamment illustré,
sans le vouloir ni s'en rendre compte, dans un rapport de recherche intitulé
Le point sur la délinquance et le suicide chez les jeunes
(Québec, 1995).
L'étude de Lott nous apprend également que, si le port d'arme
avait été libéralisé partout aux États-Unis
en 1992, quelque 1 500 meurtres et 4 000 viols
auraient été évités cette année-là.
Voilà qui est intéressant. En général, les
règlements restreignant le port d'armes desservent principalement
les personnes les plus vulnérables à la violence et les moins
en mesure de se défendre en combat corps à corps, notamment
les femmes et les personnes âgées.
Paradoxalement, pour notre sécurité nous dit-on, les élus
s'acharnent à dépouiller les honnêtes citoyens de leur
droit de légitime défense. (Précisons que la légitime
défense ne signifie pas le droit de se faire justice à soi-même
après le fait.) Les lois canadiennes ont atteint un tel degré
de ridicule en ce domaine qu'il est interdit à quiconque de posséder
une bonbonne de poivre de Cayenne pour se protéger contre un agresseur
humain, sous prétexte que ce petit appareil pourrait être
utilisé pour commettre des actes criminels. Ce moyen de défense
relativement inoffensif constitue une « arme prohibée
» au sens de la loi au Canada depuis plus de vingt ans. Par
contre, la GRC l'utilise allègrement pour disperser des manifestants.
Le droit à la légitime défense
Que faire quand on est une femme et que l'on craint pour sa sécurité
ou pour celle de ses enfants? Va-t-on assigner un garde du corps à
chaque femme qui en fait la demande? Bien sûr que non. Que faire
lorsque notre travail nous oblige à circuler tard la nuit? En sécurité
dans un Parlement bien gardé, les députés comme Mme
Venne s'attendent-ils à ce que les femmes s'arment de rouleaux à
pâte? Devrait-on se résigner à se laisser violer avec
le sourire?
Même si la loi le permettait, ce ne sont pas toutes les femmes qui
choisiraient de porter un revolver dans leur sac à main ou d'en
garder un dans leur table de chevet. À chacune de décider
si elle se sent menacée au point de prendre une telle mesure pour
assurer sa sécurité. Une chose est certaine toutefois: malgré
toutes les lois et tous les contrôles, une femme ne pourra jamais
compter sur l'État et sa police pour se protéger d'un prédateur
sexuel qui l'attaque dans un parking souterrain ou d'un ex-conjoint violent
qui entre chez elle armé d'un couteau de cuisine.
Les femmes sont tout à fait compétentes pour assurer leur
légitime défense, pourvu que la loi ne les transforme pas
en criminelles si elles emploient des moyens efficaces à cette fin.
Au Canada, c'est depuis les contrôles des armes de 1977 et de 1991
que nous avons perdu ce droit. Pourtant, contrairement aux mythes en vogue,
des études criminologiques démontrent que l'autodéfense
avec une arme à feu est efficace (voir par exemple Carol Ruth Silver
and Don B. Kates, « Self-defense, Handgun Ownership, and the Independence
of Women in a Violent, Sexist Society » in Don B. Kates, Restricting
Handguns. The Liberal Skeptics Speak Out, North River Press, 1979).
Il est inacceptable que des bien-pensants qui se sont donné le monopole
de la vérité dépouillent hommes et femmes de leur
dignité en même temps que de leur droit de légitime
défense – qu'ils l'exercent en pratiquant le kung-fu, en s'armant
d'un revolver ou d'une bonbonne de poivre de Cayenne selon ce qu'ils jugent
approprié pour assurer leur sécurité dans des circonstances
qu'eux seuls connaissent et comprennent.
Articles précédents
de Claire Joly
LA RÉPLIQUE DE LA
DÉPUTÉE:
(...)
RICHARD DESMARAIS (animateur):
La députée bloquiste Pierrette Venne est en ligne avec nous.
Madame Venne bonjour.
PIERRETTE VENNE: Bonjour.
RICHARD DESMARAIS: Êtes-vous
un peu surprise de ces réactions?
PIERRETTE VENNE: C'est-à-dire
qu'effectivement, lorsque j'ai lu l'article, et que j'ai regardé
surtout le nom des auteures... que j'ai vu que c'était des femmes,
j'ai été éffectivement surprise, parce qu'on sait
que dans la population en général les femmes sont pour le
contrôle des armes à feu.
RICHARD DESMARAIS: C'est
ça. Alors les femmes sont pour, ça semblait une idée
politiquement facile à véhiculer,
vous étiez pour vous aussi. Et puis là vous voyez qu'il y
a une espèce de tendance un peu contraire?
PIERRETTE VENNE:
C'est pas parce que c'est une idée facile
à véhiculer, c'est parce que je suis concernée par
la chose, que j'ai moi-même des armes à feu et que je vais
moi-même à la chasse. Ceci étant dit, j'ai regardé
qui étaient ces personnes-là parce que ça m'a intriguée.
Et il y en a une, entre autres, qui mentionne qu'elle a un site... un cybermagazine.
Alors je suis allée voir dans ce cybermagazine et j'ai constaté
que le directeur de ce magazine était un dénommé Martin
Masse, qui est un réformiste qui s'est présenté aux
dernières élections partielles en mars 96 ici au Québec,
qui a travaillé pour le Parti réformiste... Alors on voit
un peu, là...
(NDLR: Martin Masse n'est plus impliqué
au Parti réformiste depuis avril 1997. Voir sa Page
du directeur)
RICHARD DESMARAIS: La
tendance.
PIERRETTE VENNE: ...la
tendance effectivement. Parce que quand je lisais l'article, je me suis
dis: “c'est du National Riffle Association ça, tout cru”.
Et effectivement, c'est ce qu'on constate en allant voir le site internet.
Et puis aussi, dans ce... dans les collaborateurs de ce fameux cybermagazine,
il y a un dénommé Lemieux qui, évidemment, tire à
peu près sur tout ce qui bouge. Chaque fois qu'on parle d'armes
à feu, il est toujours là. Il a même écrit un
livre là-dessus.
Alors, j'ai donc compris d'où venaient
ces femmes-là. Et j'ai eu l'impression qu'on les utilisait, pour
me répondre, plutôt que ces mâles-là me répondent
directement. J'ai eu l'impression que les gars avaient peur de me répondre
parce que ça paraissait moins bien. Alors, ils ont utilisé
des femmes. Et je vous dis honnêtement, ça m'est déjà
arrivé en politique de me faire utiliser par des hommes et je sais
exactement le prix qu'on en a à payer. Alors, si c'est le cas, je
serais un peu gênée.
(...)
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