Montréal, le 1er mai 1999
Numéro 36
 
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COURRIER DES LECTEURS
  
DE QUÉBEC LIBRE
À QUÉBÉCOIS LIBRE
  
   
Bonjour, 
  
          Je viens tout juste de prendre connaissance du numéro 35 de votre journal « libertarien », Le Québécois Libre et, malgré mes 54 ans « bien sonnés », j'ai toujours prôné un esprit assez libertaire, même si je respecte fondamentalement ce que l'on peut appeler « l'ordre civil », si je puis m'exprimer ainsi.   
  
          J'ai toujours favorisé et utilisé la (ma) liberté d'expression, sous toutes les formes. Et d'ailleurs, en avril 1964 (j'avais alors 19 ans), j'ai goûté aux cellules du quartier général de la Police de Montréal, parce que j'avais alors osé exprimer mes convictions, en vendant, au coin des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent un journal d'opinion qui s'appelait Québec Libre. J'étais, aux yeux des autorités civiles et policières de cette époque (qui n'est pourtant pas si lointaine!), un « dangereux » et « méchant séparatiss ... » qu'il fallait baîllonner. 
  
          Remarquez que je suis encore un « méchant séparatiss ... » et que je défends encore et toujours l'idée de l'indépendance (vis-à-vis du Canada, évidemment!) politique totale du Québec (comme mon père, d'ailleurs, qui fait figure d'illuminé et de marginal, au sein de sa génération!). 
  
          M'enfin, on pourrait débattre longtemps de cette question, n'est-ce pas? 
  
          Merci et... salutations. 
  
Jacques Poirier
 
 
LITTLETON ET
LE CONTRÔLE DES ARMES
  
  
          Aux USA vient de se dérouler une nouvelle tuerie: 14 enfants et un adulte sont morts, parmi eux les deux assassins qui se sont donnés la mort. Ces 13 meutres ont été commis avec des armes à feu: fusil à canon scié, arme automatique 9mm... Il semble pourtant que le Colorado interdise de telles armes.  
  
          Pourquoi donc y a-t-il eu ce massacre? Parce ce que contrairement à l'idée largement répandue selon laquelle l'arme tue, c'est le CRIMINEL qui tue. 
  
          Un criminel, par définition, enfreint la loi. S'il décide de voler, violer, ou tuer, la loi ne l'en empêche jamais. Un homme déterminé parvient à ses fins lorsqu'il n'a pas de regard pour les tords qu'il peut infliger aux autres. Dès lors, le contrôle des armes en tant qu'instrument de lutte contre le crime est illusoire. 
  
          Et il faut définir aussi où s'arrête le mot « arme ». Il suffit de deux mains pour tuer n'importe quel être humain: serrer fort au niveau de la gorge, coupez l'oxygène, et voilà! Mais il y a aussi les cuisines et les lots de couteaux. Et les garages où sont alignés entre deux rangées de tournevis une hache et une pelle. Magnifiques instruments de mort pour celui qui veut en user! 
  
          S'il faut déterminer qui peut ou non posséder une arme, cela conduit d'abord à dire que soi-même est capable (principe du socialisme selon Rothbard, je le répète sans cesse tant il est évident tous les jours: « le socialiste refuse pour lui-même ce qu'il impose aux autres »). C'est donc prendre les gens pour des cons! 
  
          Si c'est l'arme qui fait le criminel, il va falloir enlever les armes à toutes les forces armées, qu'elles soient police ou de défense. Comment tolérer que des criminels se balladent ainsi en toute liberté? Les arguments des anti-armes sont non recevables sur le plan logique, et impliquent une vision du monde dont ils s'excluent eux-mêmes. 
  
          Si l'on regarde les chiffres que produit l'étude de Lohn Lott, More guns, less crime (University Press of Chicago, 1998), on comprend que, en plus d'être vaine, la quête des prohibitionnistes éloigne en fait les auteurs du but recherché. Plus les armes sont présentes parmi la population en général, moins les criminels le sont. 
  
          Ici, en France, les armes sont interdites depuis 1940 environ. Elles l'ont été par le gouvernement de Vichy, collaborateur des criminels nazis. Même si la réglementation a été lâche, elle devient de plus en plus tatillonne, et il est en pratique aujourd'hui très difficile d'avoir une arme à feu, à fortiori un fusil à pompe. Quant aux automatiques, ils n'existent virtuellement plus. Pourtant, on continue à mourir sous les coups des assassins. Par balles, mais aussi au couteau. À la hache. Et ceux qui veulent se procurer des armes trouvent.  
  
          Parce qu'a chaque interdit correspond un trafic. Une demande génère presque toujours une offre dans un marché libre. Et le marché noir, c'est un marché libre. Quant aux honnêtes citoyens, ici comme ailleurs, ils ferment bien leur porte le soir. 
  
  
Hervé Duray
France
 
 


 
 
 LE QL DÉMAGOGIQUE
  
  
Bonjour Monsieur Masse, 
  
          (...) Vous écrivez dans le dernier QL: « le mouvement libertarien se construira petit à petit, en convaincant une personne à la fois » (cf. L'AVENIR DU MOUVEMENT LIBERTARIEN AU QUÉBEC, le QL no 35). Faut surtout pas débattre, douter, argumenter et s'autocritiquer. Faut plutôt convaincre. Chercher à convaincre. Comme s'il fallait établir une stratégie militaire pour conquérir le cerveau des gens. Fuck les idées, fuck le rationnalisme, fuck la vulgarisation scientifique et vive les idéologies et la propagande! Dans ce temps-là on sort des argumentations vides de sens comme citées plus haut. On ne dit rien. On ne fait qu'essayer de convaincre. Et on crée des think-tanks, ces chars d'assauts de la pensée canon pour BS de l'esprit. 
  
          Et Dieu Marché dictera tout. Et l'IEDM sucera son Dieu. De vrais petits curés. Et vous parlez de soumission? de suiveux et de moutons? Je me tiens les côtes. Vous brillez. En fait, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'être de gauche pour s'opposer à beaucoup de vos idées. Moi aussi je crois à la liberté individuelle, et j'admire l'intérêt que vous portez à la défense pour la liberté d'expression. Par contre ce que j'admire beaucoup moins c'est cette sorte de renouveau du McCarthyism dans votre genre, qui crachez sur toutes les  idées de gauche, car elles sont..... de gauche. Votre Papa a donc raison, car le Marché n'aime pas la gauche. Vous me faites étrangement penser à Gilles Proulx et Arthur qui exacerbent le chauvinisme des masses: se battre, compétitionner, être un « winner ». Donner le « meilleur de soi-même », gagner son pain à la sueur de son front. La discipline. Quelles conneries pour « losers ». J'appelle ça être un esclave et un suiveux même, par-dessus le marché! « Ni Dieu, ni maître », vous connaissez? 
  
          Moi aussi je n'adhère pas à plusieurs idées de la gauche et de la droite, de la même façon que je n'adhère pas à ces pouvoirs autoritaires illégitimes et à leurs novlangues. Comme maintenant: le marché et ses multinationales. Des tyrannies dans les États tyranniques. C'est super! 
  
          N'est-ce pas Ray Kroc, fondateur de McDonald's et grand libertarien devant Milton Friedman qui a déjà dit: « We cannot trust some people who are nonconformists. We will make conformists out of them in a hurry.... The organization cannot trust the individual; the individual must trust the organization.... » 
  
          Ou Reagan, votre grand héros: « I don't believe in facts. » Fabuleux comme dirait mon pote. Dites-moi: Comment quelqu'un qui réfléchit un tant soit peu peut-il avancer que c'est super qu'Oskar Lafontaine ait démissioné grâce aux pression des affairistes, alors qu'il avait été élu démocratiquement? Et Moody's, le FMI, la Banque Mondiale, l'OMC, sont-elles des institutions démocratiques? Nous rendent-elles des comptes? Pourquoi nous cachent-elles leurs ententes secrètes, du genre Société du Mont-Pèlerin. Citons votre gourou Hayek, que l'IEDM honorera bientôt: « J'admets que le fonctionnement du capitalisme est sans rapport avec une quelconque notion de justice. » Bravo. Il insistera aussi sur l'impératif pour les personnes de « vouloir se soumettre à la discipline constituée par la morale commerciale ». Il a développé ces thèmes dans « L'impératif moral du marché » C'est donc affirmer que la soumission est une condition du fonctionnement inégalitaire du système capitaliste, non?  
  
          En tout cas. Je ne souhaite pas la disparition du QL pour ça. Souvent j'y trouve de bonnes choses, mais souvent je trouve que ça tombe dans la démagogie. Enfin, je crois vraiment qu'il y a pire que vous. 
  
          Salutations sincères, 
 
Benoit Foisy
Montréal
 
 
 
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