LE SEXE MADE IN CANADA
When authorities warn you
of the sinfulness of sex,
there is an important lesson
to be learned:
Do not have sex with the
authorities.
“Basic Sex Facts For Today's
Youngfolk”
Matt Groening
Voilà que l'ONU place le Canada au premier rang des pays où
il fait bon vivre, et ce pour une sixième année consécutive.
Mais outre la réputation du Canada en tant que leader du développement
humain, la démocratie et les droits et libertés ne fleurissent
pas pour tous ses citoyens. Et cette brèche dans l'idéal
canadien est fort décevante et en laisse plusieurs perplexes.
Quelques jours ont passé entre la publication du classement onusien
et le dépôt du jugement de la cour municipale de Montréal
concernant le club dit « échangiste » L'orage. La juge
présidant l'audience en est allée dans sa condamnation de
propos fort surprenants. En trouvant le propriétaire du dit club
coupable d'avoir tenu une maison de débauche, Mme la juge déclara
que la société canadienne ne tolérait pas de telles
pratiques (dites indécentes), que ces mêmes pratiques allaient
jusqu'à rendre la sexualité un geste anti-social. Les esprits
taquins pourraient rétorquer qu'une orgie ne peut qu'être
une activité sociale!
Mais trêve de sarcasme, de tels propos tenus par un membre de la
magistrature soi-disant gardienne des valeurs de la société
pose un grave problème. Nonobstant tous les détails juridiques
concernant la nature du lieu, qu'il ait été public ou privé,
le débat qui ressort d'un tel jugement ne peut être que dommageable
à l'intégrité de la Charte des droits et libertés
et à la réputation démocratique et tolérante
du Canada, à moins qu'une décision ultérieure d'un
tribunal plus élevé vienne à rendre caduc le jugement
en question.
Pas d'affaire dans nos chambres à coucher
Avant même la Charte, lorsque Pierre Trudeau introduisit son bill
omnibus (1969) décriminalisant l'homosexualité, il tint des
propos selon lesquels l'État n'avait pas d'affaire dans la chambre
à coucher des gens. S'il en est ainsi pour l'orientation sexuelle,
il devrait en être de même pour le nombre de gens qui peuvent
se trouver dans une même chambre, pourvu qu'ils soient majeurs et
consentants. Si la Cour suprême ne va pas jusqu'à tenir une
telle position, elle se trouvera à exposer en quelque sorte une
grave défaillance de la Charte. En effet, l'individu pourrait en
subir un important préjudice. La Charte, elle, ferait la preuve
de son inefficacité.
En se faisant garants de la morale et des valeurs de la société,
les tribunaux, interprétant une Charte que l'on dit au coeur du
nationalisme canadien, errent, tout comme les politiciens s'ils ne légiféraient
pas pour rectifier le tir, en abondant dans une direction qui semble à
tout le moins contrevenir à l'idée même de protection
des droits et libertés individuels. Comment la magistrature peut-elle,
au nom d'une société qu'elle prétend représenter,
statuer sur telles et telles pratiques sexuelles qui à notre ère
sont jugées bénéfiques pour l'affirmation et le développement
de l'individu, étant de plus des pulsions internes propres à
chacun?
Il est surprenant et paradoxal de voir qu'au Canada, leader mondial quant
au développement humain et réputé pour son respect
de la démocratie et des droits et libertés de ses citoyens,
les tribunaux jugent bon de s'immiscer dans la vie privée et intime
des individus, au risque de produire d'autres malaises civilisationnels,
ou pis encore, de faire dans la sexualité dirigée. BIG
BROTHER vous regarde...
Alexandre Goulet-Trottier
Gatineau
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