Les
casinos étatiques non seulement nous protègent mais se protègent
eux aussi – contre les joueurs trop astucieux qui gagnent trop souvent.
Le casino de Montréal a en effet banni de ses tables de jeu un Américain
dont les méthodes sont trop efficaces. L'avocat qui le représente,
Me Daniel Roch, n'y va pas par quatre chemins dans sa dénonciation
de la société d'État. Voici, mot pour mot, un extrait
de ses propos à l'émission de Richard Desmarais à
CKVL il y a quelques semaines:
(...)
Richard Desmarais:
Vous avez été dans l'actualité cette semaine parce
que vous représentez ce qu'on peut appeler un gambler professionnel
que le casino de Montréal ne veut pas avoir, parce que le casino
de Montréal, ce qu'il veut avoir, c'est des gars qui perdent!
Daniel Roch: C'est
un bon résumé de la situation! En fait, mon client dans cette
affaire, M. Hyland, qui est un résident du New Jersey, est à
la tête d'un groupe – un groupe informel, là, c'est pas un
groupe structuré, il n'y a pas une corporation...
Richard Desmarais:
Une corporation des gagnants! Ha ha! Non, ça n'existe pas, mais
quand même.
Daniel Roch: C'est
l'équivalent. Alors ces gens-là, ce qu'ils font pour gagner
leur vie, c'est qu'ils vont dans les casinos, ils jouent au black jack,
et ils sont capables de compter les cartes. C'est un talent, c'est un art,
appelons ça comme on veut, mais pour eux autres c'est un gagne-pain.
Richard Desmarais:
Comme un gars qui est capable de frapper la balle droite au golf, ça
devient son gagne-pain.
Daniel Roch: Exactement,
comme un bon courtier à la bourse, on lui interdira pas le parquet
parce qu'il est meilleur que les autres. Prenez n'importe quel domaine
auquel on peut penser. Or, au casino de Montréal, il y a une section
qui est la section des hautes mises. Il y a quelque deux ans ou deux ans
et demi, on a réaménagé cette section-là de
façon à resserrer le contrôle des gens qui y ont accès.
Et maintenant on donne accès par des cartes qu'on appelle VIP. Ces
cartes sont distribuées de façon complètement arbitraire,
ce que j'en ai compris.
Richard Desmarais:
Bien moi, j'ai compris un jour qu'un assisté social en avait eu
une, parce qu'il se tenait là assez souvent...
Daniel Roch: Oui
oui oui, surtout s'il venait de booster sa carte de crédit
puis de vendre ses meubles à moitié prix pour ensuite faire
faillite pour aller tout dépenser ça au casino, je suis sûr
qu'il a été bien reçu. Ça
fait plusieurs années que j'exerce la profession et au début
de ma profession, j'ai défendu souvent des gens qui étaient
accusés de tenir des maisons de jeu. C'était illégal,
le jeu était illégal. On oublie ça facilement mais...
Richard Desmarais:
Ah, ça a été légalisé quand le gouvernement
a mis la main là-dessus. Avant ça c'était des barbottes,
aujourd'hui c'est des casinos!
Daniel Roch: Oui!
C'est ça. Avant c'était contrôlé par supposément
la pègre, et puis maintenant c'est des policiers à la retraite
qui opèrent le casino. Ça fait que c'est des beaux parallèles
intéressants. Ce que j'ai trouvé le plus choquant de tout
ça, une des raisons principales qu'on donnait pour l'intrusion de
l'État dans ce domaine-là et l'accaparation de toute cette
chose-là, c'était: écoutez, ces gens-là peuvent
se faire voler et exploiter n'importe quand parce que c'est pas contrôlé
les barbottes. Mais là maintenant, quel est le critère? Qu'est-ce
que c'est cette histoire-là d'un organisme d'État d'interdire
l'accès à son établissement à quelqu'un qui
agit honnêtement, qui ne triche pas, c'est de la discrimination à
sa face même! Mais en même temps, au point de vue éthique,
au point de vue honnêteté, qu'est-ce que ça a d'l'air,
ça? On plume le monde, et puis quand on peut pas les plumer on les
accepte pas! C'est grossier un peu!
Richard Desmarais:
Ha ha ha! C'est la vision que ça laisse en tout cas.
Daniel Roch: Mais
c'est ce que c'est, il faut appeler les choses par leur nom.
Richard Desmarais:
Et c'est basé sur quoi leur droit d'interdire? Est-ce qu'ils ont
une charte, des règlements?
Daniel Roch: Il
y en a pas, il y a rien, il n'y a rien qui leur permet d'interdire, il
n'y a pas de législation provinciale, il n'y a pas de réglementation,
en tous les cas d'après les recherches que nous avons faites. Et
même, on leur a demandé s'ils en avaient et ils ne nous en
ont pas transmis, ils n'en ont pas indiqué au public non plus. Selon
nous, il n'y en a pas. Il existe une certaine jurisprudence américaine
où des cas ont été, euh, « challengé
» en anglais, et qu'est-ce qui est survenu c'est que dans
la plupart des cas, les gamblers ont gagné d'une façon ou
d'une autre. Les casinos, à ce moment-là, prennent des manières
différentes pour affronter le problème. Ça c'est une
autre chose, on va rendre la partie plus compliquée. Ça,
écoutez, on verra à ça rendu là si jamais on
se rend là. (...)
« Ah,
ça a été légalisé quand le gouvernement
a mis la main là-dessus. Avant ça c'était des barbottes,
aujourd'hui c'est des casinos! »
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J'y suis allé à deux reprises pour bien voir les lieux, essayer
de comprendre un peu, et j'y suis allé avec des gens qui connaissent
bien le jeu pour m'expliquer comment on peut compliquer un peu la partie,
en brassant plus souvent les cartes, il y a différentes manières.
Mais c'est certainement pas en excluant les gens. Et il n'y a pas de raison
à ça, il y a pas de... Ce monsieur-là, il a eu une
carte, on lui a donné sa carte, il est entré dans la salle
des hautes mises, quelqu'un est venu le voir: « excusez-nous
Monsieur, on a fait une erreur, vous allez sortir. »
Richard Desmarais:
Vous avez pas le droit de jouer là.
Daniel Roch: C'est
ça.
Richard Desmarais:
Est-ce qu'il pourrait jouer dans d'autres aires du casino?
Daniel Roch: Oui,
oui, parce les mises sont moins élevées.
(...)
Richard Desmarais:
Est-ce que votre client est le seul à être interdit de la
sorte?
Daniel Roch: Non
non, tous les gens de son groupe.
Richard Desmarais:
Ah, tous ceux de son groupe à lui. Ils venaient jouer à Montréal
régulièrement? Est-ce que ce sont des gens qui venaient souvent?
Daniel Roch: Oui
oui, assez régulièrement. Chaque fois qu'il y en a un qui
arrive, je pense qu'ils ont un album de photos... Mais écoutez,
comme je vous dis, c'est des anciens policiers qui mènent le casino,
avoir des albums de photos...!
Richard Desmarais:
C'est assez spécial, hein, c'est une chose qu'on a pas abordé
souvent. Le casino de Montréal, c'est un ex-policier de la GRC,
le casino de l'Outaouais, c'est un ex-policier de la Sûreté
du Québec, les ex-policiers qui gèrent aujourd'hui des casinos.
Daniel Roch: C'est
dans la norme des choses parce que voyez-vous, avant ça ils combattaient
le jeu, ça fait qu'ils connaissent bien ça.
Richard Desmarais:
Ha ha!
(...) |