Montréal, le 31 juillet 1999
Numéro 42
 
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    LE QUÉBÉCOIS LIBRE  sollicite des textes d'opinion qui défendent ou contestent le point de vue libertarien sur n'importe quel sujet d'actualité. Les textes doivent avoir entre 700 et 1200 mots. Prière d'inclure votre titre ou profession et le village ou la ville où vous habitez. 
 
 
 
 

 
MOT POUR MOT
  
L'ÉTAT CROUPIER
  
 
          Il y a quelques années, la police effectuait encore des descentes dans les maisons de jeu clandestin, parce qu'elles étaient supposément tenues par des éléments criminels et que l'honnête citoyen risquait de s'y faire plumer. Aujourd'hui, on peut avoir confiance: le jeu est une industrie propre propre propre, n'est-ce pas, puisque c'est l'État qui s'en occupe avec ses loteries, ses casinos et ses bingos.   
   
          La Régie des alcools, des jeux et des courses ainsi que Loto-Québec ont tellement à coeur de protéger les intérêts des joueurs québécois qu'ils sont d'ailleurs en train de faire mourir à petit feu les bingos de sous-sol d'église tenus par des organismes communautaires (voir PRIX DU QUÉBÉCOIS LIBRE, le QL, no 32). Et, société distincte oblige, les joueurs québécois sont les seuls en Amérique du Nord (les seuls parmi 60 États et provinces!) qui ne peuvent participer aux sweepstakes à l'échelle du continent, sûrement pour nous protéger là encore des méchants fraudeurs anglo-saxons qui sévissent chez nos voisins. Le monde entier peut constater la distinction québécoise en lisant ceci dans les règlements des sweepstakes offerts sur Internet:
Official Rules For The User Survey Sweepstakes:   
NO PURCHASE NECESSARY TO ENTER OR WIN. SWEEPSTAKES IS OPEN ONLY TO LEGAL UNITED STATES RESIDENTS AND LEGAL CANADIAN RESIDENTS, EXCLUDING RESIDENTS OF QUEBEC. VOID IN QUEBEC AND WHERE PROHIBITED BY LAW. 
 
 
          Les casinos étatiques non seulement nous protègent mais se protègent eux aussi – contre les joueurs trop astucieux qui gagnent trop souvent. Le casino de Montréal a en effet banni de ses tables de jeu un Américain dont les méthodes sont trop efficaces. L'avocat qui le représente, Me Daniel Roch, n'y va pas par quatre chemins dans sa dénonciation de la société d'État. Voici, mot pour mot, un extrait de ses propos à l'émission de Richard Desmarais à CKVL il y a quelques semaines:  
  
  
(...) 
  
Richard Desmarais: Vous avez été dans l'actualité cette semaine parce que vous représentez ce qu'on peut appeler un gambler professionnel que le casino de Montréal ne veut pas avoir, parce que le casino de Montréal, ce qu'il veut avoir, c'est des gars qui perdent! 

Daniel Roch: C'est un bon résumé de la situation! En fait, mon client dans cette affaire, M. Hyland, qui est un résident du New Jersey, est à la tête d'un groupe – un groupe informel, là, c'est pas un groupe structuré, il n'y a pas une corporation... 

Richard Desmarais: Une corporation des gagnants! Ha ha! Non, ça n'existe pas, mais quand même. 

Daniel Roch: C'est l'équivalent. Alors ces gens-là, ce qu'ils font pour gagner leur vie, c'est qu'ils vont dans les casinos, ils jouent au black jack, et ils sont capables de compter les cartes. C'est un talent, c'est un art, appelons ça comme on veut, mais pour eux autres c'est un gagne-pain. 

Richard Desmarais: Comme un gars qui est capable de frapper la balle droite au golf, ça devient son gagne-pain. 

Daniel Roch: Exactement, comme un bon courtier à la bourse, on lui interdira pas le parquet parce qu'il est meilleur que les autres. Prenez n'importe quel domaine auquel on peut penser. Or, au casino de Montréal, il y a une section qui est la section des hautes mises. Il y a quelque deux ans ou deux ans et demi, on a réaménagé cette section-là de façon à resserrer le contrôle des gens qui y ont accès. Et maintenant on donne accès par des cartes qu'on appelle VIP. Ces cartes sont distribuées de façon complètement arbitraire, ce que j'en ai compris. 

Richard Desmarais: Bien moi, j'ai compris un jour qu'un assisté social en avait eu une, parce qu'il se tenait là assez souvent... 

Daniel Roch: Oui oui oui, surtout s'il venait de booster sa carte de crédit puis de vendre ses meubles à moitié prix pour ensuite faire faillite pour aller tout dépenser ça au casino, je suis sûr qu'il a été bien reçu. Ça fait plusieurs années que j'exerce la profession et au début de ma profession, j'ai défendu souvent des gens qui étaient accusés de tenir des maisons de jeu. C'était illégal, le jeu était illégal. On oublie ça facilement mais... 

Richard Desmarais: Ah, ça a été légalisé quand le gouvernement a mis la main là-dessus. Avant ça c'était des barbottes, aujourd'hui c'est des casinos! 

Daniel Roch: Oui! C'est ça. Avant c'était contrôlé par supposément la pègre, et puis maintenant c'est des policiers à la retraite qui opèrent le casino. Ça fait que c'est des beaux parallèles intéressants. Ce que j'ai trouvé le plus choquant de tout ça, une des raisons principales qu'on donnait pour l'intrusion de l'État dans ce domaine-là et l'accaparation de toute cette chose-là, c'était: écoutez, ces gens-là peuvent se faire voler et exploiter n'importe quand parce que c'est pas contrôlé les barbottes. Mais là maintenant, quel est le critère? Qu'est-ce que c'est cette histoire-là d'un organisme d'État d'interdire l'accès à son établissement à quelqu'un qui agit honnêtement, qui ne triche pas, c'est de la discrimination à sa face même! Mais en même temps, au point de vue éthique, au point de vue honnêteté, qu'est-ce que ça a d'l'air, ça? On plume le monde, et puis quand on peut pas les plumer on les accepte pas! C'est grossier un peu! 

Richard Desmarais: Ha ha ha! C'est la vision que ça laisse en tout cas. 

Daniel Roch: Mais c'est ce que c'est, il faut appeler les choses par leur nom. 

Richard Desmarais: Et c'est basé sur quoi leur droit d'interdire? Est-ce qu'ils ont une charte, des règlements? 

Daniel Roch: Il y en a pas, il y a rien, il n'y a rien qui leur permet d'interdire, il n'y a pas de législation provinciale, il n'y a pas de réglementation, en tous les cas d'après les recherches que nous avons faites. Et même, on leur a demandé s'ils en avaient et ils ne nous en ont pas transmis, ils n'en ont pas indiqué au public non plus. Selon nous, il n'y en a pas. Il existe une certaine jurisprudence américaine où des cas ont été, euh, « challengé » en anglais, et qu'est-ce qui est survenu c'est que dans la plupart des cas, les gamblers ont gagné d'une façon ou d'une autre. Les casinos, à ce moment-là, prennent des manières différentes pour affronter le problème. Ça c'est une autre chose, on va rendre la partie plus compliquée. Ça, écoutez, on verra à ça rendu là si jamais on se rend là. (...) 
 

  
« Ah, ça a été légalisé quand le gouvernement a mis la main là-dessus. Avant ça c'était des barbottes, aujourd'hui c'est des casinos! »
 
 
          J'y suis allé à deux reprises pour bien voir les lieux, essayer de comprendre un peu, et j'y suis allé avec des gens qui connaissent bien le jeu pour m'expliquer comment on peut compliquer un peu la partie, en brassant plus souvent les cartes, il y a différentes manières. Mais c'est certainement pas en excluant les gens. Et il n'y a pas de raison à ça, il y a pas de... Ce monsieur-là, il a eu une carte, on lui a donné sa carte, il est entré dans la salle des hautes mises, quelqu'un est venu le voir: « excusez-nous Monsieur, on a fait une erreur, vous allez sortir. » 

Richard Desmarais: Vous avez pas le droit de jouer là. 

Daniel Roch: C'est ça. 
  
Richard Desmarais: Est-ce qu'il pourrait jouer dans d'autres aires du casino? 

Daniel Roch: Oui, oui, parce les mises sont moins élevées.  
  
(...) 
  
Richard Desmarais: Est-ce que votre client est le seul à être interdit de la sorte? 

Daniel Roch: Non non, tous les gens de son groupe. 

Richard Desmarais: Ah, tous ceux de son groupe à lui. Ils venaient jouer à Montréal régulièrement? Est-ce que ce sont des gens qui venaient souvent? 

Daniel Roch: Oui oui, assez régulièrement. Chaque fois qu'il y en a un qui arrive, je pense qu'ils ont un album de photos... Mais écoutez, comme je vous dis, c'est des anciens policiers qui mènent le casino, avoir des albums de photos...! 
  
Richard Desmarais: C'est assez spécial, hein, c'est une chose qu'on a pas abordé souvent. Le casino de Montréal, c'est un ex-policier de la GRC, le casino de l'Outaouais, c'est un ex-policier de la Sûreté du Québec, les ex-policiers qui gèrent aujourd'hui des casinos.  

Daniel Roch: C'est dans la norme des choses parce que voyez-vous, avant ça ils combattaient le jeu, ça fait qu'ils connaissent bien ça. 

Richard Desmarais: Ha ha! 
  
(...) 

 
 
 
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