Montréal, 25 sept. – 8 oct. 1999 |
Numéro
46
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La gestion privée du bison
La propriété rurale favorite de Turner est localisée dans la vallée Gallatin, au sud de Bozeman (Montana). Il s'agit d'un ancien ranch gigantesque entouré de montagnes et où l'on élevait des milliers de têtes de bétail. Turner fut toutefois fidèle à sa vision et ordonna de la remettre dans l'état où elle était avant l'arrivée des Européens, à l'exception d'une nouvelle résidence privée qu'il se fit construire hors des sentiers battus (certaines mauvaises langues soutiennent toutefois que sa conjointe fit détourner une rivière afin d'y créer un lac artificiel et qu'elle fit ensuite raser une colline qui lui bloquait la vue de cîmes enneigées...). Les employés de Turner eurent donc pour mandat de combattre certaines plantes introduites par les Européens et de réintroduire quelques espèces animales disparues dans la région, tels que les westslope cutthroat (le poisson-emblème du Montana) et les bisons. Comme le confia le gestionnaire de la propriété de Turner à un groupe de visiteurs (dont faisait partie votre humble chroniqueur):
Laisser paître des bisons en toute liberté s'avéra cependant une expérience beaucoup plus ardue que prévu. Bien qu'ils ne demandent théoriquement que peu d'entretien, ils partagent certains traits comportementaux problématiques avec le bétail, notamment celui de détruire complètement un pâturage avant de se déplacer. Les gestionnaires durent alors apprendre à intervenir afin de forcer le déplacement d'un pâturage à l'autre d'une harde qui atteignit rapidement près de trois mille têtes. Les bisons développèrent également la fâcheuse habitude de souiller la rivière favorite de Ted, ce qui força le recours à la pose de clôtures électriques. Certaines maladies furent également détectées dans le troupeau, ce qui fut d'autant plus dramatique que contrairement au traitement du bétail qui bénéficie de plusieurs décennies de recherche, la santé des bisons est un domaine qui n'a pas suscité beaucoup d'intérêt. Les employés de Turner durent donc investir des sommes considérables pour remédier à ces problèmes. Turner dut également se résoudre à faire abattre les vieux mâles solitaires qui avaient tendance à s'éloigner de la harde et de la propriété (ses employés racontent que Ted éprouvait une certaine empathie pour ces vieux mâles et qu'il ne pouvait se résoudre à les faire éliminer). La gestion de la harde montanaise de Turner, qui est certes la plus importante mais qui représente à peine plus du sixième du total de ses bêtes, est maintenant une entreprise relativement florissante. Elle est toutefois sous plusieurs aspects assez éloignée de sa vision originale. Ses bêtes ont cependant l'avantage d'être en bien meilleure santé que celles que l'on observe ailleurs, notamment dans le parc national de Yellowstone. On pourrait donc croire que les efforts et les sommes investies par Turner pour réintroduire le bison lui auraient valu l'estime de ses compatriotes. Les chose ne sont toutefois pas aussi simples... La campagne contre la Le premier problème de Turner est qu'il est peu apprécié de quelques leaders amérindiens en raison de son refus catégorique de changer le nom de son club de baseball (les Braves d'Atlanta...). De plus, certains d'entre eux sont également des producteurs de bisons, mais à une échelle beaucoup plus artisanale. Les ennuis de Ted débutèrent toutefois véritablement avec l'instauration d'un programme de l'administration Clinton consistant à acheter, aux frais des contribuables américains, plusieurs millions de dollars de viande de bisons que l'on distribue ensuite gratuitement dans certaines réserves autochtones. Bien que le programme ait sans doute été conçu à l'origine comme une subvention déguisée aux producteurs autochtones, il s'avéra rapidement que seuls Turner et quelques autres propriétaires blancs membres de la North American Bison Cooperative (NABC) étaient en mesure de répondre aux exigences, notamment en termes de volume, du gouvernement fédéral. Les producteurs améridiens, regroupés sous l'égide du InterTribal Bison Cooperative, en prirent rapidement ombrage. Certains leaders autochtones sont de plus particulièrement offusqués de la pratique des exploitants du NABC de nourrir leurs bêtes pendant au moins 100 jours avant l'abattage afin d'obtenir une viande de qualité uniforme. Comme le remarque Fred DuBray, l'un des leaders autochtones: We [American Indians] want to restore bison as a wild animal so they can maintain the integrity of who they are. Feeding them for the purpose of D'autres producteurs blancs, incapables de compétitionner avec Turner, ont depuis joint les rangs des producteurs autochtones et établit un lobby pour contrer la 1. Tracey C. Rembert, and Environm 2. Lisa Anderson, Articles précédents de Pierre Desrochers |
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