Montréal, 23 oct. - 5 nov. 1999 |
Numéro
48
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S'il-vous-plaît, ne faites pas mine de prétendre que vos lois
justifient moralement ces exactions. Peut-être que ce fut déjà
vrai. Peut-être pouviez-vous, il y a quelques décennies, prétendre
que, tout compte fait, vous faisiez plus de bien que de mal et que, à
toutes fins pratiques, on consentait tacitement à vos impôts.
Votre organisation était relativement inoffensive pour l'individu
pacifique; en tout cas, on pouvait espérer qu'elle protège
notre liberté dans l'avenir. Mais ce n'est plus vrai.
Le mythe de l'impôt consenti n'a plus aucune vraisemblance. D'abord, vos impôts sont spoliateurs et outrageants. Appelons un chat un chat, et un tyran un tyran. Ce que vous prélevez sur la production des gens a globalement doublé depuis quarante ans. Vos impôts ne correspondent plus à rien de ce que l'on pourrait justifier comme des fonctions étatiques unanimement souhaitées. Ensuite, ce que vous faites avec les impôts que vous extorquez est pire encore que l'extorsion elle-même. Vos impôts entretiennent un État obscène, une véritable tyrannie administrative selon la prémonition tocquevillienne, une tyrannie douce et tranquille mais qui n'en est pas moins tyrannie au sens que l'on a toujours donné à ce mot. Avec vos lois qui prétendent m'interdire de fumer ou de consommer ce que je veux, d'importer ou de lire ce que vous définissez comme
Ne vous cachez pas derrière le peuple anonyme: vous savez, au fond de vous-même, que c'est de la frime et que si, en définitive, vous réussissez à percevoir vos impôts outrageants, c'est, au mieux, grâce à la tyrannie de la majorité, et au pire en vous appuyant la tyrannie de minorités privilégiées. Vous avez même réussi dans vos chartes à détourner les droits de l'homme pour en faire des privilèges de vos minorités clientélistes. Ne vous cachez pas non plus derrière la règle de droit: vous savez bien que personne ne peut comprendre ni infléchir les milliers de pages de jargon juridique que vous nous assénez chaque année sur la tête. Au fond de vous-même, vous savez que votre tyrannie tranquille ne repose, de plus en plus, que sur la force nue. Puis-je espérer vous convaincre de l'immoralité de l'entreprise à laquelle vous prêtez votre concours? Puis-je vous faire pressentir le mépris que, s'ils ont encore quelque dignité, les historiens de l'avenir vous témoigneront devant la prison que vous avez construite pour vos enfants? Me répondrez-vous, comme le plus petit de vos bureaucrates – le tout petit, celui qui répète la morale de pidgin politique du régime, celui que l'on voit griller sa cigarette comme un chien à l'extérieur de vos imposants hôtels des impôts, avant d'aller vous aider à exproprier ceux qui le font vivre –, que vous ne pouvez changer le système? Admettons que cela soit vrai, que personne ne puisse stopper la locomotive du Pouvoir. Mais si l'on est obligé, par la force, d'y prêter son concours en payant les impôts de César, il reste que l'on peut encore, au moins, racheter sa dignité en posant des gestes symboliques et pédagogiques. Ce serait le moins que vous puissiez faire. J'ai moi aussi posé un geste symbolique. Chaque dollar additionnel que vous me volez ne vous sert qu'à mieux me contrôler. Pour faire oeuvre de responsabilité sociale, j'ai donc retranché un dollar sur ce que vous prétendez que je vous dois. Un dollar de moins dans les coffres de la tyrannie administrative, c'est toujours ça de gagné. Je vous prie, Monsieur le Ministre, de croire à mes sentiments distingués. ©Pierre Lemieux 1999 Articles précédents de Pierre Lemieux |
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