Montréal, 23 oct. - 5 nov. 1999 |
Numéro
48
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(page 9) |
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Réponse de Martin Masse:
Monsieur Ouellet,
Les libertariens ont en effet une position assez originale sur cette question
des inégalités. Ce qui nous distingue des gauchistes en général,
c'est que ceux-ci prétendent que la liberté n'est réelle
que si les conditions sont à peu près les mêmes pour
tout le monde – c'est-à-dire si les individus sont égaux
sur le plan socio-économique. Nous pensons que cela est une chimère
impossible à réaliser. Les membres d'une société
sont inégaux au chapitre des aptitudes, des motivations, des talents,
de la force physique, des capacités de travail, de la propension
à prendre des risques, de la créativité ou de l'intelligence.
Ce sont ces inégalités qui font qu'il est préférable
de coopérer et de se diviser le travail, de façon à
laisser les gens se concentrer sur ce qu'ils font le mieux, ce qui profite
éventuellement à tout le monde. Il n'y a pas d'autres moyens
de limiter les inégalités qu'en limitant la liberté
des plus performants de performer, la liberté des plus travaillants
de travailler, ou la liberté des plus créateurs de créer.
Ainsi, parce que les femmes auraient été pendant longtemps discriminées sur le marché du travail, le gouvernement a instauré un système On pourrait prendre des tas d'autres exemples (si vous nous lisez régulièrement, vous avez dû en lire plusieurs, notamment dans les Prix Béquille) où une tentative par le gouvernement de redresser une situation défavorable pour les membres d'un groupe et leur offrir les mêmes opportunités qu'à d'autres s'est soldée par un simple exercice de redistribution de la richesse, ou par l'édification d'un empire bureaucratique qui finit par mettre des bâtons dans les roues de ce qui fonctionne et crée de la richesse. Il n'y a plus véritablement d'égalité de droit pour tous dans ce contexte, puisque les membres de certains groupes sont favorisés, alors que d'autres sont systématiquement discriminés et entravés dans leurs efforts, cela Interventionnisme VS libre marché Ce qu'il faut comprendre, c'est que plus le gouvernement tente d'augmenter les opportunités des moins favorisés en intervenant partout bureaucratiquement, plus il diminue en conséquence les opportunités réelles offertes dans une économie libre et dynamique. Les taxes élevées et la réglementation excessive ont un coût: moins de croissance, plus de chômage, plus de difficulté à lancer un produit et agrandir une entreprise, moins de retour sur les investissements, etc. À l'inverse, une économie capitaliste fondée sur le libre marché et une limitation du rôle de l'État permet de multiplier les opportunités pour chacun de faire des affaires, trouver un emploi, épargner et investir, et cela même dans des conditions relativement difficiles. Les plus pauvres et les plus défavorisés profitent eux aussi de ce dynamisme et les incitatifs sont, dans ce cas, les bons: plus on travaille et on fait des efforts, plus on améliore sa condition. Au contraire, lorsqu'on s'en remet à l'État, la seule façon d'améliorer son sort est de s'organiser dans des lobbys et de faire pression sur les politiciens pour qu'ils détournent une plus grande partie de la richesse des autres vers nous. Pour comprendre cela, il faut bien sûr accepter le fait que dans une économie capitaliste, la richesse qui est créée ne l'est pas sur le dos des travailleurs Charité publique VS charité privée J'ajouterai que même dans le cas des plus défavorisés dont le sort vous inquiète, une non-intervention de l'État aurait sans doute des effets plus positifs. On connaît le sort des assistés sociaux et autres dépendants chroniques dans notre société: toujours à la merci d'une nouvelle réforme, de coupures de budget, d'une nouvelle règle qui les décourage de partager un appartement ou qui les force à suivre un cours. En échange de l'aide qu'il leur apporte pour tenter de les sortir de leur misère, l'État ne peut s'empêcher de contrôler la vie de ces gens d'une façon grotesque et infantilisante. Comme vous le savez, les résultats sont loin d'être concluants. À l'opposé, des solutions privées pour leur venir en aide auraient sûrement plus d'impact. Le mot charité à pris des connotations négatives de nos jours après des décennies de propagande gauchiste. Pour les socialistes, l'État ne pratique pas la charité envers les plus pauvres mais leur donne plutôt ce qui leur revient, ce que les méchants capitalistes ont obtenu de façon illégitime en les exploitant. Nos socialistes qui font campagne pour une allocation universelle ne parlent pas de Les organismes de charité privée ont cependant un mode de fonctionnement et des buts bien différents de la charité bureaucratisée publique. Alors que les politiciens ont toujours en tête d'obtenir le vote de ceux qu'ils favorisent avec leurs mesures, les donneurs et les aidants bénévoles le font pour des raisons véritablement Si le gouvernement n'occupait pas tout ce champ par ses multiples programmes, je suis persuadé que les organismes privés de charité et d'entraide (non subventionnés et indépendants des règles et critères du gouvernement) prendraient la relève. J'entendais lors d'une tribune téléphonique à la radio la semaine dernière des gens affirmer qu'ils n'avaient pas d'objection à payer des taxes et impôts élevés, en autant que cet argent va là où sont les vrais besoins. Si cet argent restait dans leur poche et s'ils pouvaient eux-mêmes décider de le donner à la bonne cause qu'ils favorisent, il y aurait de toute évidence moins de gaspillage et plus de résultats. Et on verrait par ailleurs qui sont ceux qui ont les coeurs véritablement charitables, et qui sont les hypocrites qui prétendent vouloir le bien collectif en appuyant un État interventionniste alors qu'ils font en réalité partie de ceux qui en profitent. Pour conclure: en voulant égaliser les opportunités, l'État fait en sorte de les réduire pour tous et de contredire l'égalité de droit. Par contre, en laissant les individus libres de s'ajuster, en évitant d'intervenir et en se concentrant sur la protection des libertés fondamentales, l'État permet l'éclosion d'opportunités plus grandes pour tous à travers le fonctionnement du marché libre. J'espère que cette longue réponse a permis de clarifier la position libertarienne, qui est similaire à la position libérale classique. Si vous êtes un véritable libéral (pas un soi-disant libéral, comme nos amis du PSDLQ!) vous serez, je l'espère, réceptif à ces arguments. M. M. |
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