Trompeuses apparences
Les situations sont pourtant très différentes. Les deux pays
se trouvent également dans les Alpes et au centre de l'Europe, bien
sûr, mais ils ont des histoires et cultures politiques tout à
fait divergentes en dépit des apparences (l'Autriche est «
formellement » un pays fédéral et jusqu'à
la chute du mur de Berlin, elle a été obligée de garder
une position de « non alignement »
qui pouvait avoir des analogies superficielles avec le neutralisme qui
est enraciné dans la tradition suisse).
Le succès de Haider, à Vienne, peut être expliqué
seulement si l'on constate que depuis plusieurs décennies, l'Autriche
est un pays dominé par un centralisme et un interventionnisme très
corrompus. Au contraire, la fédération hélvetique
continue d'être, en Europe et dans le monde, un modèle extraordinaire
grâce à un niveau modeste de taxation, à la forte concurrence
institutionnelle de son fédéralisme (où les cantons
et les communes jouent un rôle très important), au neutralisme
international et au refus de participer aux missions militaires. Dans cette
situation il serait très difficile de trouver, à Berne, un
politicien qui puisse ressembler à Haider. Et, en fait, il n'y en
a pas.
Qu'est-ce que c'est, alors, cette UDC si démonisée par les
médias à la page? Première chose, le nom, rarement
indiqué en entier dans les articles consacrés aux récentes
élections. Le parti qui a obtenu la majorité relative en
Suisse, 23% des votes, s'appelle « Union démocratique
du centre »: une dénomination qui ne semble pas
vraiment en syntonie avec les articles qui ont parlé de «
droite xénophobe », « extrême-droite
», etc. En plus, ce parti a ses anciennes origines dans une
scission du parti radical (groupement historique de centre-gauche) et depuis
40 ans, il est une des quatre formations alliées qui gouvernent
la fédération hélvetique.
L'UDC a été pendant longtemps le parti des agriculteurs.
Mais quand il était tout simplement le porte-parole des intérêts
de la campagne, l'UDC n'était que le plus petit des quatre «
grands partis » suisses. Son récent succès,
alors, est une conséquence de l'adoption d'un programme qui s'oppose
aux projets de l'establishment politique et médiatique suisse
et européen.
Mais quelle a été la décision qui a permis à
Cristoph Blocher et aux autres responsables de l'UDC de faire de cette
formation la surprenante nouveauté de la politique suisse? Le choix
de se porter à la défense de la « diversité
» du système économique et social de la Suisse,
en s'opposant à tous ceux qui ont voulu un renforcement du welfare
state (surtout en faveur des immigrés et des réfugiés,
qui sont désormais 20% de la population) et qui ont demandé
l'abandon du neutralisme et, enfin, en s'opposant à l'adhésion
à l'Union européenne.
« La
fédération hélvetique continue d'être un modèle
extraordinaire grâce à un niveau modeste de taxation, à
la forte concurrence institutionnelle de son fédéralisme
et à son neutralisme international. »
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L'UDC s'est opposée à tout ça. Elle s'est battue contre
la fiscalité excessive et elle a proposé une réduction
des impôts; défendu l'isolationnisme traditionnel de la politique
étrangère suisse; rejeté l'hypothèse d'adhérer
à l'ONU et à l'Union européenne; critiqué le
renforcement des pouvoirs de Berne et la mise en discussion de la logique
fortement fédérale des institutions hélvetiques.
Succès expliqué
Du point de vue de la propagande politique, la raison du succès
est à trouver dans la volonté de défendre «
l'égoïsme » (j'utilise ici le langage des socialistes)
qui marque la Suisse profonde et tous les systèmes sociaux où
la propriété privée est relativement bien protégée
et la conception libérale de la justice n'a pas été
encore complètement effacé. Contre une gauche irresponsable
qui voudrait augmenter ultérieurement le nombre des réfugiés
et des étrangers qui pèsent sur les épaules des contribuables
suisses, l'UDC a exprimé le désaccord le plus catégorique.
Dans cette situation, il est très difficile de parler de «
xénophobie » et d'« extrémisme ».
Et si nombre d'opinion makers utilisent ce langage, c'est parce
qu'ils n'aiment pas les éléments anti-étatistes de
ce phénomène politique. Donc ils tentent de trouver des affirmations
ou déclarations qui puissent les autoriser à parler d'un
Blocher « nazi ».
En réalité, à leur avis, le simple fait de demander
une limitation de l'immigration est un symptôme de racisme: dans
leur culture socialiste, en effet, la globalisation des marchés
(qu'ils considèrent maintenant inévitable) doit être
« modérée » par une globalisation
des institutions publiques et par le « partage »
des richesses privées. Et la façon la plus immédiate
de diviser l'argent des citoyens des pays développés consiste
à augmenter le nombre de gens pauvres qui arrivent dans les systèmes
étatisés de l'Occident pour en tirer les nombreux avantages:
santé publique, éducation d'État, logements gratuits,
subventions aux chômeurs, etc. Et ceux qui jugent raisonnable de
s'opposer à ce projet risquent d'être accusés d'être
intolérants et indifférents aux « droits »
des peuples du Tiers-Monde.
Mais est-ce que Blocher lui-même se considère «
nazi » ou « antisémite »?
Pas du tout. Au contraire, après son succès il a dit: «
Toutes les calomnies et les accusations d'antisémitisme n'ont
pas obtenu l'effet espéré par ceux qui nous ont accusé
de cette manière au cours de ces semaines de campagne électorale
». Et dans les jours suivants, la presse suisse nous a informé
que plusieurs politiciens des autres partis ont compris qu'ils avaient
commis une grave erreur: ils ont « altéré »
l'image de Blocher dans l'espoir de le démoniser, mais les électeurs
n'ont pas apprécié cette vulgaire spéculation qui
visait à identifier le programme sur l'immigration de l'UDC et la
logique raciste des mouvements d'extrême-droite.
Les médias ont aussi donné beaucoup de relief à un
petit épisode qui pourtant ne semble pas suffisant pour démontrer
l'existence d'un Blocher hitlérien. Il y a deux ans le leader de
l'UDC avait reçu le livre d'un historien « révisionniste
» de Bâle, Jürgen Graf, et il avait lui répondu
avec une lettre dans laquelle il se disait d'accord avec l'auteur. Quelques
jours avant les élections cette lettre a été publiée
par la presse suisse, mais la défense de Blocher a été
la suivante: « Je n'ai jamais lu le livre. Je me suis
limité à remarquer que j'étais en accord avec les
passages sur la défense de la liberté de la Suisse qui avaient
été mis en évidence ».
En attendant la suite
Le futur nous dira s'il s'agit d'un simple incident causé par la
superficialité d'un politicien peut-être préoccupé
simplement de remercier un électeur ou, au contraire, autre chose.
S'il est vrai que les cercles de l'extrême-droite helvétique
(elle-aussi très suisse et relativement « modérée
», il faut le préciser) peuvent espérer de trouver
dans l'UDC un parti dans lequel s'infiltrer, pour l'instant il n'y a pas
d'éléments qui puissent nous faire imaginer une évolution
de ce genre.
Et d'autre part, comment est-il possible que personne – jusqu'à
maintenant – ne s'était rendu compte qu'un des sept ministres helvétiques
venait d'un parti qu'à présent on voudrait considérer
comme « néo-nazi »? Il n'y a qu'une explication:
le ministre et son parti ne sont pas nazis. Et les deux ministres socialistes
(et les autres, démocrate-chrétiens et radicaux) qui ont
collaboré pendant des années avec les ministres de l'UDC
ne l'auraient jamais fait si ces gens-là avaient exprimé
(dans leurs actes politiques et dans leurs opinions privées) des
points de vue si détestables.
Il faut alors éviter d'identifier la démagogie grossière
et nationaliste de Haider (qui demande, en même temps, plus de taxes
et plus de services..., et qui doit son succès à la corruption
profonde du système autrichien) et la défense de la richesse
des suisses qui est au centre du programme de l'UDC.
Les responsables de l'Union démocratique du centre, au fond, sont
surtout préoccupés de ne pas importer le désastreux
« modèle socialiste européen »
marqué par des taxes élevées, la présence de
l'État dans tous les secteurs, une immigration libre (c'est-à-dire,
un libre accès aux ressources des citoyens suisses...), le centralisme
(les pouvoirs de Bruxelles augmentent de plus en plus), la stricte fidélité
à l'OTAN (et ses engagements militaires dans toute situation «
critique »: Somalie, Golfe, Balkans, Timor Est, etc.).
Pouvons-nous, en tant que libertariens, vraiment critiquer ces suisses
soigneux de défendre leur argent et les institutions libérales
qui ont favorisé la création de leur richesse? |