Montréal,  20 nov. - 3 déc. 1999
Numéro 50
 
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ACTUALITÉ
  
LA GUERRE FUTILE
CONTRE LES VICES
 
 
par Martin Masse
  
          Avec la nationalisation de tout le système d'éducation il y a plusieurs décennies et l'encadrement de plus en plus poussé des enfants par diverses réglementations, l'État s'est depuis longtemps substitué aux parents comme influence prédominante dans le processus de socialisation de leur progéniture.  
  
          Mais le Nanny State ne va pas s'arrêter là dans l'imposition de nouvelles restrictions aux jeunes. Le ministre du Gaspillage de fonds publics, Bernard Landry, veut lui aussi contribuer à la probité morale de nos enfants et a déposé un projet de loi qui interdira aux commerçants de leur vendre des billets de loterie. 
 
 
Pas de gratteux pour eux 
  
          Comme c'est le cas pour le tabac ou l'alcool, autres « vices » où s'appliquent une réglementation et des taxes mur à mur, le jeu rapporte gros à l'État. Depuis que ce secteur a été à toutes fins pratiques nationalisé, les casinos se multiplient, et les milliards s'empilent dans le trésor public. Mais pour soutenir la légitimité de ce contrôle lucratif, l'État se sent obligé d'adopter des mesures puritaines, moralisatrices, pour montrer qu'il n'encourage pas le vice.  
  
          Ces mesures ne réduisent en rien les revenus en provenance de ces activités: malgré toutes les campagnes de « sensibilisation », les consommateurs de tabac, d'alcool et de jeux continuent d'être lessivés de plus belle. Mais les politiciens et bureaucrates se donnent ainsi un air de bienfaiteurs, reçoivent l'adulation des lobbys de fascistes de la santé et se donnent aussi et avant tout un pouvoir additionnel sur nos vie. 
  
          Dans tous ces domaines, « protéger les enfants » reste une forme d'oppression étatique au-dessus de tout soupçon. Pourquoi s'opposer à une telle loi, puisque c'est pour le bien-être de nos petits chéris? Les groupes de pression vont applaudir – le ministre a fait valoir que ce principe d'interdire toute forme de jeux de hasard aux enfants faisait l'objet d'un « consensus » chez des intervenants auprès de la jeunesse.  
  
 
  
« En fin de compte, une autre loi visant à nous “protéger”aura un effet néfaste, parce qu'elle accroît le pouvoir répressif de l'État, réduit la liberté et déresponsabilise les individus, jeunes et adultes. »
 
 
 
          La masse des citoyens et parents déresponsabilisés se taira, comme d'habitude, en pensant que c'est une bonne chose que les autorités s'occupent de leurs marmots, puisqu'eux sont vraiment très occupés et que de nos jours, vous savez, c'est pas comme dans notre temps, les jeunes sont plus difficiles à contrôler, et blablabla... 
 
Illicite Mini 
 
          Les commerçants qui se rendront coupables du crime de vendre un Loto 6/49 à un jeune de 16 ans seront donc dorénavant passibles d'amendes variant de 300 $ à 3000 $ et pouvant aller jusqu'à 6000 $ en cas de récidive. Une nouvelle classe de parasites bureaucratiques sera engagée pour s'occuper de cette importante problématique sôôôciale.  
  
          Le ministre n'a pas cru bon d'aller jusqu'à enlever le permis d'un marchand fautif. « Retirer le permis, ç'aurait été retirer le gagne-pain. On est mieux de sanctionner financièrement », a-t-il déclaré. Quelle magnanimité, oh Grand et Noble Trésorier! Il faut dire aussi qu'un commerce ouvert qui paie des amendes, ça rapporte de l'argent au gouvernement, alors qu'un commerce fermé, ça ne rapporte rien. 
  
          Les commis de dépanneurs devront se casser la tête pour deviner l'âge des vieux adolescents et jeunes adultes, et une nouvelle source de méfiance viendra empoisonner les relations entre citoyens. La police et les tribunaux pourront consacrer des ressources supplémentaires à enrayer cette nouvelle forme de criminalité, la vente illicite de billet de Mini aux jeunes.  
  
          Enfin, la presque totalité de ces jeunes (selon une étude du professeur Robert Ladouceur de l'Université Laval, 86% d'entre eux ont déjà parié de l'argent à la loterie, dans des bingos ou sur les résultats de matchs de hockey et de baseball) auront une raison de plus de se sentir diminués et rejetés dans une société qui les infantilise jusqu'à l'âge de 18 ans.  
  
          Les loteries deviendront, pour un certain nombre d'entre eux, un autre de ces fruits défendus qu'il est excitant de consommer en cachette, si ce n'est que pour se donner le thrill de défier les règles. Les gangs de rue y verront sûrement une nouvelle source de profits, ce qui consolidera leur pouvoir, exactement comme la prohibition de la drogue nourrit les bandes de motards criminalisées. 
  
          En fin de compte, comme c'est toujours le cas, une autre loi visant à nous « protéger » aura un effet néfaste, parce qu'elle accroît le pouvoir répressif de l'État, réduit la liberté et déresponsabilise les individus, jeunes et adultes. On n'arrête pas le progrès. 
(Sources: Presse canadienne, Le Soleil) 
  
 
 
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