Montréal, 20 nov. - 3 déc. 1999 |
Numéro
50
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Les saisons de chasse sont plus longues pour le petit gibier et, au Québec,
il y a toujours au moins une petite chasse ouverte quelle que soit la période
de l'année. Il y a fort à parier que cette tradition ne durera
pas. En effet, la chasse fournit pratiquement la seule raison légale
de porter une arme en forêt – une arme longue, s'entend, puisque,
depuis 1977, on est passible de deux ans de prison si l'on franchit la
porte de sa maison avec une arme de poing dûment enregistrée.
En fait, depuis la loi fédérale de 1991, la police soutient
qu'un propriétaire n'a même pas le droit de porter une arme
de poing sur ses propres terres! C'est encore trop. Il faut prévoir
que, pour plaire au tyran fédéral, responsable du contrôle
des armes à feu, le tyran provincial, responsable de la réglementation
de la chasse, finira par réduire le nombre et la durée des
petites chasses. De plus, l'acquisition et la possession des armes à
feu sont devenues tellement ardues que le nombre de chasseurs décline(1).
J'ai moi-même commencé à pratiquer la chasse il y a quelques années à peine, en partie pour l'aventure avec mon fils, en partie comme moyen de conserver ce que l'État reconnaît encore de mon droit de porter des armes. Cette année, pour la première fois, j'ai pu chasser sur mes propres terres au fond des bois. Un chemin que l'on appelle ici un J'ai suivi mon chemin de garette autant à l'heure où l'horizon du matin s'allume que quand le soleil couchant éclabousse le sommet des collines. J'ai appris à mieux identifier les pistes laissées dans la boue et la neige. J'ai entendu des outardes, des coups de feu, des craquements de branches suspects, et des cris d'animaux inconnus. J'ai vu des cerfs de Virginie. J'ai appris à préparer une gélinotte sans avoir à la déplumer ni l'éviscérer. J'ai appris bien d'autres choses encore.
Bien que je le susse déjà en théorie, j'ai constaté comment l'égalité que procurent les armes prévient la violence. Car j'ai été confronté au problème de tous ceux qui interdisent l'accès de leur terres aux chasseurs inconnus: il faut faire respecter l'interdiction, ce qui signifie confronter, souvent dans la lumière louche de l'aube ou du crépuscule, un homme armé que vous avez surpris chez vous. Un dossard orange émerge de l'ombre et la silhouette de l'intrus se dessine sur le chemin de garette, une carabine chargée en bandoulière. Vous sortez de votre poste de garde avec votre 30-06 ou votre fusil de chasse également en bandoulière, et marchez vers lui: On ne lit jamais dans les journaux que ce genre de confrontation, entre un maniaque de la chasse et un propriétaire qui veut l'expulser, ait donné lieu à une fusillade. Pourtant, la police mettrait au moins une demi-heure à se rendre ici, à supposer (hypothèse héroïque) qu'une patrouille réponde immédiatement à l'appel, toutes sirènes hurlantes, et trouve l'endroit du premier coup. Si la simple présence des armes déclenchait la violence, les saisons de chasse compteraient parmi les périodes les plus violentes de l'année. Mais personne n'a intérêt à déclencher la violence contre un individu également armé. Les armes à feu sont de grands égalisateurs(2). Une inscription gravée sur les premières carabines Winchester le proclamait: Be not afraid of any man, Flânant armé sur mon chemin de garette pour faire respecter la souveraineté sur mes terres (pardon: pour chasser), j'ai quelquefois pensé à l'histoire loufoque que la presse québécoise rapportait récemment. À plusieurs endroits, des intrus cultiveraient du cannabis sur les terres d'autrui, les propriétaires n'osant intervenir par crainte de représailles. Telle est la rançon de l'écrasement de la souveraineté individuelle et, en particulier, du contrôle des armes à feu qui, au Canada, a supprimé en 1977 la protection de la propriété comme raison légitime de posséder une arme et qui, en 1991, a fait la même chose quant à la protection de la vie. Pour les gens que je rencontre au fond des bois, ces prétendues lois sont étrangères et inconnues. Et, alors que les Canadiens français des villes semblent n'avoir conservé de leurs ancêtres ruraux que les mauvaises manières, ceux qui parcourent les chemins de garette semblent avoir gardé quelque chose de l'esprit libre du coureur des bois. 1. Voir mon 24 septembre 1996, à http://www.pierrelemieux.org/ch-chasseurs.html. >> 2. Sur le droit de porter des armes, voir mon Le droit de porter des armes, Paris, Belles Lettres, 1993, en plus de mes nombreux articles à ce sujet. Une partie de ces derniers sont reproduits à http://www.pierrelemieux.org/re-RKBA.html. >> 3. Même plus grand, plus fort que toi. Dans le danger, fie-toi à moi Car j'égaliserai les cha ©Pierre Lemieux 1999 Articles précédents de Pierre Lemieux |
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