En effet, elle rend le service irremplaçable pour les hommes de
l'État d'orienter au plus tôt le capital humain brut de nurserie
sur la production spécialisée désirée: celle
du bien de consommation étatique appellé habituellement citoyen.
Le drame est connu, la pièce est ancienne et a été
maintes fois mise en scène, depuis Spartes jusqu'à Jules
Ferry en passant par Saint-Just. Je ne livre au lecteur rien
de bien neuf dans les lignes qui suivent, juste un paragraphe de plus au
chapitre de l'abrutissement des enfants, exemplifié ici par la déséducation
« nationale » française.
Le « dressage » de
nos enfants
Au programme de la classe de 6e – première année de collège,
les enfants ont 11 ou 12 ans – un superbe cours d'« éducation
civique » a particulièrement attiré mon
attention. Son contenu rendrait en effet la dénomination de «
dressage idéologique » beaucoup plus appropriée.
Au menu: drapeaux qui claquent au vent, gamelles républicaines,
bidons étatiques et les rations de combat qui vont avec. On y déguste
l'organisation de l'État, de l'« éducation
nationale » en particulier, avec le partage des compétences
entre administrations centrales et locales s'agissant des collèges
et des lycées.... Attention! Mémorisez bien le nom du ministre
les petits! Plus ludique maintenant: les mots croisés. Il s'agit
là d'une variation plus distrayante sur le thème du vocabulaire
de circonstance comme État, Loi, République, laïcité,
gratuité, Jules Ferry... Plus économique ensuite: le dessin
d'une salle de classe avec des objets numérotés, tableau
noir, globe, bureau, cartable, manteau de l'enseignante. L'exercice consiste
à classer les différents objets dans deux colonnes, «
biens privés » et « biens
publics ». Le tableau noir? Bien public m'dame! C'est
beau la culture non?
Ah! Le plat de résistance maintenant, sous la forme d'un livre.
Il s'agit d'« Éducation civique
» sous la direction d'un agrégé d'histoire (Valéry
Zanghellini) et publié par les éditions Belin. En couverture,
le programme est d'emblée bien résumé: Quand je
serai grand je serai citoyen, phrase prononcée par un petit
garçon à une petite fille, tous deux en admiration devant
un buste de Marianne. Je livre à l'amusement du lecteur les premières
lignes de la préface:
« Ce fichier a pour objet essentiel de conduire l'élève
de sixième à découvrir un certain nombre de “pratiques
sociales” dans le cadre de son environnement, et de développer chez
lui de manière authentique le sens des responsabilités.
»
Les dessins qui illustrent les différentes leçons sont autant
de perles. Par exemple, à la leçon – fondamentale lorsqu'on
fait de l'élevage de futurs esclaves fiscaux – « respectons
les lois républicaines », on voit un chien-chien
gendarme à la physionomie sympathique embarquer un loup aux dents
acérées, menoté, sous l'oeil d'un agneau à
la tête fièrement redressée. Le dialogue est comme
suit: « Allez hop! Au trou! »; «
m'vengerai »; « Parfaitement, il y a des
lois Môssieur! » dans l'ordre des personnages.
Un document est joint, comme à chaque leçon: ici des extraits
de la déclaration de 1789 (article 6, la loi est l'expression de
la volonté générale), de la constitution de 1958 (art
3, la souveraineté nationale appartient au peuple), du code civil
(sur la nationalité française), de la déclaration
universelle de 1948, etc. Bref, tout le bréviaire mythologique de
la res publica.
« Avec
le temps et le développement de ce qu'on lui laisse d'intelligence
non étouffée, l'enfant-mouton sera capable de reproduire
des schémas étatistes dans des situations nouvelles.
»
|
|
À
la leçon consacrée à la protection de l'environnement,
il y a le dessin d'une petite carte avec la légende «
POS: plan d'occupation des sols! » Et bien sûr
de nouveaux documents: loi de 1941 sur les fouilles archéologiques,
loi de 1956 sur la conservation du littoral, convention de l'UNESCO de
1972, etc.
Le bonheur du citoyen: les impôts
Le meilleur
pour la fin. La leçon no 10 s'intitule: « chacun
contribue au bien public ». La phrase d'introduction
est la suivante: « Chaque citoyen apporte sa pierre
au bonheur de tous. Il le fait par une contribution financière sous
forme d'impôts. » Allez! Encore une petite avant
de refermer cet admirable ouvrage: « On appelle laïcité
le principe républicain d'une École ouverte à tous,
donnant à chacun des chances égales. Parce qu'elle réunit
les individus au lieu de les opposer, l'École cimente notre société;
elle la rend solide et solidaire » (RMQ: la majuscule
à « École » n'est pas de moi, mais
du texte). Deux pages en arrière, on trouve le dessin d'un gamin
pensif, cartable sur le dos, avec la légende: « L'enseignement
est une responsabilité de l'État. Ce monsieur doit être
très important! ... »
Bien sûr, tout celà s'accompagne pour plus d'efficacité
par des travaux pratiques. On parle alors de la « pratique
de la démocratie à l'école », comme
par exemple l'élection du petit camarade – terme si adéquat
ici... – au Conseil d'administration, etc... Ah çà! comme
le disait ce cher Babeuf, « Périssent les arts
pourvu qu'on ait l'égalité ». Peu importe
qu'on sache à peine lire à 12 ans pourvu qu'on soit de bons
apprentis citoyens...
Ainsi, avec la patience qui sied à l'exécution des grands
travaux publics, on mûrit lentement une belle bande d'abrutis, pauvres
gosses aux cerveaux de chou bouilli par une culture de fond de caserne.
Ce sont les mêmes que l'on retrouvera commentant de manière
sentencieuse les infos du 20h étatiste, défilant devant les
préfectures en chantant « tous ensemble
», se raliant au slogan de M. Aubry « y
fô bouger » (Pourquoi? Pour aller où?),
gonflant avec fierté leur torse adolescent lorqu'ils iront pour
la première fois explorer la poche du voisin via une urne. Nombre
d'entre eux se retrouveront peut-être sur les bancs casse-culs d'une
faculté de Droit où ils recevront un solide rappel de vaccin
antilibertaire qui leur confirmera que les bons principes ingurgités
lors de leur enfance sont en plus « scientifiques »,
professés par la crème de l'élite « intellectuelle
» française. Comment douter de leur bien-fondé
après ça?
C'est tout cela, la super-recette du plat franchouillard du «
mouton docile ». Le truc du chef? Balancer à
hautes doses des idées toutes faites à des enfants trop jeunes
pour aborder la réflexion approfondie touchant aux sujets auxquels
ces idées renvoient; on s'assure ainsi avec une efficacité
optimale qu'ils ne se donneront pas la peine de cette réflexion
plus tard. Remuer durant la fin de l'enfance et pendant toute l'adolescence.
La pâte prend alors du corps, avec une belle homogénéité
(avec le temps et le développement de ce qu'on lui laisse d'intelligence
non étouffée, l'enfant-mouton sera capable de reproduire
des schémas étatistes dans des situations nouvelles: c'est
de « l'exploitation de l'acquis »
comme on appelait çà à mon époque). Démoulez:
Oh! Un citoyen!
(*) Olivier Golinvaux est étudiant
( DEA) à la faculté de Droit d'Aix-en-Provence. >> |