Montréal,  18 déc. 1999 - 7 jan. 2000
Numéro 52
 
  (page 11) 
 
 
page précédente 
           Vos commentaires      
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
CONTE LIBERTARIEN
  
LA TRIBU QUI DEVAIT FRANCHIR LES MONTAGNES
 
 par Christophe Vincent
  
          Il y a bien longtemps, une tribu qui vivait paisiblement dans une contrée sauvage fut confrontée à la même épreuve à 500 ans d'intervalles. Cette tribu avait l'habitude de passer les mois d'hiver dans une région clémente au sud d'une impressionnante chaîne de montagnes. Au milieu du printemps, elle rejoignait ses territoires de chasse au nord, en contournant cet obstacle difficilement franchissable. Cependant, lorsque le dégel était rapide et accompagné de pluies exceptionnelles, il se produisait quelquefois de terribles inondations dans la plaine du sud. C'est ce qui arriva ces deux fois-là.
 
 
          Par un hasard absolument incroyable et qui n'arrive pourtant d'habitude que dans les histoires imaginaires, la tribu comptait aux deux époques exactement le même nombre d'hommes, de femmes, de vieillards, et d'enfants, et ils avaient exactement la même quantité de vivres et de matériel... Tout était tellement similaire aux deux époques que si vous pouviez voyager dans le temps et rendre visite à cette tribu puis à ses descendants, il vous serait absolument impossible de noter une quelconque différence. Aussi incroyable que cela puisse paraître également, tout se passa dans un premier temps rigoureusement de la même manière, tous les événements furent exactement les mêmes malgré les 5 siècles qui séparent ces deux épisodes. Je ferai donc d'abord, un unique récit de leurs aventures.  
  
Un refuge dans la montagne 
  
          Chassée par la montée des eaux, la tribu se réfugia à la hâte dans la montagne. Beaucoup de biens, de vivres avaient été perdus dans la débâcle mais heureusement, comme dans tous les contes de Noël, on ne déplorait pas une seule victime. La montagne cependant était hostile. Mais la plaine inondée l'était encore davantage. La tribu ne pouvait donc pas demeurer là et elle n'avait pas d'autre choix que de tenter le franchissement de ces hautes montagnes pour rejoindre les territoires plus au nord. La tribu abandonna donc toutes les charges inutiles et elle se mit en route, les plus forts aidant les plus faibles.  
  
          Après dix longs jours d'une marche épuisante dans les montagnes inconnues, la tribu fit une halte. Trois imposantes vallées se dressaient devant elle, chacune offrant une voie possible vers le nord. Les hauts sommets des alentours étaient connus de la tribu. On les avait déjà aperçus à la belle saison depuis le campement. Ils n'étaient donc plus très loin de chez eux. Il ne restait vraisemblablement qu'un dernier col à franchir. Face aux trois vallées, les membres de la tribu se mirent donc à délibérer. Les conversations allaient bon train pour savoir quelle voie il convenait d'emprunter.  
  
          La vallée de gauche semblait pleines d'attraits et faisait donc un certain nombre d'adeptes. Le cheminement dans cette vallée avait l'air tellement aisé et le col que l'on voyait au loin paraissait si facile à franchir que certains, vous le comprendrez bien, se croyaient déjà arrivés.  
  
          La vallée de droite n'avait pas ces attraits mais une rumeur courait à son propos. Un vieillard de la tribu, un peu gâteux, prétendait en effet se rappeler une ancienne légende à propos d'une précédente inondation disant « qu'il fallait emprunter la vallée de droite!!!... à moins que ce ne soit celle de gauche?! » avait-il ajouté perplexe, après réflexion. Mais son premier propos avait créé des partisans convaincus.  
  
          Enfin, la vallée du milieu avait été aperçu en songe par le sorcier de la tribu comme étant la bonne voie. Son charisme et son cérémonial charlatanesque habituel avait fini par convaincre ses fidèles.  
  
          Il y avait donc trois partis. La tribu comptait 150 personnes. Il y en avait 50 par parti. À 500 ans d'écart, aussi incroyable que cela puisse paraître, tout, absolument tout, s'était rigoureusement passé jusque-là de la même manière. Mais c'est ici que le destin des hommes de la tribu et celui de leurs descendants se séparent. Car si rien ne semblait avoir changé en 500 ans, leur organisation politique était malgré tout différente.  
  
Démocratie ancestrale 
  
          À la première époque, les membres de la tribu s'appelaient les Kramodés. Pendant plusieurs siècles, ils avaient subit les outrages, les injustices d'une lignée de rois. À la suite d'une révolte, ils avaient finalement recouvré leurs droits; au moins une bonne partie. Toutes les décisions étaient maintenant prises « démocratiquement », d'où le nom dont ils avaient rebaptisé leur tribu. Ils avaient à leur tête un Big Manitou, élu à la majorité des voix tous les 7 printemps. Une assemblée de Zonbitéfus (des hommes sages ou supposés tels) était élue, elle, tous les 5 automnes. À cette occasion, le Big Manitou désignait un Manitou parmi le parti majoritaire à l'assemblée et celui-ci désignait alors les Small Manitous de son gouvernement. C'est ce gouvernement, contrôlé par l'assemblée, qui prenait les décisions concernant la tribu et qui faisait voter des lois pour fixer ce que les membres de la tribu avaient le droit de faire. Il est amusant de penser que si par malheur, le parti majoritaire à l'assemblée n'était pas celui du Big Manitou, celui ci ne servait plus alors à grand-chose. C'était d'ailleurs le cas à cet époque. Mais ne nous étendons pas sur la complexité et les imperfections de ce système politique des premiers âges. Nous le verrons de toute façon à l'oeuvre, dans la suite de cette histoire.  
  
 
  
« Tout était tellement similaire aux deux époques que si vous pouviez voyager dans le temps et rendre visite à cette tribu puis à ses descendants, il vous serait absolument impossible de noter une quelconque différence. »
 
 
 
          À la seconde époque, 500 ans plus tard donc, les membres de la tribu s'appelaient les Robélis. Ils avaient alors grandement simplifié les choses. Chacun dans la tribu était libre de faire absolument tout ce qu'il voulait pourvu que cela ne porte pas préjudice aux autres membres de la tribu. Celui qui, par ses actes, avait porté préjudice à quelqu'un d'autre, lui devait réparation. La tribu ne connaissait alors pas d'autres lois.  
 
          Mais reprenons le récit de leurs aventures.  
  
          Chez les Robélis, on délibéra un certain temps pour savoir quelle vallée il convenait d'emprunter. Mais comme personne ne voulait revenir sur son opinion, comme 50 personnes était un nombre suffisant pour s'aventurer dans la montagne, comme il ne restait des vivres que pour quelques jours et que la plupart des membres de la tribu étaient très fatigués, on décida d'aller se coucher sans plus de jérémiades. Le lendemain à l'aube, chacun ferait ce que lui dicte sa conscience et emprunterait la vallée qu'il voudrait.  
  
          Chez les Kramodés, personne non plus ne voulait revenir sur son opinion. Seulement, cela posait ici un réel problème car le gouvernement avait beau proposer une vallée ou une autre, elle n'obtenait jamais la majorité à l'assemblée. Les orateurs des différents partis se succédèrent donc jusqu'au petit jour sur une tribune improvisée, pour essayer de convaincre, par de grands discours, les autres membres du bien-fondé de leurs vues. Ils firent tant de raffut cette nuit-là qu'ils empêchèrent le reste de la tribu de dormir et que, si vous passez dans ce coin-là aujourd'hui, vous entendrez encore les marmottes en discuter entre elles. Cela n'eut pas d'autre résultat malheureusement.  
  
          À l'aube, les Robélis formèrent rapidement les trois groupes. Ils se dirent tous au revoir en se souhaitant bonne chance, et chaque groupe commença son cheminement dans la vallée qu'il avait choisie.  
  
          Beaucoup plus tard, car la nuit avait été courte, les tractations reprirent chez les Kramodés. Chaque parti avait compris qu'il lui était impossible de remporter seul le suffrage et qu'il allait donc devoir composer avec les autres. Le gouvernement était majoritairement issu du parti de la vallée de gauche mais comptait malgré tout quelques partisans de la vallée du milieu. Une alliance se dessinait donc et le parti de la vallée de droite semblait provisoirement hors jeu. Cela ne l'empêchait pas de faire un vacarme incroyable à l'assemblée. Le parti du milieu, lui, faisait valoir que le parti de gauche ne pouvait rien sans ses voix et il exigeait donc des contreparties importantes. Toute la matinée se passa donc à comploter, à bricoler des accords qui ne parvenaient pas, malgré tout, à rallier une majorité de voix. En début d'après-midi, une proposition laissait planer quelques espoirs. Ses partisans l'avaient appelé la « quatrième voie ». Pour ne froisser personne, ils proposaient d'adopter, je cite: « un cheminement médian entre les deux grands courants progressistes de la majorité plurielle. » Ils ne firent malheureusement pas école lorsque l'on compris que la proposition dissimulée derrière leurs grandes phrases creuses était d'escalader la crête située entre la vallée de gauche et celle du milieu avec le matériel, les vivres, les enfants et les vieillards!  
  
          Pendant ce temps-là, les trois groupes de Robélis poursuivaient leur chemin. Le groupe de la vallée de gauche avait progressé très vite et il pensait atteindre le col dès le lendemain. Celui de la vallée de droite avançait correctement mais le terrain était, malgré tout, nettement plus ingrat. Enfin le dernier groupe dans la vallée du milieu rencontrait encore plus de difficultés sans que cela ne les oblige pour l'instant à faire demi-tour.  
  
Une solution de centre-gauche 
  
          Peu avant la tombée de la nuit, les membres du gouvernement des Kramodés parvinrent enfin à trouver une solution. Il fut voté avec une courte majorité que la tribu des Kramodés emprunterait la vallée de gauche. En sous-main, il avait été convenu que si la vallée de gauche ne s'avérait pas être une bonne solution, on se rabattrait sur la vallée du milieu. C'est à ce prix, que certains partisans de la vallée du milieu avaient bien voulu céder. Les partisans de la vallée de gauche étaient donc ravis et essayaient de faire partager leur joie aux autres membres de la tribu; sans trop de succès malgré tout. Le Big Manitou qui appartenait au parti de la vallée de droite n'apprécia pas du tout cette décision. Il le fit sentir dans un discours pompeux qui contribua à faire baisser dans la tribu le peu d'enthousiasme qu'elle avait suscité. Mais fatigué par tout ce remue-ménage, la tribu décida finalement d'aller se coucher afin de reprendre des forces pour la journée du lendemain.  
  
          À l'aube du jour suivant, les trois groupes de Robélis s'étaient remis en marche. Le groupe de la vallée de gauche progressait toujours aussi vite mais les parois qui bordaient la vallée se dressaient de plus en plus abruptes si bien que le col allait être impossible à atteindre si cette tendance se confirmait. Le groupe de la vallée de droite poursuivait sa route sans trop de problèmes si ce n'est que le vieillard essayait toujours de se rappeler de quelle vallée parlait la légende. Le groupe de la vallée du milieu en revanche rencontrait de sérieuses difficultés. Il avait passé la nuit sur un terrain inconfortable. La progression était maintenant devenu très difficile. Le charisme du sorcier et ses simagrées commençaient à montrer leurs limites chez certains de ses adeptes.  
  
          Les Kramodés s'étaient levés tôt cette fois, mais les préparatifs avaient pris plus de temps que nécessaire car beaucoup n'allaient dans la vallée de gauche qu'à reculons. Le chemin étant facile, plein de promesses, il n'y eu pas de problèmes majeurs dans la tribu ce premier jour. À la tombée de la nuit, ils établirent leur bivouac persuadés pour la plupart qu'ils atteindraient le col dès le lendemain.  
  
          La fin de la journée fut en revanche beaucoup plus mouvementée pour les Robélis. Le groupe de la vallée de gauche avait vu ses craintes se confirmer. Les parois de la vallée étaient maintenant impossibles à escalader. Il était cependant toujours possible d'avancer. À la tombée de la nuit, n'ayant pas atteint le bout de ce qui pourrait être une impasse, les plus faibles s'installèrent pour passer la nuit tandis que les plus forts poursuivirent l'exploration de la vallée. Le groupe de la vallée de droite progressait maintenant avec difficulté. La fatigue aidant, certains commençaient à se demander si le vieillard ne les avait pas mis dans le pétrin. La vallée de gauche avait l'air si accueillante. Leur col à eux semblait encore si loin. Mais les pires ennuis furent pour le groupe de la vallée du milieu. La pente était devenue tellement raide que beaucoup n'avançaient plus qu'à grand-peine. La mauvaise humeur s'était répandue dans le groupe et à moins d'un miracle, on ne pouvait plus donner très cher de la crédibilité du sorcier parmi ses adeptes.  
  
          Heureusement, le miracle se produisit. Alors que tout le monde envisageait de faire demi-tour, un des plus fanatiques fidèles du sorcier, qui ne ménageait pas sa peine et qui était parti en éclaireur, hurla que le terrain plus haut redevenait favorable et qu'on apercevait même le col qui ne devait être qu'à une heure de marche. C'était la bonne nouvelle dont ils avaient besoin. Ils se remirent en route le coeur léger et se firent des remontrances amicales pour avoir osé mettre en doute les visions de leur gourou. Ils franchirent le col deux heures avant la tombée de la nuit. Avec joie, ils virent la plaine du nord et les méandres de son fleuve. Le lendemain ils auraient rejoint leur campement habituel dans la plaine.  
  
          Le lendemain, les Kramodés partirent de bonne heure. La progression avait été si facile la veille dans la vallée de gauche, qu'il n'y avait plus beaucoup d'opposants déclarés.  
  
Cul-de-sac 
  
          Les Robélis de la vallée de gauche, en revanche, faisaient demi-tour. Toute la nuit, les plus vaillants avaient exploré de fond en comble la vallée pour essayer de trouver un passage vers le col mais sans succès. C'était un cul-de-sac. Il n'y avait pas d'autres solutions que de revenir au point de départ et d'emprunter une autre vallée. Le groupe de droite, lui, avait eu plus de chance et il avait réussi à franchir les pièges de son itinéraire. Leur col fut finalement atteint vers midi. Ils aperçurent alors, à leur tour, la plaine et son fleuve. À la vue de la fumée qui montait du campement, ils comprirent que d'autres avaient été plus rapides qu'eux. Le groupe de la vallée du milieu était effectivement arrivé à bon port tôt dans la matinée. Ils les rejoignirent à la tombée de la nuit et ils célébrèrent alors ensemble, bruyamment, les visions du sorcier et le savoir de leur vieillard.  
  
          Le moral des Kramodés ne cessa au contraire de se dégrader tout au long de cette journée, au fur et à mesure que les parois de la vallée se dressaient autour d'eux. Les opposants avaient retrouvé toute leur verve et ils faisaient entendre leur voix. Le vieillard avait subitement retrouvé la mémoire et il était maintenant certain que « la légende parlait de la vallée de droite! ». Les partisans de la vallée du milieu demandaient, eux, à ce qu'on fasse demi-tour pour faire ce qui avait été convenu. Bref une bonne partie du groupe traînait tellement la savate, qu'à la tombée de la nuit, la tribu des Kramodés avait beaucoup moins progressé dans la vallée que les Robélis au bout du deuxième jour.  
  
          Comme les Robélis l'avaient fait avant eux (mais 500 ans plus tard), les plus vaillants explorèrent la vallée toute la nuit. Cependant seuls les fervents partisans de la vallée de gauche participèrent à cette excursion car pour les autres, leur opinion était déjà faite et ils préféraient dormir. Comme la progression du groupe avait été plus lente, le reste de la vallée ne put être entièrement exploré en une nuit. À leur retour à l'aube, le doute subsistait sur la possibilité d'atteindre le col. Mais la cause était déjà entendue. Un certain nombre de partisans de la vallée de gauche s'étaient ralliés à la cause de ceux de la vallée du milieu. Tout le monde pliait bagage et faisait demi-tour.  
  
          Les Robélis abusés par la vallée de gauche arrivèrent à la fin de cette journée à leur point de départ. Ils observèrent les traces laissées par les autres membres de la tribu. Aucun des deux groupes n'avait fait demi-tour. Si l'une des voies était certainement plus facile que l'autre, aucune des deux ne semblait être un cul-de-sac. Le lendemain ils empruntèrent l'une ou l'autre, peu importe laquelle. Toujours est-il qu'au bout d'un jour et demi, ils rejoignirent un groupe d'hommes qui étaient partis à leur secours, leur apportant les vivres qui commençaient à leur manquer. Dans la matinée du lendemain, les voilà arrivés à bon port, faisant la fête avec le reste de la tribu et racontant leurs mésaventures.  
  
Pendant ce temps... 
  
          Mais où en sont les Kramodés à cet instant précis? La situation chez eux est nettement moins bonne. Cela fait maintenant trois jours et demi qu'ils ont rebroussé chemin. Ils sont d'abord revenus à leur point de départ en deux jours. Puis ils ont emprunté la vallée du milieu comme convenu. Les conditions de progression dans cette vallée ont été assez difficiles le premier jour. Les vivres ont commencé à manquer. Ils ne savent pas si cette vallée est un cul-de-sac ou non. Bref, l'ambiance au sein de la tribu est déjà mauvaise. À l'aube du quatrième jour, après une nuit pénible, la tribu s'est remise en marche. Le vieillard qu'on entend moins à cause de son extrême fatigue maugrée continuellement que « la vallée de la légende est celle de droite! », ce que répètent avec beaucoup de mauvais esprit tous ses partisans. Quelques fervents adeptes de la vallée de gauche soutiennent eux, que l'on a commis une erreur, qu'il ne fallait pas faire demi-tour, qu'il fallait continuer à avancer dans la vallée de gauche, qu'il y avait forcément un passage vers le col.  
  
          Comme tout au long de la matinée, les conditions ne cessent d'empirer et que beaucoup sont au bout du rouleau, vers midi, au moment même ou les Robélis sont, eux, tous arrivés à bon port, chez les Kramodés c'est l'explosion, la guerre civile, la révolution. Beaucoup se moquent alors ouvertement des soi-disant visions du sorcier et de ses autres supercheries. Chacun accuse l'autre camp de tous ses malheurs et c'est à un spectacle encore plus bruyant, mais beaucoup moins amusant que le précédent, que les marmottes assistent.  
  
          Comme aucun accord n'est plus possible, la tribu des Kramodés se désagrège. Les partisans de la vallée de droite, ainsi que d'autres membres qui se sont ralliés à leur cause font sécession et ils font à nouveau demi-tour. Une petite minorité toujours convaincue par la vallée de gauche fait de même. La grande majorité des partisans de la vallée du milieu accompagnée d'une partie des adeptes de la vallée de gauche poursuivent malgré tout dans cette voie. Eux aussi faillirent abandonner un peu plus tard, mais heureusement, la persévérance de certains d'entre eux leur permit de franchir le passage difficile et de rejoindre leur campement dans la plaine du nord le lendemain, en piètre état malgré tout, et avec un jour de retard sur le dernier groupe des Robélis (« Avec 500 ans d'avance! » répondront certains). Trois jours plus tard, le groupe ayant finalement emprunté la vallée de droite arriva dans un état plus préoccupant. Encore quatre jours plus tard, le groupe ayant emprunté à nouveau la vallée de gauche, et qui avait donc dû faire demi-tour une troisième fois, arriva enfin dans la plaine, dans un état catastrophique.  
  
          Fort heureusement, aucune victime ne fut à déplorer chez les Kramodés par une chance tout à fait extraordinaire qui n'arrive pourtant d'habitude que dans les histoires imaginaires. On s'en tira avec quelques blessures et énormément de fatigue. Les plaies les plus longues à cicatriser furent les divisions, les rancunes qui existaient maintenant au sein de la tribu des Kramodés. Il fallu plusieurs générations pour apaiser ces dissensions.  
  
          À quelque chose malheur est bon paraît-il. On prétend donc que c'est après avoir tiré les enseignements de cet épisode que les Kramodés décidèrent de laisser à chacun sa liberté, du moment qu'il ne porte pas préjudice aux autres, et qu' ils se rebaptisèrent les Robélis. C'est ainsi qu'ils purent, 500 ans plus tard, surmonter cette épreuve plus facilement.  
  
          Mais cette légende est, encore de nos jours, contestée par certains historiens et l'on continue à vouloir faire passer tout le monde par le même chemin. 
 
 
 
sommaire
PRÉSENT NUMÉRO 
page suivante