LES ÊTRES HUMAINS
SONT-ILS VENDABLES?
J'ai
inclu à cette lettre le « Ondes de Choc
» de Richard Martineau, texte publié dans la dernière
édition de l'hebdo culturel Voir à Montréal.
Si je vous ai envoyé ce texte, c'est simplement parce qu'il exprime
(dans un texte de meilleure qualité) mes propres craintes à
propos du néo-libéralisme qui se résument à
trois mots: TOUT EST VENDABLE!
Avant 1990, les régimes occidentaux vivaient sous la menace communiste,
d'où cette guerre froide qui a vu une montée des arsenaux
militaires. Mais ce n'était pas tout. Les occidentaux se devaient
de montrer à la face du monde que le système capitaliste
était humain, vivable. Qu'il permettait au plus petit de prospérer
sans risquer de se faire massacrer par les grandes sociétés,
exactement ce que les occidentaux reprochaient aux communistes.
Les adeptes de Lénine avaient monté tout un système
de propagande montrant au monde entier la supériorité du
communisme: Usines roulant à fond, citoyens heureux, programme spatial
grandiose, etc... Aujourd'hui, nous savons que tout celà était
faux. C'était du tape-à-l'oeil. Malheureusement, le tape-à-l'oeil
se faisait des deux côtés: autant ici en Occident que derrière
le Rideau de Fer.
Et maintenant que la menace communiste s'est évaporée, le
capitalisme peut se montrer sous son vrai jour: Un néo-libéralisme
(excusez-moi, mais à mes yeux, ce mot a une valeur plus juste que
libertarianisme) sans retenue où on a même, il y a 3 ou 4
ans, estimé un prix pour un être humain (je me rappelle notamment
qu'on avait « estimé » le prix d'une dame
noire du troisième âge vivant dans un taudis à ...
25$)
Faut-il en conclure qu'en 1990, c'est non pas la chute du Mur de Berlin
à laquelle nous avons été témoins mais plutôt
celle des masques?
Normand Martel
Réponse de Martin Masse:
Monsieur Martel,
J'aimerais bien que vous ayez raison et que tout soit, comme vous dites,
« vendable ». Ce n'est malheureusement pas le
cas, l'État contrôlant à peu près la moitié
de l'économie et imposant ses réglèmentations restrictives
sur le reste. Contrairement à vous, je ne vois pas du tout en quoi
cela serait néfaste. Si tout était vendable, cela voudrait
dire que nous aurions une liberté absolue de faire ce que nous souhaitons
avec notre corps et nos biens.
Lorsque vous vous achetez une paire de chaussures, préférez-vous
être libre de choisir celle que vous voulez et de payer un prix mutuellement
acceptable chez un marchand, ou voudriez-vous plutôt ne pas avoir
de choix et qu'un bureaucrate décide pour vous si vous en méritez
une, quelle sorte est appropriée et comment la collectivité
est prête dans un élan de consensus collectif à débourser
les fonds nécessaires? Dans le premier cas, la chaussure est un
bien « vendable » et vous êtes libre; dans
le second, elle devient un « bien collectif »
contrôlé par l'État, et vous êtes un esclave.
Les libertariens prétendent que si c'est une bonne chose que les
chaussures soient un bien « vendable » (i.e.,
librement produit et échangé sur le marché), il n'y
a pas de raisons pour que tous les autres biens et services que nous voulons
nous procurer ne le soient pas aussi. La seule norme absolue doit être
de respecter la liberté des autres et leur propriété,
donc de ne faire que des échanges volontaires. Que peut-il y avoir
de mal à ne faire que des transactions acceptées librement
par les deux parties et à proscrire les actions coercitives? Pourquoi
craignez-vous un monde où personne ne pourra vous obliger à
faire quelque chose contre votre gré avec votre corps et vos biens?
Cet exemple absurde que vous donnez de l'estimation du prix d'une vieille
femme noire dans un taudis n'a absolument rien à voir avec le système
capitaliste et la liberté. C'est l'équivalent des histoires
de fantômes et de monstres que les enfants se racontent pour se faire
des peurs. Quelqu'un pourrait-il « acheter » la
dame en question ou qui que ce soit contre son gré? Évidemment
que non. Je le répète une nouvelle fois: dans un système
fondé sur la liberté individuelle, vous faites ce que vous
voulez avec votre corps. À l'opposé, dans le système
de semi-esclavage dans lequel nous vivons, des gens qui décident
de se donner des plaisirs sexuels en groupe se font arrêter par la
police et traîner devant les tribunaux comme encore une fois la semaine
dernière à Montréal, parce que l'État ne veut
pas qu'ils fassent cela avec leur corps. Qu'est-ce qui vous fait le plus
peur? Une fable sur le prix hypothétique d'un être humain,
ou une réalité où votre corps est à la merci
des forces de répression policières?
Richard Martineau n'est qu'un petit scribouillard nationalo-gauchiste qui
n'a rien écrit de pertinent depuis qu'il sévit au magazine
Voir, et l'article de lui que vous m'envoyez n'est qu'un ramassis
de clichés. M. Martineau, comme la plupart de ses collègues
étatistes dans les médias et les universités, n'aime
pas que les gens puissent décider ce qui est bon pour eux-mêmes.
Il préférerait un monde où une élite éclairée
– à laquelle il croit bien sûr appartenir – déciderait
de ce qui est bon pour le peuple et de ce qu'il doit faire pour se conformer
aux grands idéaux que l'élite a établis par «
consensus ».
Richard Martineau écrit: « Si vous avez les moyens
de vous payer un bon avocat, vous pouvez acheter la liberté. Si
vous êtes assez fortuné pour déménager dans
un paradis fiscal, vous pouvez décupler votre richesse. Et si vous
avez un bon coussin à la banque, vous pouvez courir à l'autre
bout du monde vous choisir une épouse, une nounou ou un enfant,
de la couleur de votre choix. »
Mais pourquoi donc un avocat est-il nécessaire pour acheter sa liberté
aujourd'hui? Parce que c'est la seule façon de contester les montagnes
de réglementations que nous impose l'État!! Et pourquoi tant
d'investisseurs et de contribuables ordinaires sont-ils donc attirés
par les paradis fiscaux? Parce que l'État leur vole plus de la moitié
de la richesse qu'ils produisent!! Et qu'est-ce qu'il y a d'épouvantable
à aller chercher une épouse, une nounou ou un enfant à
l'étranger, si l'épouse est consentante, la nounou y voit
une façon d'améliorer son sort, et l'enfant peut grandir
dans un environnement normal au lieu d'être abandonné dans
un orphelinat décrépit?
La richesse, l'argent, le fait que des tas de choses restent encore «
vendables » malgré l'interventionnisme de l'État,
voilà ce qui nous permet d'être plus libre, ce qui maintient
la civilisation et ce qui rend la vie plus vivable. À votre place,
j'arrêterais de me raconter des histoires de peur et j'essaierais
d'en profiter.
Au plaisir,
M. M. |
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