Montréal, 18 déc. 1999 - 7 jan. 2000 |
Numéro
52
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La première thèse que je veux contester est celle qui identifie
le libéralisme avec la modernité politique, c'est-à-dire
la philosophie politique de la liberté individuelle avec la période
historique qui a vu dans le triomphe de l'État son expression la
plus achevée. Au contraire, le libéralisme de la tradition
lockéenne a surtout exprimé la résistance de
la société civile vis-à-vis de la modernité
et des institutions publiques.
La deuxième thèse qu'il faut refuser est celle qui considère le libéralisme comme une théorie qui serait destinée à aboutir nécessairement dans une culture de l'égoïsme et du solipsisme. Cette thèse est très répandue parmi les adversaires du libéralisme, mais un certain nombre de libéraux et de libertariens partagent aussi une telle vision. Communautés d'État ou communautés volontaires? Un auteur allemand de la fin du XIX siècle, Ferdinand Tönnies, a consacré un livre très connu à l'opposition entre la Gesellschaft et la Gemeinschaft, entre la société et la communauté. À son avis, il n'y avait que des communautés à l'origine. Les hommes n'étaient pas seuls, isolés en tant qu'individus: ils étaient membres de tribus et dans ces groupes solidaires il n'y avait pas d'argent ni d'échanges. L'absence d'individualisme faisait partie de la définition de l'être. Mais cet univers social, selon Tönnies, disparaît le jour où la rupture des liens communautaires est à l'origine d'une commercialisation de l'existence et, finalement, d'une banalisation de la vie. La légende sinistre du capitalisme globalisé en tant que Du point de vue historique les choses ont été bien plus complexes. Il est tout à fait évident que les civilisations très anciennes (que nous appelons
L'individualisme est dans la nature de l'homme et si dans la préhistoire nous pouvons trouver des cultures moins individualistes, il faut aussi considérer que les hommes cherchent toujours à s'adapter aux exigences du temps et aux difficultés qu'ils doivent surmonter. Il est évident que pendant l'âge néolithique il y a eu une série de normes qui ont souvent favorisé l'émergence de communautés et de forts liens sociaux: mais tout ça n'est pas suffisant pour nous autoriser à parler d'une absence des individus dans ce genre de cultures. Les thèses de Tönnies sont de fait très simplistes et, en plus, elles sont contradictoires. Le paradoxe est à retrouver dans le fait que le sociologue allemand condamne l'économique, l'argent et le commerce, mais nous suggère que les rapports de marché auraient été responsables d'une transformation générale de la société. L'économie serait la structure, tandis que la culture devrait être considérée comme une simple Il me semble évident que, dans l'histoire de l'Occident, le christianisme a favorisé la diffusion d'une culture individualiste et la découverte de cette Donc les hommes sont individus, ils sont libres et peuvent créer des communautés. Cette possibilité de constituer des groupes sociaux est justement l'une des grandes opportunités de chaque individu. Une communauté familiale naît le jour où deux sujets qui appartiennent à différentes familles (deux étrangers) décident de vivre ensemble. Ici nous constatons une des libertés fondamentales: la liberté d'association. Mais selon l'avis de nombreux défenseurs de la liberté, l'exercice de cette faculté favorise le développement d'une société plus forte, capable de résister vis-à-vis de l'État. L'individu de Hayek entre société et communauté En particulier dans son dernier livre sur La présomption fatale, Friedrich A. von Hayek remarque l'importance et la sagesse des institutions Hayek remarque que dans une société libérale les hommes ont une existence amphibie: ils participent au jeu de la société ouverte (la Great Society basée sur la propriété privée) et à l'univers des relations communautaires (dans la civilisation occidentale, basées sur la famille). Il y a donc deux types de sociétés qui vivent ensemble: la société des règles Hayek nous dit que le socialisme, au fond, est quelque chose d'atavique. Il a son origine dans la volonté de vivre seulement dans l'univers tribal de la famille. La société socialiste naît d'une imposition violente et coercitive des caractères communautaires à l'entière société. La société est transformée en une Mais, en même temps, Hayek critique tous ceux qui pensent pouvoir annuler la dimension communautaire de l'existence et il remarque la nécessité de sauvegarder – dans notre expérience personnelle – des espaces à la famille et à d'autres formes de vie relationnelle (les monastères, les kibbutz, les associations d'entraide, etc.). Si les communautés existent, c'est parce qu'il y a de nombreuses raisons (psychologiques, économiques, culturelles, etc.) qui nous les font apprécier. Pendant des siècles, la famille a donné une solution de marché – libre, volontaire, sans coercition – à une longue théorie de problèmes qui maintenant ont été placés sous le contrôle des hommes politiques et des fonctionnaires publics. Il faut alors retrouver une sociabilité Non. L'individu libertarien n'est pas du tout une réalité Un espoir pour le futur Dans les fiches des administrations étatisées nous sommes de simples Si le siècle qui est en train de se terminer a été l'époque de Eichmann et de la 1. Dans le contexte américain
il suffit de penser au livre de Terry L. Anderson consacré
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