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Montréal, 19 février 2000 / No 56 |
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par
Martin Masse
En tant qu'Autrichien vivant à Montréal, j'ai eu honte de la façon dont Joerg Haider a été accueilli lors de sa visite ici ces derniers jours. Je suis Autrichien non pas, bien sûr, de naissance, mais de philosophie. Comme certains de mes collègues, je me réclame de l'École d'économie autrichienne, l'un des principaux courants philosophiques de la mouvance libertarienne, lancé à la fin du siècle dernier par les pionniers de la Au 20e siècle, ce sont les penseurs mieux connus Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek, deux Autrichiens qui ont dû finalement s'exiler en Grande-Bretagne et aux États-Unis à cause de la Seconde Guerre mondiale, qui ont gardé le flambeau de la philosophie libertarienne durant les décennies où le collectivisme dominait. Depuis les années 1970, l'École autrichienne connaît une renaissance sans précédent, notamment grâce aux travaux des Américains Murray Rothbard, Israel Kirzner et plusieurs autres. La quasi totalité des Autrichiens philosophiques se trouvent toutefois aujourd'hui en dehors de l'Autriche, un pays d'un dynamisme remarquable au tournant du siècle dernier mais qui n'a rien produit de pertinent sur le plan intellectuel depuis les années 1930. Joerg Haider est un Autrichien de nationalité, mais, à ce qu'on sache, pas un Autrichien philosophique. Il n'est pas vraiment libertarien et défend plutôt, si on se fie au programme du Parti de la liberté (FPO) un libéralisme mou, incohérent, très modéré mais qui implique tout de même une rupture considérable dans le contexte politique de son pays. L'article 1 du programme du parti est clair sur la valeur fondamentale qu'il défend: |
2. Dependence on an overbearing bureaucracy, on a chamber state or on a state apparatus dominated by parties should be reduced according to the principles of freedom. 3. Freedom is opposed to every kind of oppression, whether exercised by state institutions or semi-state cum private organizations. A way of life rendering as much self-determination as possible for everyone should not be misunderstood as a cult of the ego. The freedom of an individual is limited by the freedom of others. Les dangers du populisme Joerg Haider est de toute évidence un populiste et un opportuniste qui aime bien susciter la controverse. Ça l'a bien servi jusqu'ici, puisqu'il a réussi à faire progresser son parti jusqu'au score de 27% des voix qu'il a obtenu aux élections de l'automne dernier. Le populisme est une stratégie politique risquée, qui mise sur le ras-le-bol des gens en rapport avec des situations controversées. Parfois ça dérape, parce qu'on ne peut pas contrôler les déclarations de tout le monde, mais surtout parce que les déclarations des populistes sont jugées de façon systématiquement plus critique que celles des politiciens bien établis, qui font partie de la clique C'est par exemple ce qui est arrivé au Parti réformiste, qui s'est construit il y a plus de dix ans en partie en réaction au pleurnichage et au chantage constants du Québec, au bilinguisme imposé et à ce qu'on considère dans l'Ouest comme la domination du On peut trouver ces commentaires isolés ou ces stratégies électorales discutables. On ne peut pas, à moins de faire preuve d'une malhonnêteté intellectuelle abyssale, en conclure que ce parti est néo-fasciste, alors qu'il défend exactement le contraire du fascisme, c'est-à-dire le libre marché, un État moins interventionniste, la décentralisation du pouvoir, des droits de propriété individuels reconnus dans la constitution, la fin des privilèges pour tous les groupes qui profitent de la redistribution étatique, bref, moins d'État et plus de liberté individuelle. Le fascisme est, lui, fondé sur une glorification du groupe, sur le pouvoir absolu de l'État et sur le culte du leader de la nation, représentant unanime et glorieux de celle-ci, le Duce, le führer. Comment faire cadrer cette logique totalitaire, anti-individualiste à l'extrême, avec les positions du Parti réformiste? Antisémite? Raciste? De la même façon, rien n'appuie la thèse selon laquelle Joerg Haider et son Parti de la liberté seraient l'avant-garde du Quatrième Reich. Toutes les condamnations des derniers mois s'appuient sur trois commentaires discutables de
Personne n'a pu trouver un seul commentaire, dans toute la carrière de Joerg Haider, pouvant l'identifier comme un antisémite. Aucun. Le Parti de la liberté n'est relié à aucun mouvement de types skinheads, chemises brunes ou autres groupuscules violents. Pour Simon Wiesenthal du Jewish Archive Centre de Vienne, un homme qui s'y connaît lorsqu'il est question de nazisme, Ça n'a pas empêché les lobbys juifs canadiens, le Congrès juif et B'nai Brith, de monter sur leurs grands chevaux pour dénoncer la venue de Haider au pays. Chaque fois que ces hystériques professionnels dénoncent gratuitement le soi-disant antisémitisme et le racisme de quelqu'un ayant tenu des propos controversés, ils perdent malheureusement un peu plus de leur crédibilité comme Joerg Haider est l'ennemi à abattre pour une raison bien simple: il souhaite que les Autrichiens soient moins écrasés par l'État. Il s'oppose en effet à la construction d'un super État européen de plus en plus centralisé et interventionniste, ce qui choque les nouvelles couches de parasites politiques et bureaucratiques du Vieux Continent. Et sa popularité est en train de faire s'écrouler tout l'édifice politique autrichien des quarante dernières années, pendant lesquelles deux partis, socialiste et Double standard Pour revenir à Montréal, les commentaires qu'on a pu entendre ou lire ici ces derniers jours ne se sont évidemment pas référés à des choses aussi futiles qu'un programme politique concret, comme on peut le constater dans cet extrait d'une Le programme? Il se résume à la propagation du racisme, de la xénophobie. Au rejet du corps étranger, à la négation de l'autre. De cet autre qu'il faut renvoyer en dehors des frontières parce qu'il est le responsable de nos maux. Haider ne fait alors que reprendre la vieille rengaine qui fait de l'étranger le bouc émissaire de tous les maux en plus d'altérer la pureté ethnique, en l'occurrence germanique.Ce scribouillard ne travaille pas au Devoir pour rien: c'est parce qu'on peut y faire carrière sans jamais vérifier la véracité de ce qu'on écrit ni s'en remettre au gros bon sens pour interpréter les faits. Vérifier le contenu véritable du programme du Parti de la liberté n'a évidemment aucune pertinence pour ceux qui pensent pouvoir interpréter ce que quelqu'un veut Vous souvenez-vous au fait des manchettes gigantesques et des analyses à plus finir dans le Devoir et les autres médias lorsque des communistes ont accédé au gouvernement en France en 1981, puis de nouveau récemment en 1997, en partenariat avec leurs alliés socialistes? Et des pressions faites par le Canada, les États-Unis et l'Union européenne sur la France pour éviter un Ce même gouvernement français, constitué en partie d'individus aux croyances abjectes, est aujourd'hui à l'avant-garde dans la condamnation de l'Autriche, alors que ce sont eux qui devraient subir la condamnation de la communauté internationale. Ce sont les socialistes et les Verts français qui devraient subir l'opprobre des parlotteux grands défenseurs de la démocratie et de la dignité humaine. C'est le premier ministre Lionel Jospin qui devrait être conspué pour avoir consenti à pactiser avec le diable. On garde pourtant le silence partout sur cette question. En Italie, des ex-communistes Joerg Haider est ostracisé aujourd'hui parce qu'il conteste l'ordre socialiste de son pays et de l'Europe. Le Parti réformiste a mis des années avant de devenir fréquentable au sein des élites de la capitale impériale sur l'Outaouais, et encore, la méfiance est toujours là. Des lecteurs qui liront ces propos favorables à Haider dans le présent QL auront sans doute le réflexe moutonnier de croire qu'il y a anguille sous roche et que nous sommes peut-être un groupe d'extrémistes néo-nazis qui cherche à infiltrer subrepticement les milieux intellectuels québécois. Chaque page publiée dans le QL ne contient pourtant qu'un seul élément de propagande dangereuse: la défense de la liberté individuelle. Mais c'est le prix à payer, semble-t-il, pour promouvoir cet idéal dans des sociétés qui ont subi des décennies de lavage de cerveau gauchiste.
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Le Québec libre des nationalo-étatistes |
Alexis
de Tocqueville
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