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Montréal, 4 mars 2000 / No 57 |
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par
Gilles Guénette
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Ces deux phrases, n'importe qui au Québec aurait pu les écrire.
Qu'elles l'aient été par le metteur en scène et dramaturge
Serge Marois(1)
importe peu; elles ne détonnent en rien du discours intellectuel
prédominant – celui qui veut que l'on soit culturellement vulnérable
face à nos voisins du Sud et que ceux-ci ne veulent que nous écraser
avec leur McCulture. Mais qu'en est-il de cette menace américaine?
Existe-t-elle vraiment ou n'est-ce qu'une invention pour justifier les
constantes interventions de l'État dans la chose culturelle?
Nous et Eux
L'anti-américanisme primaire qui s'exprime régulièrement
dans notre milieu culturel n'est en fait qu'une variante du collectivisme
qui règne au Québec. Il relève d'une des tactiques
les plus communes employées par les collectivistes pour susciter
la solidarité et l'attachement à un
Ces monstres, une fois identifiés, permettent la mobilisation des
soi-disant
À chaque jour, une nouvelle crise vient ébranler les fondations
de notre coin de pays (voir LA CRISE DE L'ÉTAT
ET L'ÉTAT DE CRISE PERMANENT, le QL,
Ainsi, à entendre nos artistes, nos politiciens et les membres de notre élite intellectuelle, nous vivons dans une province assiégée par la culture américaine. Pourtant, à y regarder de plus près, la McCulture est difficile à repérer au royaume de la poutine. À part les quelques mégacomplexes cinématographiques qui poussent ici et là dans les grands centres urbains, la culture de l'Oncle Sam se fait rare.
Les Américains ne nous font pas concurrence au théâtre.
Certes, il se joue quelques pièces de dramaturges américains
de temps en temps dans une de nos salles montréalaises – que ce
soit A Streetcar Named Desire de Tennessee Williams ou La Mort
d'un commis voyageur d'Arthur Miller –, reste que ce sont des Québécois
qui les mettent en scène et qui les jouent ces pièces. Les
productions exclusivement américaines présentées au
Québec le sont dans le cadre d'événements comme le
Festival de Théâtre des Amériques ou le Fringe Festival.
Même chose du côté de la nouvelle danse. Montréal est l'une des plus importantes plaques tournantes de la danse contemporaine au monde. O Vertigo Danse, La La La Human Steps, Gilles Maheu et Carbone 14, Margie Gillis, Marie Chouinard, pour ne nommer que ceux-là, sont reconnus à travers le globe pour leur travail. Le dernier danseur américain à prendre le monde d'assaut a été John Travolta dans Saturday Night Fever!
Que dire de la situation en littérature? Bien sûr les Américains
sont présents dans tous les secteurs de l'édition, mais les
Québécois aussi! Nous avons nos auteurs de livre de recettes
(Daniel Pinard), de self-help books (Guy Corneau) et, bien sûr,
de romans (la liste serait trop longue). D'ailleurs, comment se fait-il
qu'on ne parle pas de Dans un domaine plus populaire comme la télévision, on ne peut pas non plus parler de concurrence démesurée de la part des Américains. Chaque nouvelle publication des cotes d'écoute Nielsen ne fait que confirmer ce que nous savons déjà: les émissions les plus regardées au Québec sont toutes produites ici. Malgré le fait que les signaux de télévisions américaines soient des plus accessibles, les Québécois continuent de regarder religieusement leurs épisodes de Virginie, de La petite vie et du Poing J.
Peut-on parler de domination américaine dans le secteur de la musique
pop? À part quelques divas vaguement anorexiques et spécialisées
dans une musique moelleuse aux mélodies accrocheuses, et quelques
chanteurs latinos à la testostérone animée, la pop
music américaine est aussi fragmentée qu'ailleurs – donc,
inoffensive. Bien sûr, il y a la musique country qui accapare
une part importante du marché là-bas, mais ce phénomène
demeure insignifiant de ce côté-ci de la frontière
alors... S'il y a domination en pop music, elle est anglaise – on
n'a qu'à penser à toutes les
Domination dans les arts visuels? L'architecture? La photographie? La poésie?
Où ça?!
Si la machine hollywoodienne est passée maître dans l'art de produire des longs métrages dont les principales propriétés sont d'éveiller les plus bas instincts du cinéphile pour ensuite lui procurer une bonne dose de gratifications instantanées, qu'on l'accepte et qu'on passe à autre chose. Nous pouvons faire mieux dans d'autres domaines, investissons-y temps et énergies. Monstrueuse
magouille
Cette manoeuvre profite à l'ensemble des artistes, à tous les représentants qui font carrière sur leur dos (unions d'artistes, guildes de musiciens, alliances de ci et de ça...), aux entreprises subventionnées qui oeuvrent dans ce secteur et, bien sûr, aux politiciens qui accroissent leur importance et assoient un peu plus leur emprise à chaque nouvelle intervention. Bref, à tout le monde sauf à ceux et celles à qui on fait constamment les poches.
Lorsque les artistes ou leur porte-parole descendent sur la place publique
pour alerter la population aux dangers du présumé monstre
américain, ils ne visent pas la protection d'une culture québécoise
fragilisée ou menacée d'extinction, ils visent avant tout
la protection de leur petite magouille.
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