Montréal, 15 avril 2000  /  No 60
 
 
<< page précédente 
 
 
  
 
Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur
 
  
  
***
  
  
     Le QUÉBÉCOIS LIBRE est publié sur la Toile depuis le 21 février 1998.
 
     Il  défend la liberté individuelle, l'économie de marché et la coopération volontaire comme fondement des relations sociales.
 
     Il s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les individus.
 
     Les articles publiés partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées n'engagent que leurs auteurs.
 
ÉDITORIAL
 
L'ANARCHISME: ENTRE LA TYRANNIE LOCALE ET LA FOLIE RÉACTIONNAIRE
 
par Martin Masse
  
  
          L'anarchisme est à la mode. Les opposants à l'Accord multilatéral sur les investissements et les manifestants contre l'Organisation mondiale du commerce à Seattle s'en réclamaient; les « commandos bouffe » volant de la nourriture dans les restaurants chics et les émeutiers brisant des fenêtres à Montréal brandissent aussi le drapeau noir; enfin, les entartistes qui font les manchettes en s'attaquant à des politiciens et qui organisent des festivals de la folie utilisent des techniques de contestation différentes mais se rattachent également à ce mouvement. Nul doute que chez les petits bourgeois gauchistes de salon du Plateau Mont-Royal, l'anarchisme a également la cote ces temps-ci.  
  
          Il y a 25 ans, c'est le marxisme qui canalisait les pulsions contestataires des jeunes étudiants excités et les frustrations existentielles des écrivains ratés et des barbus en mal d'utopies. Mais la plupart de ceux qui manifestaient alors se sont trouvé de belles positions dans les universités, les syndicats et surtout la bureaucratie du secteur public, et ont depuis longtemps oublié leur volonté de changer le monde. Le monde tel qu'il est leur convient tout à fait, salaire et conditions de travail inclus, et c'est le corporatisme qui est devenu leur idéologie de prédilection.  
  
          La nouvelle génération de paumés a donc constaté le chemin parcouru par les pseudo-révolutionnaires de la génération précédente et conclu qu'il ne suffit pas de s'attaquer au marché, aux « structures d'oppression capitaliste », au pouvoir des riches et des puissants: il faut aussi s'attaquer à tous les pouvoirs quels qu'ils soient, y compris à l'État qui maintient en place le système capitaliste sous prétexte de l'améliorer et qui réussit à coopter toutes les forces de changement à gauche.  
  
          L'anarchisme est l'idéologie tout indiquée pour ces déçus du système. Ce qui le distingue en effet officiellement des idéologies collectivistes plus conventionnelles que sont le communisme et le socialisme, c'est le scepticisme devant la capacité de l'État à mettre en place les structures de la société égalitaire parfaite. En plus de l'égalité, ils disent défendre, en théorie du moins, la liberté individuelle.
 
          Mais ne nous trompons pas: les anarchistes sont tout sauf des libertariens. Leur défense de la liberté est purement rhétorique et se voit en fait contredite par tout le reste de leur philosophie. Ce sont en réalité des communistes pressés. Comme Marx, ils souhaitent ultimement l'instauration d'une société complètement égalitaire, sans classe et sans État. Contrairement aux marxistes, ils ne croient toutefois pas qu'on puisse y arriver en se soumettant à une dictature du prolétariat et en permettant à une avant-garde bureaucratique éclairée de planifier la production collective, mais plutôt en démolissant le plus rapidement possible toutes les institutions sociales, économiques et politiques qui entretiennent l'oppression actuelle.  
  
Tyrannie locale 
  
          Dans un petit livre publié l'automne dernier avec pour titre simplement Anarchisme(1), le professeur Normand Baillargeon de l'UQAM (que certains ont pu lire jusqu'à récemment comme chroniqueur au Devoir) explique que les anarchistes veulent non seulement éliminer l'État, mais aussi le marché, la propriété privée, le salariat, le profit, ainsi que tout rapport hiérarchique dans les relations de travail.  
  
          Par quoi tout cela serait-il remplacé? M. Baillargeon consacre quatre petites pages au modèle économique anarchiste, ce qui s'avère un bon reflet de ce que cette idéologie a à offrir sur ce plan. On a le choix: il y a d'abord les capotés qui prônent carrément l'abolition du travail et le « droit à la paresse ». Ainsi, selon l'auteur Bob Black, « Personne ne devrait jamais travailler. Le travail est la cause de la plupart des maux de ce monde. Cela ne signifie pas qu'on cessera de faire des choses: simplement qu'on inventera une nouvelle manière de vivre, fondée sur le jeu. » Très amusant en effet. Plus sérieusement (enfin, tout est relatif), il y a ceux qui tentent de développer le modèle autogestionnaire, c'est-à-dire un contrôle de la base sur l'ensemble des activités de production. C'est par des comités de travailleurs et de consommateurs, ou des coopératives si on veut, que l'on déciderait quoi, comment, combien, pour qui produire. Les individus seraient rémunérés « selon l'effort et le sacrifice », la division des tâches serait « équilibrée », la gestion et la planification se feraient en groupe.  
  
           La recette anarchiste mènerait, on s'en doute, à un effondrement économique mais aussi à un nouveau type de tyrannie collectiviste à saveur plus locale. Comment fait-on en effet pour calculer la quantité d'effort et de sacrifice consacrée par quelqu'un? Pire, comment peut-on faire ce type d'évaluation collectivement? Comment peut-on motiver les gens à accroître leur effort et leur quantité de travail tout en maintenant l'égalité de tous? Et comment maintenir l'égalité de tous sans obligatoirement réprimer ceux qui veulent en avoir plus, en faire plus, ceux qui sont plus actifs, brillants, dévoués à la tâche, inventifs, rapides, ambitieux? Comment assurer l'échange et la coopération lorsque rien ne nous appartient – la propriété privée a en effet été abolie – et lorsqu'il n'y a aucune façon simple et directe de déterminer si nous pourrons jouir du fruit de notre travail – l'« esclavage salarial », comme le désignent les anars, ayant aussi été aboli?  
  
          Est-on libre lorsqu'on dépend constamment de l'accord des autres pour tout, lorsque chacun de nos actes nécessite une permission accordée par le groupe, aussi décentralisé soit-il? Comment peut-on être assez naïf pour croire que ces petits groupes ne seront pas contrôlés par des cliques qui s'arrogeront le pouvoir localement et qui en profiteront aux dépens des autres, tout comme les bureaucrates se transforment nécessairement en caste privilégiée dans les économies socialistes? 
  
          On voit immédiatement à quel genre d'absurdité mènerait un tel arrangement en lisant cette citation de Kropotkine, après l'apologie que M. Baillargeon fait de la « haute teneur morale » de sa réflexion et de son « sens de la justice »: « Tout est à tous, puisque tous en ont besoin, puisque tous ont travaillé dans la mesure de leurs forces et qu'il est matériellement impossible de déterminer la part qui pourrait appartenir à chacun dans la production actuelle des richesses. »  
  
Nihilisme 
  
          Oubliez tous les problèmes de gestion bien plus complexes que demande le maintien d'une économie qui peut nourrir six milliards d'humains, les anarchistes n'y comprennent rien et n'ont rien à offrir à ce chapitre. Comme les marxistes, ils n'ont même pas résolu les paradoxes les plus simples et les plus fondamentaux que soulève l'imposition d'un idéal égalitariste et communiste dans un contexte humain où les individus ont des aptitudes inégales, des besoins et des désirs variés, et ont une nature qui fait qu'ils se préoccupent en général d'abord de leur propre bien-être avant de penser à celui de la collectivité.  
  
          Une façon simple de contourner ce problème de l'élaboration d'un modèle alternatif logique et cohérent est de nier sa pertinence et de s'en remettre à la pensée magique. C'est ce que défend par exemple Noam Chomsky, linguiste américain de renom et le plus connu des idéologues anarchistes contemporains, pour qui « il est inutile, voire nuisible de construire, dans un aujourd'hui aliéné et opprimé, des modèles destinés à préciser comment fonctionneront nos institutions dans un avenir libéré ». Bref, détruisons tout et on verra bien ce qui arrivera après.  
  
          Cette attitude nihiliste résout bien des problèmes en effet. Dans une entrevue à l'hebdo culturel Ici qui a suivi la parution de son livre, Normand Baillargeon applique la même logique au problème du droit dans la société anarchiste: 
          La grosse critique que l'on a fait aux anarchistes, c'est de dire que c'est utopique. À ce propos, les anarchistes avaient de bons arguments. Sur chacun des cas concrets, ils faisaient remarquer que la question présuppose la présence des institutions en place. Supprimez ces institutions et la plupart des problèmes que vous pensez avoir trouvés disparaissent. (...) Prenons par exemple la question du droit. On demande souvent aux anarchistes ce qu'ils comptent faire des criminels. La réponse traditionnelle des anarchistes c'est: examinons ce que l'on appelle crime. Or, quand on l'analyse on se rend compte qu'une part substantielle de ce que l'on appelle crime provient des institutions au sein desquelles nous vivons. On a des crimes économiques parce qu'il y a de la propriété privée; on a des crimes contre la personne parce que l'on a des inégalités épouvantables qui génèrent ça. Éliminons ces institutions-là et le problème que l'on croyait déceler aura pour une large part disparu(2).
          Simple comme bonjour! Dans une société anarchiste, les voisins plus pauvres de M. Baillargeon pourront se servir de sa voiture et manger ce qu'il y a dans son frigidaire, ce ne sera pas un vol puisque ces biens appartiendront alors à tout le monde. Il fallait y penser. Non seulement le paradis arrive par magie quand on « élimine » ces réalités oppressives que sont la propriété privée et les inégalités, mais le processus lui-même d'« élimination » est si évident qu'il n'est pas nécessaire d'y consacrer une ligne pour expliquer comment ça arrivera. Il faut croire que ça se fera de façon tellement spontanée lorsque nous en aurons ainsi décidé « collectivement » qu'il n'y a aucune raison de se demander comment réagiront les millions de gens à qui on enlèvera leur propriété et qu'on forcera à devenir aussi « égaux » que tout le monde. Comme il n'y aura pas de pouvoir étatique pour imposer le nouvel ordre, on suppose que tous s'y soumettront volontairement. Nul doute que M. Baillargeon a bien hâte, lui, de se départir de tous les biens qu'il a en trop comparé aux prolétaires de ce monde.  
  
Violence 
  
          Avec une telle logique, ce n'est pas un hasard si depuis ses origines au 19e siècle, le mouvement anarchiste a toujours eu une image de violence et de banditisme révolutionnaire. Comme nous l'explique M. Baillargeon, les théoriciens anarchistes « prônent inlassablement la pratique de l'action directe, c'est-à-dire de toutes ces formes d'action par lesquelles des gens, refusant de déléguer leur pouvoir, agissent par et pour eux-mêmes. Grève, boycott, occupation, sit-in, sabotage, refus de payer taxes et impôts, blocage de routes, en sont quelques exemples. La pratique de l'action directe est en fait, selon le mot d'Emma Goldman, "la méthode privilégiée, logique et consistante de l'anarchisme" » 
  
          On pourrait rajouter aussi émeutes, briques lancées dans les fenêtres, vols, attaques contre les personnes, et autres méfaits. Normand Baillargeon ne prône aucune de ces méthodes et dit déplorer « ces tendances à l'irrationalisme auxquelles les anarchistes n'ont pas toujours su résister comme dans ces déplorables appels impressionnistes à la violence ». Et pourtant, toute la logique développée dans son bouquin n'est rien d'autre qu'une longue justification et un long « appel impressionniste » à la violence. Les jeunes voyous anarchistes qui ont manifesté violemment il y a quelques semaines à Montréal ont bien compris cette logique. Ils n'ont fait que reprendre les slogans des Bakounine, Goldman et autres Proudhon et les ont mis en pratique: si tout est à tout le monde, si les droits de propriété n'existent pas, il devient moralement acceptable de prendre de force la part de la « richesse collective » qui nous revient, et de s'attaquer violemment à ceux qui la possèdent ou qui nous empêchent de nous en approprier. 
  
          Une de ces militantes ultragauchistes qui se réjouissait de voir tant de drapeau noirs et rouges lors de l'émeute, Martha Harnacker (voir Béquille de bronze, le QL, no 59), expliquait ainsi dans une lettre à La Presse qu'il y a une différence entre la violence des policiers, qui protègent « la propriété privée, le capitalisme, la bourgeoisie et les fascistes », et la violence « révolutionnaire ». Le second type de violence est évidemment, selon elle, justifié: « Le véritable ennemi est le capitalisme lui-même (c'est pourquoi des McDonald's ont été symboliquement attaqués), alors que la police en est son agent. D'un point de vue idéaliste, il serait préférable de la combattre sans violence, mais notre monde repose sur des bases matérielles et non pas sur des idées et c'est à ce moment que la violence s'impose non pas comme un choix, mais comme une nécessité. Tous les médias de masse sont contrôlés par des agents du capitalisme; le seul et unique moyen de nous exprimer est de prendre la rue et de retirer le monopole de la violence à l'État. » 
 
  
     « Si tout est à tout le monde, si les droits de propriété n'existent pas, il devient moralement acceptable de prendre de force la part de la "richesse collective" qui nous revient, et de s'attaquer violemment à ceux qui la possèdent ou qui nous empêchent de nous en approprier. »   
 
 
          Les anarchistes entartistes professent une logique similaire. Car c'est bien de violence qu'il s'agit, lorsqu'on s'attaque à la personne physique de quelqu'un, qu'on le blesse ou non. Ces minables personnages tentent de se justifier en prétendant s'attaquer uniquement à l'ego de leurs victimes, en disant vouloir faire rire et démystifier le pouvoir de personnages importants de la politique et des affaires. Pour eux, l'intégrité physique n'a évidemment rien d'absolu, il s'agit simplement d'une autre invention des puissants pour se protéger et défendre leurs privilèges. Ils considèrent donc qu'il n'y a rien de répréhensible à la violer en leur envoyant des tartes à la crème au visage.  
  
Irrationalisme réactionnaire 
  
          Des entartistes de plusieurs pays et tout ce que la ville compte d'anarchistes se sont d'ailleurs réunis ces derniers jours à Montréal dans le cadre du « Symfolium », un festival de la « folie révolutionnaire ». Outre la violence et le nihilisme, l'irrationalisme est en effet l'un des aboutissements de la pensée anarchiste: puisque le capitalisme est un système fondé sur la raison, défendu par une idéologie qui fait appel à la logique, à l'intérêt bien entendu de chacun, puisque nous n'avons pas les outils conceptuels pour le combattre sur son propre terrain, eh bien, combattons-le par la folie! Peut-être finira-t-il par s'effondrer si on en rit suffisamment, si on lui oppose « l'anarcho-débile » et le « terrorisme burlesque », si on démasque sa véritable nature par des « procès contre la Raison » et des « concours de discours absurdes et révolutionnaires » comme ceux qui ont été tenus lors du Symfolium.  
  
          L'un de ces terroristes du rire de passage au festival, le belge Robert Dehoux, a exprimé dans un bouquin qui traite de « l'anthropologie de l'aliénation » son dégoût de cette civilisation qui lui a notamment permis de prendre l'avion pour venir ici raconter ses inanités. Plus radical encore que ceux qui veulent simplement détruire toutes les institutions de la société contemporaine pour recréer un monde d'abondance sans exploitation, il souhaite, lui, revenir à la vie du paléolithique. À l'époque, donc, d'avant la révolution néolithique d'il y a dix mille ans, quand les premières populations humaines se sont établies de façon permanente dans des villages au Proche-Orient et ont développé l'agriculture et l'élevage.  
  
          Comment survivrons-nous dans un tel monde? Pas de problème, M. Dehoux est un clown anarchiste et a une solution magique dans son chapeau. Selon lui, il suffit d'« enlever à l'argent son pouvoir nutritif, puisqu'il y a sur terre suffisamment de nourriture pour tout le monde. Enlevez à l'argent son pouvoir, et nous trouverons très vite d'autres façons de nous nourrir. Cela donnera aux gens des occasions de se parler, de trouver d'autres solutions ensemble. » Et quel type d'action directe prône-t-il pour faire s'écrouler la civilisation et accélérer le retour à l'Eden de la vie dans les cavernes? Entre autres, « introduire des allumettes coupées dans les serrures des institutions "antipathiques", de manière à bloquer la circulation des biens et des personnes »(3). On le voit, anarchisme ne rime pas seulement avec folie burlesque mais aussi avec folie pathétique, folie réactionnaire et folie meurtrière.  
  
Même vieille gauche étatiste 
  
          On l'a dit, les anarchistes prétendent se distinguer de la gauche plus conventionnelle, social-démocrate, socialiste et communiste, par leur scepticisme envers toute forme de pouvoir, y compris le pouvoir politique et bureaucratique. À ce titre, ils se rapprochent d'une certaine manière des libertariens, par leur opposition de principe à la coercition étatique. Mais est-il vraiment nécessaire de leur trouver une case idéologique particulière, quelque part à mi-chemin entre les collectivistes étatistes et nous? Pas vraiment, puisqu'en bout de ligne, la différence entre gauche socialiste conventionnelle et gauche anarchiste iconoclaste ne tient pas à grand-chose.  
  
          Le lecteur profane qui lirait les articles de Normand Baillargeon dans le Devoir et ailleurs mettrait beaucoup de temps à se rendre compte que l'auteur professe des idéaux anarchistes. Comme je lui ai souvent fait remarquer, on lit en effet dans ses écrits les mêmes dénonciations du « laisser-faire néolibéral », et les mêmes apologies de l'interventionnisme étatique, que l'on retrouve chez ses collègues orthodoxes. En quoi cela est-il compatible avec l'anarchisme? La réponse se trouve à la fin du bouquin. Comme son idole Noam Chomsky, M. Baillargeon croit que la véritable menace pour la civilisation n'est pas, aujourd'hui, l'État envahissant, mais plutôt le libertarianisme, ou en tout cas le courant mondial qui favorise plus de libre marché, qui engendrera une oppression encore plus grande s'il réussit à s'imposer. Selon lui, « nous vivons un moment historique dans lequel il faut, provisoirement, se porter à la défense de l'État, et [...] cela ne constitue pas une entorse intolérable à une position anarchiste. » Entre la coercition bureaucratique et la liberté de produire, consommer, commercer, investir, les anarchistes choisissent donc de se ranger du côté de leurs alliés naturels, les interventionnistes, les socialistes et les communistes.  
  
          Lorsqu'on constate par ailleurs que les bozos du Symfolium ont eux aussi, malgré leurs prétentions anarchistes, profité d'une subvention de 112 000 $ de divers ministères provinciaux, d'une autre de 3000 $ de la Ville de Montréal, et enfin de 5000 $ chacun des mafias syndicales étatistes orthodoxes que sont la FTQ et la CEQ, pour organiser leurs activités, on comprend enfin que les anars ne sont pas plus sérieux lorsqu'ils parlent d'anti-étatisme que lorsqu'ils prétendent lutter en faveur de la liberté individuelle.  
  
          Rassurons-nous donc. Malgré la mode actuelle, toute cette mise en scène idéologique n'est en réalité qu'une immense farce plate et ce n'est pas demain la veille qu'une philosophie radicale d'une telle nullité réussira à exercer une véritable influence. Et n'oublions pas, les anarchistes le savent, l'État a tendance à coopter les forces de changement à gauche. Les soixante-huitards aussi ont voulu trouver sous le pavé la plage mais ont finalement abouti dans les positions de pouvoir qu'ils dénonçaient. Et comme il reste des tas d'opportunités d'avancement dans les syndicats, les groupes communautaires subventionnés, les universités et la bureaucratie...  
  
 
1. Éditions L'île de la tortue, 1999. À côté notamment de l'entartiste Benoît « Tartagnan » 
    Foisy, qui comparaissait devant un juge il y a quelques jours pour avoir assailli le ministre 
    Stéphane Dion, on retrouvera mon nom dans la liste des personnes remerciées par l'auteur. 
    M. Baillargeon m 'a en effet demandé mon avis sur la section qui traite de 
    l'« anarcho-capitalisme », une école de pensée dans la mouvance libertarienne avec 
    laquelle il est évidemment en total désaccord.  >> 
2. Yves Schaëffner, « Le bonheur, c'est l'anarchie », Ici, 6-13 janvier 2000.  >> 
3. Caroline Montpetit, « La vie avant le travail », Le Devoir, 3 avril 2000.  >> 
 
 
Articles précédents de Martin Masse
 
 
 
  
Le Québec libre des  nationalo-étatistes  
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
  
        « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »    

Alexis de Tocqueville   
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) 

 
<< retour au sommaire
PRÉSENT NUMÉRO