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Montréal, 8 juillet 2000 / No 64 |
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par
Pierre Desrochers
L'un des mythes économiques les plus tenaces est que le progrès technologique détruit l'emploi. Bien que cette croyance ait été mille fois démentie, elle resurgit périodiquement de ses cendres et contribue à garnir le portefeuille de quelques alarmistes. Plusieurs de nos lecteurs se souviennent ainsi sans doute du technophobe Jeremy Rifkin, dont l'ouvrage La fin du travail nous annonçait l'avènement de la |
Si M. Rifkin a trouvé un auditoire attentif en France et dans d'autres
économies socialistes en détresse, il y a toutefois longtemps
qu'il a été obligé de changer de disque aux États-Unis.
Le pauvre habite en effet dans la région de Washington qui est depuis
quelques années l'une des deux ou trois régions les plus
prospères d'Amérique en raison de l'incroyable succès
des entreprises du domaine des technologies de l'information et des biotechnologies
qui y pullulent.
Pour vous donner une idée de la santé économique de la capitale américaine, cher lecteur, sachez qu'il n'est pas rare que le Washington Post du samedi ait trois sections d'offres d'emplois et qu'il est à peu près impossible de trouver un centre commercial de banlieue où tous les commerces n'affichent pas des offres d'emplois dans leur vitrine. Bien que mon collègue Olivier Golinvaux (voir RÉDUCTION ET PARTAGE DU TEMPS DE TRAVAIL: UNE COMÉDIE RIDICULE, le QL, no 58) ait déjà rédigé un bon article sur cette problématique, j'aimerais revenir sur la question, notamment en raison de la pauvreté d'un débat sur le sujet qu'il m'a été donné de voir à Télé-Québec il y a quelques semaines. Une problématique vieille comme la technologie Nombre d'auteurs ont de tout temps soutenu la thèse du chômage technologique. Le philosophe grec Aristote a ainsi écrit quelques siècles avant notre ère que Plusieurs siècles plus tard, l'empereur romain Dioclétien tiendra le même discours à un ingénieur lui proposant une machine capable de soulever et de dresser les colonnes sans recourir à une main-d'oeuvre abondante en lui répondant sèchement: Plus près de nous, le Bernard Landry de Louis XIV, Colbert, rabrouera un inventeur lui proposant une machine pouvant faire le travail de 10 hommes:
Ces craintes simplistes seront par la suite reprises et élaborées par d'innombrables auteurs socialisants au nombre desquels on comptera Proudhon, Marx et Veblen. Malgré certaines différences de vocabulaire, leur raisonnement se limite toujours à quelques postulats. L'argumentaire et les solutions des technophobes Peu importe le lieu ou l'époque, l'argumentation des tenants du chômage technique s'articule essentiellement autour de deux arguments. Le premier est que l'insuffisance de la demande créée par le chômage découlant des nouvelles technologies cause un sous-emploi permanent. L'anglais Robert Owen, l'un des premiers socialistes utopiques, note ainsi au début du 19e siècle à propos de l'industrie textile anglaise qu'une Cette interrogation est reprise quelques années plus tard par Proudhon: Le second argument récurrent des technophobes est que les nouvelles technologies font que rien ne sera plus jamais comme avant. Certains auteurs, comme l'économiste Alvin Hansen qui élabore dans les années 1930 sa Les solutions des pessimistes face à ces problèmes ont toujours été les mêmes. Quelques-uns prônent la destruction des nouvelles machines ou technologies, tandis que certains soutiennent qu'il faut taxer les profits et créer des Toutes ces mesures s'avèrent toutefois immanquablement de mauvaises solutions à de faux problèmes, car l'observation des faits dans les économies prospères montre toujours qu'il y a beaucoup plus d'emplois après l'introduction des nouvelles technologies qu'auparavant. J'expliquerai ce paradoxe dans ma prochaine chronique. Les citations utilisées dans ce texte sont tirées des trois ouvrages suivants:
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