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Montréal, 14 octobre 2000 / No 69 |
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par
Brigitte Pellerin
Pierre Trudeau est mort. Vive Pierre Trudeau! (je sais, vous êtes aussi tannés que moi d'entendre parler de lui. Mais ne vous en faites pas, je n'en ai pas pour longtemps).
Comme virtuellement tout le monde s'est évertué à
le répéter: l'homme est mort, mais ses idées et sa
vision demeurent. Et on a pas fini de se faire rabâcher les oreilles
avec ça lors de la prochaine élection fédérale,
je vous en passe un papier. Un gouvernement central fort, une société
ouverte et tolérante, le bilinguisme coast to coast, la Charte
des droits, tout plein de belles et bonnes choses pour lesquelles les Canadiens
devront être reconnaissants au Parti libéral du Canada.
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Imposer
son modèle
On a critiqué et louangé l'ancien premier ministre sur tous les tons, ou presque. Martin Masse, dans le précédent numéro, y allait ainsi: Arrêtez-vous deux secondes et relisez la phrase précédente. Enfin, surtout le dernier bout. Je n'ai rien contre les grands rêveurs et autres idéologues, soit dit en passant. J'en suis une, sans doute comme la majorité d'entre vous. Le problème, c'est lorsque les visionnaires se mettent en tête d'utiliser toutes sortes de stratagèmes pour imposer un modèle bien précis à une population plus ou moins hétéroclite. Parce que ça ne marche pas pantoute. Non seulement ça ne marche pas, mais ça fait reculer tout le monde. C'est, à tout le moins, l'opinion de Virginia Postrel, qu'elle exprime de façon magistrale dans son bouquin The Future and its Enemies(1). Postrel est d'avis que le statisme et le dynamisme ont remplacé les vieilles divisions gauche-droite. Le statisme est la recherche de moyens clairs et précis pour réagir aux nouvelles situations afin de garder les choses sous contrôle, alors que le dynamisme se contente d'élaborer de grandes règles qui s'appliquent à tout le monde (dans le genre des Dix commandements) à l'intérieur desquelles les gens sont libres de faire ce qu'ils veulent comme ils veulent. Le statisme, c'est la foi en un modèle idéal – les gens qui y croient passent leur temps à essayer de trouver LA meilleure façon de rétablir la justice sociale, de redistribuer la richesse, de créer des emplois, d'assurer l'équité inter-générationelle, ou de garantir un revenu minimum Ça sonne un tantinet go-gauche, vous en conviendrez.
Les gens qui croient au dynamisme, de leur côté, pensent que le progrès – qu'il soit individuel ou social – ne dépend pas de l'adhésion à une vision unique centrale, mais qu'il résulte plutôt de la créativité individuelle et d'un processus décentralisé d'essais et erreurs. Autrement dit, laissons les gens libres de faire ce qu'ils veulent à l'intérieur de quelques grandes règles bien générales et applicables à tous sans exception. Le progrès viendra tout seul. Résultats mitigés Ouf, quel concept. Imaginez, laisser les gens libres de faire ce qu'ils veulent. On n'a pas vu ça souvent, par chez-nous. Partout où l'on regarde, on ne voit que règlements, programmes sociaux et subventions. L'intervention gouvernementale, toujours et tous les jours. Au nom du développement régional, de la justice sociale ou de n'importe quelle maudite raison. Parce qu'il faut, nous dit-on, Et pourquoi acceptons-nous toutes ces bébelles étatiques? Parce que, nous dit-on encore, si le gouvernement n'intervient pas, les riches continueront de s'enrichir et les pauvres continueront de s'appauvrir (ce qui reste encore à prouver, mais bon, on ne va pas s'empêtrer dans ce genre de calculs... On a une Le rêve de Trudeau et de bien d'autres, c'est d'établir une société Ce que les tenants de la société juste – tous partisans du statisme jusqu'à la moelle – essaient de faire, c'est de légiférer et d'administrer la justice sociale à partir de Québec et/ou d'Ottawa. Ça fait des dizaines d'années qu'ils planchent là-dessus. Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve que les résultats de leurs efforts sont plutôt mitigés. Il serait peut-être temps d'envoyer nos visionnaires jouer au golf et de laisser les gens libres de créer eux-mêmes leur propre avenir, qu'en dites-vous?
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