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Montréal, 4 août 2001 / No 86 |
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par
Martin Masse
Comparer le Québec avec les autres sociétés nord-américaines, c'est presque toujours constater que nous avons un gouvernement plus gros et plus interventionniste que ceux des provinces et États environnants, que nous sommes plus imposés et avons une économie plus réglementée que la plupart de nos voisins. Il y a toutefois un domaine où l'on constate que le Québec se rapproche peut-être plus de l'idéal libertarien: sur les questions sociales ou morales, les Québécois sont parmi les Nord-Américains les plus tolérants des différences, des modes de vie |
Un sondage récent de la firme Léger Marketing le confirme
encore une fois. Sur des questions telles le divorce, la sexualité
des adolescents, l'homosexualité, la consommation de drogue, etc.,
une majorité de Québécois opte pour la tolérance.
Sur la plupart de ces questions, les Québécois – particulièrement
les francophones – sont systématiquement les plus ou parmi les plus
permissifs des Canadiens, qui eux-mêmes le sont plus que les Américains
en général.
Le vice-président de la firme de sondage, Christian Bourque, décrit ainsi ce qui semble être l'attitude la plus courante au Québec: Cette attitude est exactement le fondement de la philosophie libertarienne. C'est le principe de non-agression, qui stipule que l'on est libre de faire ce que l'on veut, dans la mesure où l'on ne porte pas atteinte (ou menace de porter atteinte) à la personne et à la propriété d'autrui. Ce que l'on fait avec son propre corps ne regarde donc personne d'autre que soi-même. Voilà le seul arrangement qui permet à chacun de suivre ses propres fins – et dans une société pluraliste, ces fins sont nécessairement variées – tout en respectant les autres. Tolérer n'est pas nécessairement accepter Les libertariens sont-ils pour autant des relativistes moraux, des gens qui acceptent n'importe quoi, des... libertins? En fait, non. Tout d'abord, les libertariens ne sont pas des relativistes pour qui tout se vaut, puisqu'ils défendent la valeur morale de la liberté. Ils n'acceptent pas n'importe quel arrangement politique, économique et social, mais visent au contraire la propagation des valeurs et institutions libérales qui ont fait des sociétés occidentales les sociétés les plus libres, prospères, tolérantes et dynamiques de l'histoire humaine. Par ailleurs, sur les questions sociales et morales, les libertariens n'ont pas nécessairement de positions spécifiques en tant que libertariens. Un libertarien peut par exemple croire que la prostitution, la drogue, l'homosexualité, sont des abominations condamnées par Dieu; il peut croire fermement que ce sont des pratiques immorales qu'il ne peut tolérer dans sa propre vie. Mais comme libertarien, quelles que soient ses croyances morales ou religieuses, il croit également qu'il n'est pas légitime d'imposer ces croyances à tous, ou encore qu'il n'est pas légitime que l'État impose les croyances d'une partie de la population, même une majorité, à tous. Il y a donc une différence fondamentale entre, d'une part, tolérer ou ignorer les comportements d'autrui et, d'autre part, les accepter ou les approuver moralement. Pour être libertarien, il suffit de tolérer ou d'ignorer ce que font les autres et de s'opposer à l'imposition de normes officielles par l'État. C'est ce qui fait qu'il y a des libertariens qui ont une attitude très permissive et d'autres qui professent des valeurs très conservatrices.
Évidemment, lorsqu'on accepte ou approuve, il est plus facile de tolérer que si l'on condamne. Les puritains de la Nouvelle-Angleterre du 17e siècle ont acquis une mauvaise réputation historique non pas parce qu'ils avaient de fermes convictions morales – ce qui peut être admirable en soi –, mais à cause de l'intolérance dont ils faisaient preuve en persécutant les membres des autres communautés religieuses et en tentant d'imposer à tous de façon fanatique leur code moral très strict. La tentation puritaine a toujours été plus présente chez ceux qui croient avoir la sanction divine de leur côté. Aujourd'hui toutefois, on la retrouve également chez les fanatiques de la Nos ancêtres libertariens Quoi qu'il en soit, on peut se demander si les Québécois sont simplement tolérants ou s'ils n'ont pas un côté permissif et bonasse qui les fait accepter n'importe quoi tant qu'on les laisse plus ou moins en paix. L'article du Globe rapporte des commentaires intéressants d'un sociologue de l'Université Laval, pour qui les résultats du sondages montrent que les Canadiens français retournent en fait à leurs racines... libertariennes: Simon Langlois, a sociology professor at Laval University, said Quebeckers have a liberal streak that dates to their freedom-loving days as coureurs de bois.On a de nombreux exemples historiques pour illustrer ce penchant anti-autoritaire. Ainsi, même si le gouverneur et l'intendant avaient des pouvoirs juridiques et administratifs quasiment absolus en Nouvelle-France (au contraire de la situation dans les colonies anglaises, il n'y avait pas ici d'assemblée représentative) on ne peut pas en déduire que la tyrannie y régnait. Comme l'explique l'historien Gustave Lanctôt dans L'administration de la Nouvelle-France (Éditions du Jour, 1971): Si une loi ou un projet de l'administration leur répugnait tout particulièrement, ils ne manifestaient pas: ils lui opposaient la force irrésistible de l'inertie. Les gouverneurs et les intendants n'insistaient pas: ils connaissaient trop bien la profondeur de l'opiniâtreté canadienne et la proximité de la forêt sans fin. En voici deux exemples caractéristiques. Dès le début de la colonie, le roi ne cessa de recommander aux administrateurs de la colonie d'empêcher les habitants de construire leurs maisons sur leurs terres, mais de les forcer à les grouper en villages pour mieux se défendre contre l'ennemi. Remise continuellement de l'avant, la décision royale resta lettre morte, parce que le paysan canadien préféra toujours se bâtir une maison isolée, mais sur sa propre terre. Soit en bordure du fleuve ou de la grande route.On pourrait également citer d'autres exemples de cet esprit d'indépendance sous le Régime anglais (voir LE BON VIEUX TEMPS... DANS LE BAS-CANADA LIBERTARIEN, le QL, no 73). Nos contemporains bonasses Comme on le voit, nos ancêtres ne faisaient pas que tolérer le mode de vie un peu étrange de leurs voisins, voisins qu'ils souhaitaient par ailleurs garder le plus éloignés d'eux possible. Ils résistaient aussi aux excès des petits despotes qui les gouvernaient. Les Québécois francophones d'aujourd'hui sont loin d'être libertariens dans ce sens. Ils acceptent sans trop rechigner d'être les citoyens les plus taxés d'Amérique du Nord. Ils tolèrent qu'une petite élite de nationalo-gauchistes embrigade leurs enfants dans des écoles nationalisées. Ils font la queue dans des hôpitaux publics délabrés et ne voient pas trop à redire qu'on leur interdisent des choix alternatifs de soins de santé.
Pratiquement personne ne lève le petit doigt lorsque les chiens
de la police de la langue harassent leurs concitoyens anglophones et ce,
même si les relations sont en général tout à
fait harmonieuses entre anglophones et francophones dans les relations
de tous les jours. Chaque fois qu'une nouvelle réglementation ou
restriction est promulguée par l'État, on rouspète
un peu, puis on finit par se conformer.
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Le Québec libre des |
Alexis
de Tocqueville
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