Montréal, le 14 août 1999
Numéro 43
 
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     Le QUÉBÉCOIS LIBRE est publié sur la Toile depuis le 21 février 1998.   
   
     Il  défend la liberté individuelle, l'économie de marché et la coopération volontaire comme fondement des relations sociales.   
      
     Il  s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les individus.      
  
     Les articles publiés partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées n'engagent que leurs auteurs.      
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
ÉDITORIAL
  
LES BIENFAITS DE LA DISCRIMINATION
 
par Martin Masse
 
  
          Comme une nouvelle brève en faisant état dans notre dernier numéro (voir LIBRE D'ÊTRE GAI, LIBRE D'ÊTRE ANTI-GAI?, le QL, no 42), l'homosexualité est aujourd'hui un phénomène social reconnu et en gros accepté, sauf bien sûr dans les coins les plus reculés du continent. Ceux qui subissent aujourd'hui l'intolérance et la répression des élites sont plutôt ceux qui ne veulent pas s'associer aux homosexuels, pour des raisons religieuses ou autre. Qu'on soit d'accord ou non avec eux, ils ont cependant le droit, dans une société libre, de croire ce qu'ils veulent et de s'associer ou ne pas s'associer avec qui ils veulent.  
  
          Mais ce principe de base d'une société libre ne plaît pas aux nouveaux ayatollahs de la political correctness, les juges. On le constate régulièrement, ces soi-disant défenseurs de nos droits constitutionnels n'ont pas plus de jugeote que le plus ignorant et intellectuellement dépravé prof marxiste de l'UQAM ou militant syndical à la CSN. La plupart ont gobé les principes étatistes et proto-fascistes qui dominent dans les hautes sphères de la société et la liberté n'est pour eux qu'un bel idéal dépassé parmi d'autres, sans aucune incidence concrète sur la loi.  
  
          La cour suprême du New Jersey a ainsi statué, dans un jugement unanime, que l'organisation des Boy Scouts n'avait pas le droit de discriminer contre les homosexuels dans l'embauche d'animateurs pour s'occuper des jeunes. Selon ces augustes personnages, l'organisation doit se conformer aux chartes qui interdisent la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle parce qu'on peut la considérer comme une « public accomodation », une institution offrant un service au public.  
  
Le privé n'existe plus 
  
          Ce jugement est fondé sur une pure fantaisie juridique. L'organisation des Boy Scouts est une organisation privée, au même titre qu'un club de joueurs d'échecs, qu'une association d'entraide pour les mères célibataires ou qu'une chambre de commerce. Chacune de ces organisations est fondée sur la base de certaines caractéristiques, qui permettent d'inclure certains membres et de discriminer contre d'autres. Les clubs d'Âge d'or discriminent contre les jeunes; les organismes de promotion des traditions juives rejettent les goyim; les lobbys féministes ne recrutent pas d'hommes; les églises excommunient ceux qui ne se conforment pas aux dogmes de leur foi. 
 
 
          Tout cela est dans l'ordre des choses, et dans l'ordre d'États de droit garantissant en théorie la liberté d'association comme sont censés l'être le Canada et les États-Unis. On s'associe avec qui l'on veut pour promouvoir les valeurs ou les intérêts que l'on chérit, et on discrimine contre ceux qui contredisent ou n'ont rien à voir avec nos buts. Ceux qui ne sont pas d'accord peuvent toujours aller ailleurs et former leur propre regroupement.  

          Les dirigeants des Boy Scouts ont décidé qu'il allait à l'encontre de leurs valeurs et de leur conception de relations humaines saines au sein de leur organisation de permettre à des animateurs homosexuels de s'occuper de jeunes garçons. On peut penser qu'il s'agit d'un préjugé tenace et non fondé qui identifie homosexuel et pédophile; c'est peut-être le cas, mais ce n'est pas à nous, ni aux cours, d'en juger. Une organisation privée devrait avoir le droit de faire ses propres règles, d'avoir son propre code de fonctionnement, y compris d'entretenir ses propres préjugés. Les gais qui veulent absolument s'occuper de jeunes scouts (en plus des hétérosexuels que ça ne dérangent pas) n'ont qu'à mettre sur pied leur propre organisation parallèle de scouts, rien ne les en empêche. Grâce à ce principe de la liberté de chacun de s'associer avec qui il veut, on évite d'imposer les conceptions d'une majorité – ou d'une minorité – à tous. Même les goûts ou les intérêts les plus minoritaires, comme par exemple les clubs privés d'échangistes, peuvent alors s'exprimer. 
  
Un intérêt public arbitraire 
  
          Le jugement du New Jersey rappelle d'ailleurs à certains égards celui de la juge Louise Baribeau de la Cour municipale de Montréal qui, entre autres idioties, constatait le nombre élevé de personnes participant à une orgie au bar l'Orage et en concluait que le caractère « dégradant et déshumanisant » des actes perpétrés devenait alors d'intérêt public (voir Prix Béquille, le QL, no 42). Où est donc le niveau limite? Si cinq personnes peuvent s'adonner sans problème à l'amour en groupe dans une chambre à coucher privée, pourquoi cela devient-il d'intérêt public lorsqu'une vingtaine de personnes font la même chose dans un endroit tout aussi privé?  
  
          La logique – ou l'illogisme! – derrière tout cela, c'est qu'il est plus facile de justifier une intervention lorsqu'il y a plus de gens impliqués, lorsque l'intimité ou le caractère restreint du phénomène est moins évident, lorsqu'on peut faire appel à l'« intérêt public » sans faire éclater tout le monde de rire. La juge Baribeau prétend que c'est le cas pour une partouze impliquant une vingtaine de participants; les juges du New Jersey considèrent quant à eux qu'un organisme national et connu de tous comme les Boy Scouts peut facilement passer, même s'il s'agit en réalité d'une association privée, pour une institution publique, comme l'Armée, la Poste ou la fonction publique. 
  
 
  
« Ce qu'on considère comme de la discrimination a nécessairement une dimension subjective et dépend des modes idéologiques du jour comme des forces politiques en présence. »
 
 
 
          Ce qu'on considère comme de la discrimination a nécessairement une dimension subjective et dépend des modes idéologiques du jour comme des forces politiques en présence. Hier, l'État réprimait l'homosexualité, aujourd'hui il en fait presque la promotion; hier, il discriminait contre les Noirs et les Juifs, emprisonnait d'honnêtes immigrants italiens et japonais dans des camps pendant la guerre et cherchait à déraciner la culture autochtone; aujourd'hui, il s'en prend aux fumeurs, aux possesseurs d'armes, aux anglo-Québécois, et à tous ceux qui refusent d'une façon ou d'une autre de se conformer au modèle du bon citoyen selon l'élite nationalo-gauchiste bien-pensante.  
  
          Plus l'État étend ses tentacules sur la société civile, plus la répression risque de s'abattre sur de nouvelles catégories de moutons noirs officiels. Les gais qui se réjouissent des jugements actuels et croient être à l'abri de la discrimination, maintenant que le pouvoir leur est sympathique, ne pensent manifestement pas aux exactions futures dont ils seront les victimes pour d'autres raisons. Et les choses ne peuvent qu'empirer. De grands pans qui touchent directement la vie privée et les croyances personnelles, comme la santé et l'éducation, sont depuis des décennies maintenant sous la coupe de l'État. Ils sont devenus de véritables champs de bataille où s'affrontent diverses conceptions irréconciliables. Les gauchistes politically correct ne sont d'ailleurs pas les seuls qui veulent imposer leurs vues à tous. Ces derniers jours par exemple, les fondamentalistes religieux majoritaires au Conseil de l'éducation du Kansas ont réussi à voter l'élimination de toute référence à la théorie de l'évolution dans les programmes pédagogiques des écoles publiques. 
  
          Mais au lieu de reconnaître le pluralisme incontournable de la société, de se retirer et de laisser les gens s'associer librement selon leurs propres croyances, goûts et intérêts, les élites au pouvoir cherchent plutôt à étendre leur mainmise en diluant graduellement le concept de propriété et de sphère privées, et en redéfinissant toute activité sociale comme d'« intérêt public ». Ce concept de « public accomodation » invoqué par les robes noires du New Jersey constituait déjà une violation flagrante des droits de propriété lorsqu'il servait à réglementer les restaurants, hôtels, ou compagnies privées de transport. Maintenant que les tribunaux ont décidé de l'appliquer non pas seulement à des entreprises mais aussi à des associations privées et volontaires, il n'y a plus de limite constitutionnelle: rien n'empêchera dorénavant l'État de chercher à contrôler tout ce que les individus font et avec qui ils le font, sauf peut-être dans l'intimité de leur maison. Correction: dans l'intimité de leur maison, et dans la mesure où ils sont peu nombreux. 
 
  
 
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L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
 
  
Le Québec libre des 
nationalo-étatistes 
 
          « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »  

Alexis de Tocqueville 
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840)

 
 
 
 
 
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