Montréal, 28 septembre 2002  /  No 110  
 
<< page précédente 
 
 
ÉCRIVEZ-NOUS
 
     Vous n'êtes pas d'accord avec le contenu d'un article? Vous avez une opinion à partager?
 
 
     LE QUÉBÉCOIS LIBRE publiera toutes les lettres pertinentes. N'oubliez pas d'écrire vos nom et lieu de résidence. We also accept letters in English.
 
WRITE TO US
COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER
 
LA GUERRE POSSIBLE ENTRE
LES ÉTATS-UNIS ET L'IRAK
 
  
          Cette guerre possible dans les prochaines semaines cache des objectifs et des visées impérialistes américaines.  
  
          Les objectifs sont infiniment bien cachés. Sous le couvert de: « Production massive d'armes destructives de masse » (bactériologiques, nucléaires, etc...), les US ne divulguent nullement les visées stratégiques de l'attaque contre l'Iraq. Georges W. Bush, le rejeton de son père, conseillé par les mêmes (ou presque) hommes de main que son père reprend la même litanie de discours. Mais que veulent-ils donc ces Bush, Rumsfeld, Powell, Rice et compagnie en Irak? 
  
          Le pétrole du Golfe Persique, le gazoduc de Sibérie, et le gaz naturel de la Mer Caspienne. Et quoi d'autre? 
  
          Mesdames, messieurs, y-a-t-il parmi vous qui allez nous dire les vrais enjeux de cette future guerre? 
  
Pierre Dulude
  
  
 
  
CHARITÉ PRIVÉE OU PUBLIQUE?
 
 
Re.: REDISTRIBUER LA RICHESSE EST IMMORAL, le QL, no 80. 
  
          Je doute sincèrement, contrairement à ce que vous avancez, que la charité privée puisse remplacer la charité publique. Dans le cas de la charité privée, elle dépend de la bonne volonté des individus (lorsqu'il y en a) ce qui peut être très long et être soumis à certaines conditions pas toujours moral du bon samaritain. Au moins, avec la charité publique, il y a un mécanisme qui se met en marche automatiquement lorsqu'il y a une demande et avec des conditions déjà établies. 
  
          Ceci n'est pas une question idéologique mais de bon sens. Une démocratie libérale peut très bien le faire (et mieux encore qu'un état socialiste qui ne fait que distribuer la pauvreté à la population et des privilèges aux dirigeants) comme c'est le cas présentement au Canada et au Québec. 
  
          Bien que je partage votre opinion concernant le socialisme, je trouve exagéré de qualifier ses représentants de « moumounes » et de d'autres qualitatifs du genre. Cela ne fait que nuire à votre propos et met en lumière un manque de respect de votre part. 
  
          Salutations, 
  
Danny Chamberland
  
 
Réponse de Martin Masse: 
  
Monsieur Chamberland, 
  
          Votre commentaire soulève plusieurs questions et problèmes de logique. 
  
          Vous doutez qu'il puisse y avoir de la bonne volonté de la part des individus si la charité est privatisée et si chacun doit décider volontairement, pour lui-même, d'être charitable ou non. Sur quoi alors se base la charité « publique » et cette « solidarité sociale » qu'on nous rabâche sans cesse? Quel mandat le gouvernement a-t-il de redistribuer notre argent si personne n'est vraiment charitable? Comment la charité peut-êlle exister comme valeur collective, abstraite, si elle ne découle pas du désir de chacun d'être charitable et donc de faire preuve de cette bonne volonté lorsqu'il a le choix individuellement? Ou alors les gens sont-il charitables seulement lorsqu'ils sont forcés de l'être, lorsque le gouvernement leur soutire une partie de leur revenu pour le redistribuer? En quoi peut-on parler de charité dans ce cas, si l'intention charitable est absente et que l'on n'a pas le choix? Nos dirigeants qui prennent ces décisions pour nous auraient-ils une plus grande conscience morale et seraient-ils plus charitables que toute la population? Est-ce un hasard s'ils sont charitables avec l'argent des autres et non avec le leur? Est-ce aussi un hasard s'ils espèrent obtenir le vote de groupes dans la société qui bénéficient de leur « charité »? 
  
          Cordialement, 
 
M. M. 
 
 
  
  
DES PONCIFS ÉCULÉS SUR L'ANARCHISME
 
 
Re.: L'ANARCHISME, ENTRE LA TYRANNIE LOCALE ET LA FOLIE RÉACTIONNAIRE, le QL, no 60. 
 
Monsieur Masse,  
  
          Je viens de découvrir, au hasard d'une promenade sur la toile, votre site et, de ce fait, j'ai lu votre article consacré à l'anarchisme. Je ne contesterai pas la réalité d'un certain nombre de portrait hauts en couleurs et peu crédibles que vous avez inventorié. En revanche, vous avez dressé la liste d'un certain nombre de poncifs éculés qui représentent l'opinion la plus répandue certes, à propos de l'anarchisme, mais aussi la plus erronée et la plus caricaturale pour ne pas dire primaire.  
  
          Je ne vais pas m'engager dans un vaste débat où citations et références à l'Histoire permettraient une lecture sensiblement différente du mouvement anarchiste. Je me contenterai de souligner le caractère populiste d'une rhétorique qui consiste à emprunter les raccourcis et les amalgames les plus grossiers.  
  
          Ainsi, cette vieille complaisance qui consiste à assimiler l'idée anarchiste à la pratique de la violence, à assimiler le recours à la grève ou le refus de payer l'impôt (par exemple) au concept de violence, à énumérer les actes (alors qu'il ne s'agit que d'un nombre limité de possibles) issus de l'« action directe » pour mieux les mêler insidieusement au principe de « banditisme ». 
  
          Les anarchistes n'aspirent pas à « l'imposition d'un idéal égalitariste », ils refusent simplement d'adopter la vision irrationnelle d'une « Nature humaine » qui ferait de nous des êtres définitivement crispés sur la satisfaction de nos intérêts particuliers (donc privés) et considèrent notre espèce comme perfectible donc apte à poser au premier rang de ses préoccupations l'intérêt collectif. En ce sens, il est question de société égalitaire et non « égalitariste ». Il est question de considérer que les ressources de notre planète doivent être placées au service de la vie dans une logique globale et non au service de quelques rares privilégiés qui ont eu la chance de voir le jour dans le monde occidental. 
  
          Autre supercherie, prétendre que les anarchistes proposent de rémunérer les individus « selon l'effort et le sacrifice »!!! Mais d'où sortez-vous cette absurdité? La pensée libertaire s'appuie sur une idée simple et forte, l'égalité de droits. Ce qui clairement signifie que la seule condition humaine inclut les droits élémentaires à tout ce qui est constituant d'une vie décente et qui, bien sûr, recouvre des réalité différentes selon les environnements culturels.  
  
          Dans le contexte économique présent, il est vrai que les libertaires ne sont pas en mesure de concevoir un projet de société clairement formalisé, et le pourraient-ils qu'il continueraient à considérer que ce projet n'aurait de légitimité qu'avec l'approbation du plus grand nombre, par voie démocratique (démocratie directe et non représentative). Ils savent cependant (et en cela, ils ne sont pas les seuls!) que le projet de société libérale est en faillite. Que la somme des intérêts particuliers les plus puissants a conduit notre planète à un point de détérioration tel que des scientifiques des plus sérieux s'interrogent sur notre devenir collectif. Ils savent que les riches sont de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvres (osez dire le contraire!) et que l'hémisphère sud rassemble des millions de nos semblables qui quotidiennement crèvent au nom de l'égoïsme des nantis.  
  
          Votre revendication pour que l'intérêt particulier soit inscrit aux frontons de nos temples monétaires est, selon moi, un combat d'arrière-garde; même s'il doit encore durer quelques décennies. J'en resterai là et n'entrerai donc pas dans des développements de natures économiques ou sociales mais me contenterai de vous exprimer une grande affliction face à des arguments où le faux, le malhonnête et le spécieux se disputent le premier rôle.  
  
Xavier Godeau
Paris
  
  
  
  
 LA SYMBOLIQUE DU CRABE, JE N'AI RIEN COMPRIS
 
 
Re: UN CRABE DANS LA TÊTE (RÉVEILLEZ-MOI QUAND LE FILM SERA TERMINÉ), le QL, no 93. 
 
          Faisant des recherches pour trouver quelque information sur le film d'André Turpin, j'ai été sidérée en faisant la lecture de la critique de Gilles Guénette. Je m'explique: ce qu'il dénonce est précisément la richesse du film. Je parle particulièrement du personnage d'Alex qui est quasi-parfait sur le plan psychologique. Quant à l'histoire (mais qu'est-ce que cette fixation pour l'Histoire avec un grand H), elle est précisément celle de sa psychologie qui semble avoir passé inaperçue. 
  
          Le symbole du crabe annonce le problème du personnage et le dénouement de sa quête personnelle. Associé au « renouvellement et à la nécessité de se débarrasser des croyances mortes qui encombrent le psychisme et qui doivent être rejetées comme la carapace que l'animal rejette lorsqu'elle est devenue trop lourde » (Grand dictionnaire des symboles et des mythes, de Nadia Julien, chez Marabout), le crabe illustre les tendances caméléons du personnage, dont la croyance fondamentale envahissante et paralysante est qu'il faille se mentir à soi-même, tromper l'autre, se renier pour séduire et ainsi être aimé. 
  
          La scène du réveil suite à l'accident qu'il a subit met en relief cette compulsion de séduire, qui se répète dans la rencontre avec Marie, scène dans laquelle l'opinion qu'émet la journaliste sur le film pourri sert davantage à contraster avec l'auto-rejet du personnage principal. Ce déni de sa propre personnalité est poussé à outrance lorsqu'il fait un livreur de drogue de lui-même suite à son incapacité à refuser quoi que ce soit pour plaire à n'importe qui et à tout prix, et devient d'un ridicule tordant lorsqu'il se rend chez le sniffeux dérangé, dont la personnalité est diamétralement opposée à la sienne, mais qu'il calque tout de même d'un regard, scène mémorable du film où l'on voit Alex entrer, écouter, se taire, et imiter. L'instant de silence inconfortable que nous percevons n'est que le temps que le héros met pour s'adapter à son interlocuteur et s'en faire « un ami », quitte à devenir complètement stupide. 
  
          Le mensonge et la tromperie sont omniprésents chez Alex. Mais si le personnage peut sembler détestable par moments, à l'approche de la fin entre autres, lors de sa rencontre avec son ex, il devient des plus attachants lorsque l'on comprend le dilemme qui le déchire à chaque seconde: être vrai ou être faux. 
  
          Avec un peu de compassion on pénètre dans son univers psychologique, évoluant avec lui, espérant qu'un jour il saura dire « non », être cruel, faire quelque chose qui lui plaît, à lui, et qui inévitablement sera utile à autrui. Son refus de continuer à « aider » (car est-ce vraiment de l'aide que de contribuer à la destruction de quelqu'un?) est un pas gigantesque dans son évolution. Il décide d'agir selon sa conscience, et rend probablement le service qu'aucun n'aurait eu le courage de rendre dans les circonstances. 
  
          L'inconstance d'Alex, également symbolisée par le crabe, est son essence même. Il tente d'avancer mais recule. Il est faible, n'a pas le courage d'assumer ses idées, ses désirs, même son propre nom. Grâce à Marie, qui ressent, pressent et déteste profondément l'attitude traîtresse d'Alex et provoque chez lui une rupture psychologique, grâce à cette femme qui s'assume et dont le rôle d'allié à l'insu du principal concerné est majeur, le personnage reconstruit son identité. 
  
          Tomber amoureux de la blonde de son meilleur ami est probablement la plus grande menace à son mécanisme de fuite. Tôt ou tard il ne pourra plus mentir. La sincérité de Sara met encore en évidence l'hypocrisie d'Alex, qui pousse le mensonge démesurément lors de sa conversation téléphonique avec elle sur le perron de son meilleur ami. Il transpire la menterie, renvoie tout ce qui pourrait l'obliger à être, mais il évolue. Devant le grand écran, il craque et s'avoue, s'avoue qu'il est lui et pas un autre. 
  
          Nous faire admirer le talent de photographe d'Alex ou nous montrer comment Samuel observe les étoiles serait futile. Comprendre que la photo, c'est l'image, que le journalisme, c'est la recherche de vérité, que la surdité de Sarah c'est une protection contre la superficialité d'Alex, cela compte pour comprendre l'ampleur de l'handicap de l'artiste. Même son ami, qui avait vu clair dans son jeu, attend patiemment que ce dernier lui révèle la vérité qu'il voulait entendre. 
  
          Le personnage d'Alex n'est pas vide par manque d'imagination ou de vision de son créateur, il est vide par compulsion, vide par détresse, vide parce que trop plein d'un crabe dans la tête, envahi par une carapace, une image de lui qu'il attend des autres pour lui refléter sa valeur. Et puis le crabe s'en va en même temps que le personnage fait un pas vers l'affirmation de lui, du vrai. David Lahaie est étonnant, délicieux, drôle, il rend l'émotion avec une finesse exquise. 
  
          Le film est n'est pas l'histoire de la vie d'Alex, il est le portrait de son être. Il n'est pas l'image, Il est ce qu'elle cache; peut-être quelque chose d'horrible comme les photos d'Alex prises dans les profondeurs marines, là où l'eau est si profonde que l'on ne peut échapper au désastre de sa propre réalité. Et si aussi profondément on découvre les maux de notre inconscient, de notre psyché, si on découvre notre propre mort à mille lieux sous les mers, que cela nous dévore, si le crabe qui nous ronge nous pousse à extirper de nous le mensonge, alors il s'est certes passé quelque chose. Quelque chose d'immense, un cheminement que peu feront, car passer une vie entière à se mentir à soi-même n'est pas chose rare. Mais la sagesse qu'acquiert Alex dans son excursion au fond de lui le transformera à tout jamais, en rejetant la croyance morte en lui et qui le poussait vers sa propre mort, celle qui consiste à « réagir à la demande des autres plutôt qu'à agir », à devenir autre pour ne pas cesser d'être.  
  
          Un rare délice pour les amateurs d'êtres humains. 
  
Marie-Hélène Maltais
  
Réponse de Gilles Guénette: 
  
Madame Maltais, 
  
          S'il faut lire Le Grand dictionnaire des symboles et des mythes de Nadia Julien pour comprendre les nuances des films québécois, on n'est pas sorti du bois! Ça voudrait dire que pour pleinement apprécier un film comme Un Crabe dans la tête, il serait préférable de savoir, au préalable, que le crabe est associé au « renouvellement et à la nécessité de se débarrasser des croyances mortes qui encombrent le psychisme et qui doivent être rejetées comme la carapace que l'animal rejette lorsqu'elle est devenue trop lourde »? Ça me fait penser à ces installations d'art contemporain qui ne veulent rien dire à quiconque ne lit pas les petites affiches qui les accompagnent! Si le propre de la communication est de communiquer des idées ou des points de vue de façon claire, certains artistes réussissent manifestement moins bien que d'autres... 
  
          Pourtant, on peut très bien « passer des messages » ou présenter des produits à plusieurs niveaux de lecture sans tomber dans une symbolique mystico-hermétique digne de l'Ordre de la Rose-Croix. Prenez des films comme La Turbulence des fluides de Manon Briand ou Québec-Montréal de Ricardo Trogi. Ces deux excellentes productions se « lisent » sur plusieurs niveaux et ne requièrent pas de leurs publics qu'ils soient « initiés » à de quelconques croyances ésotériques du genre que vous me nommez. Ces deux films réussissent à plaire à des cinéphiles qui recherchent le profond dans une oeuvre sans pour autant tomber dans la grosse comédie légère et grand public qui fait tant jacasser notre bien-pensante et bien branchée élite culturelle. 
  
          Je crois qu'une certaine catégorie d'artistes se plaisent à faire dans l'hermétisme et le symbolique parce que ça les protège de la critique. En créant des oeuvres qui à première vue semblent « insaisissables » ou « trop profondes », ils se gardent la possibilité de leur faire dire n'importe quoi (à une, le crabe veut dire ça, à l'autre, il veut dire cela) de même qu'ils se gardent de bien pratiques portes de sortie: « Ce n'est pas de ma faute, si vous n'avez rien compris! » Vous dites que « la photo, c'est l'image, que le journalisme, c'est la recherche de vérité, que la surdité de Sarah c'est une protection contre la superficialité d'Alex ». Si moi je crois que « la photo, c'est la technologie élevée au rang de déité, que le journalisme, c'est la recherche effrénée de la tromperie, et que la surdité de Sarah ce n'est en fait qu'une bien triste réalité de la vie », est-ce que je suis complètement à côté de la track? Est-ce que j'ai une chance de pouvoir apprécier le Crabe à sa juste valeur? Semblerait que non... 
  
          Bien sûr, il faut être ouvert aux oeuvres et ne pas tout prendre au 1er degré, mais avouez que certains produits culturels sont plus faciles à décoder que d'autres. Et que le Crabe de Turpin ne fait pas partie de ceux-là. 
  
          Bien à vous, 
  
G. G.
 
 
 
ATTENTION!
    Si vous en avez marre de vivre dans une société où l'hystérie nationaliste domine tous les débats; dans un pays où les taxes, les réglementations omniprésentes et le paternalisme des gouvernements briment la liberté individuelle et restreignent le dynamisme économique; dans une culture où le moutonnisme et l'égalité dans la médiocrité sont plus valorisés que l'individualisme et la compétition; dans un monde intellectuel où les prétendus « consensus nationaux » promus par une élite déconnectée servent de prétexte pour éviter les débats rationnels; 
  
FAITES QUELQUE CHOSE!
 
    Abonnez-vous, envoyez-nous des lettres ou des textes, et SURTOUT faites connaître le QL à vos parents et amis en leur envoyant l'adresse de notre site:
www.quebecoislibre.org 
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO